Demain le 1er mai

Dans 31 jours, 100 euros de moins pour des dizaines de milliers de Réunionnais ?

30 avril 2013, par Manuel Marchal

Demain, le défilé de la Fête des travailleurs relayera un mot d’ordre d’opposition à une mesure du gouvernement : le refus de l’inscription dans la loi de l’accord national interprofessionnel. À La Réunion, la fin programmée d’une mesure spécifique risque d’aggraver la crise sociale. Qu’adviendra-t-il dans 31 jours, si le RSTA n’est pas maintenu ?

À La Réunion, le RSTA est un acquis obtenu par la lutte, mais il est en sursis jusqu’au 31 mai. Qu’adviendra-t-il si dans 31 jours, plusieurs dizaines de milliers de travailleurs voient leur salaire baisser de 100 euros ?
(photo Toniox)

En France, l’Assemblée nationale vient d’inscrire dans la loi l’accord national interprofessionnel (ANI). Le contenu de ce texte est le résultat d’un compromis entre les organisations patronales et quelques syndicats : CFDT, UNSA, CFTC et CGC. CGT et FO ont refusé d’apporter leur signature à ce qu’elles considèrent comme un grave recul social.

En effet, les gains obtenus sont peu eu égard aux avancées obtenues par le patronat, estiment les deux centrales syndicales. Le texte prévoit en effet de faciliter considérablement les licenciements. Ainsi, un travailleur qui refuse une baisse de salaire pourra être licencié, ainsi qu’un autre qui s’oppose à une mutation forcée, sous prétexte qu’un accord de sauvegarde de l’emploi aura été trouvé au sein de l’entreprise.

De tels reculs sont très graves, et personne n’a contesté le fait que le principal inspirateur de ce document était le MEDEF.

C’est donc l’opposition à cet accord qui constituera en France le principal mot d’ordre, aux côtés de la lutte contre les licenciements. Dans ce pays, les usines ferment les unes après les autres. Le dernier exemple le plus médiatique est l’ancienne usine Citroën d’Aulnay sous Bois, condamnée par un plan de restructuration de sa maison mère PSA.

Une conquête de la lutte

À La Réunion, la lutte contre l’ANI sera un mot d’ordre du défilé. C’est inscrit sur le tract de la CGTR, et cela a été rappelé hier dans un message d’Ivan Hoareau, secrétaire général du syndicat.

Mais à La Réunion, la crise sociale est encore plus grave qu’en France. Et un fait qui n’existe pas en France va encore tout accéléré si rien n’est fait : dans 31 jours, le salaire de plusieurs dizaines de milliers de travailleurs va diminuer, légalement.

C’est en effet le 31 mai que le RSTA doit prendre fin. Rappelons que ce Revenu supplémentaire temporaire d’activité est une conquête sociale obtenue grâce à la lutte dans la rue. Les 5, 10 et 19 mars 2009, des défilés de plusieurs dizaines de milliers de personnes viennent soutenir les revendications du COSPAR et de la population. Parmi les revendications de la plate-forme, une prime de 200 euros pour les bas revenus. Cela finit par aboutir notamment par un complément de salaire pouvant aller jusqu’à 150 euros pour les travailleurs gagnant moins de 1,4 SMIC. Les 50 euros sont pris en charge par l’entreprise, via une prime dont les cotisations sont payées par l’État. Grâce à la bataille menée par le PCR et plusieurs autres organisations, ces 50 euros sont reconduits jusqu’à la fin de l’année.

Plus de perdants que de gagnants

Les 100 euros sont versés directement par l’État. D’une durée initiale de 3 ans, le RSTA a été prolongé d’une année par le précédent gouvernement. Se pose la question de son devenir. Interrogé sur ce sujet, le ministre des Outre-mer a renvoyé les travailleurs sur les entreprises. Autrement dit, l’État ne veut plus contribuer. Qui peut croire que dans moins d’un mois, tous les patrons pourront verser 100 euros de plus aux travailleurs qui gagnent moins d’1,4 SMIC ? Quant au "basculement" des bénéficiaires du RSTA sur le RSA, il est loin de garantir un revenu équivalent. Un rapport du député Victoria publié en 2010 montrait déjà que cela ferait plus de perdants que de gagnants. 40% des ayants droits au RSTA seraient exclus de l’accès au RSA, 12% auraient un RSA inférieur au RSTA, avec une perte pouvant aller jusqu’à 200 euros quand les deux conjoints d’un foyer travaillent.

Rapporté aux 40.000 bénéficiaires du RSTA à La Réunion, cela signifie que plusieurs dizaines de milliers vont voir leur salaire baisser. La concrétisation d’une telle catastrophe au moment où les prix continuent d’augmenter ne manquera pas de susciter au moins une légitime indignation.

C’est pour cela que dans l’attente d’une solution acceptée par toutes les personnes concernées, le PCR propose la poursuite du versement du RSTA.

M.M.

Plus de 160.000 demandeurs d’emploi

À La Réunion, le taux de chômage est trois fois plus élevé qu’en France, ce qui fait que dans un secteur comme le BTP, 10.000 travailleurs ont été mis au chômage depuis 2010. Plus du tiers des effectifs de ce secteur ne sont plus en emploi, ces travailleurs ont donc connu une perte de revenu très importante, sans compter tout le savoir-faire dont ils disposent et qui n’est pas utilisé pour le développement du pays.

Ces travailleurs font partie des plus de 160.000 Réunionnais à la recherche d’un travail. Aucun secteur économique dans le pays ne comporte un effectif aussi important. Mais ce sont pourtant ces travailleurs qui sont les plus précaires, car le système fait d’eux des exclus. Ce sont eux aussi qui ont les plus grandes difficultés à s’organiser.
Rendez-vous à 9h demain au Jardin de l’État

C’est à Saint-Denis qu’aura lieu le défilé organisé par les syndicats.
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