Témoignages - Journal fondé le 5 mai 1944
par le Dr Raymond Vergès

Cliquez et soutenez la candidature des Chagossiens au Prix Nobel de la Paix

Accueil > Social > Luttes sociales

« De 5.000 à 10.000 emplois menacés dans les 2 ans »

“Alerte orange” sur le BTP

mercredi 10 septembre 2008


C’est une “alerte orange” sur l’activité du Bâtiment à moyen et long terme que donne la FRBTP, à partir des premiers indices de baisse d’activité perçus dans les métiers du terrassement et du transport. Pour l’avenir, les inquiétudes non levées sur la défiscalisation et la loi-programme sont une menace plus lourde sur l’activité et sur l’emploi.


« Pour le moment, il y a encore beaucoup de grues dans le paysage, mais il pourrait y en avoir beaucoup moins avant la fin de cette année ». Le message envoyé par la FRBTP, dans un contexte où tout semble encore aller plutôt bien, est qu’il ne faut pas s’en tenir aux apparences, celles-ci reflétant une santé construite sur les programmations des années passées.
En moyenne annuelle 2007, le BTP a employé 22.538 salariés, en hausse de 10,2% sur l’année précédente, et réalisé un chiffre d’affaires total estimé à 2 milliards d’euros - hors sous-traitance - dont environ 1,3 milliard dans le Bâtiment et 700 millions en TP et génie civil.
L’emploi dans cette branche d’activité a connu une croissance de plus de 70% entre 2000 et 2007, avec un rythme de création d’entreprises équivalent sur la même période. Cette activité est soutenue à 65% par la commande publique, tandis que les commandes privées restent étroitement liées à la confiance que les investisseurs ont - ou non - dans les dispositions législatives ou fiscales. Deuxième employeur de l’île du secteur privé, le BTP a attiré ces dernières années, du fait des grands chantiers, environ 1 milliard d’euros d’investissements extérieurs drainé par la défiscalisation.

Dans ce contexte apparemment florissant, qu’est-ce qui inquiète les entrepreneurs ? Plusieurs signaux remontés jusqu’au conseil d’administration de la FRBTP réuni mercredi dernier ont décidé la Fédération à lancer une enquête rapide à laquelle cinquante entreprises, sur les 250 contactées, ont répondu depuis la semaine dernière. Pour 75% d’entre elles, l’activité est restée soutenue sur les 8 premiers mois de l’année 2008, mais l’emploi n’a augmenté que dans 28% des entreprises, il est resté stable dans 42% d’entre elles et a baissé dans 30%. Dans 42% des entreprises, le prévisionnel est en baisse pour les 4 prochains mois et 46% prévoit une baisse sur le premier semestre 2009, pour 40% qui maintiendrait leur activité sur la même période. Un tiers des entreprises ayant répondu à l’enquête envisage des licenciements qui, sur ce panel, concernerait environ 300 personnes. Une extrapolation à l’ensemble du secteur laisse craindre un recul de 2.500 à 3.000 emplois d’ici la fin 2008. Tels sont les premiers indices d’inquiétude.

Lorsqu’ils vont en rechercher les causes, les responsables de la FRBTP avancent des données à deux niveaux, économiques et politiques.
Dans les programmations, c’est la fin de plusieurs grands chantiers de Travaux Publics depuis déjà un an, un an et demi - la Route des Tamarins, le Port-Est, le boulevard Sud, la déviation de Grand-Bois - et rien de nouveau ne s’annonce pour 2009, qui verra la fin des ouvrages d’art de la route des Tamarins et du viaduc de Saint-Paul.
« Les appels d’offre pour le tram-train, lancés pour des chantiers qui doivent démarrer en 2009 seront-ils remis en question par les incertitudes qui pèsent sur certains tracés ? » demande Jean-Marie Le Bourvellec, président de la FRBTP. L’annulation de la déviation du Tampon a un impact chiffré sur plusieurs entreprises et l’abandon de plusieurs programmations à plus long terme telles que le Zénith, le Pôle océan, le Front de mer de Saint-Denis ou la cité Ecopolis de Saint-Paul ajoute à la morosité ambiante.
La FRBTP a observé « un recul de 40% des consultations des collectivités locales » au cours des huit derniers mois et, sur la même période, « une baisse de 20% des consultations publiques en général ».
Rien de vraiment surprenant pour une année à élection, souvent synonymes de gel des activités pendant quelques mois, recoupant, en partie, les vacances du BTP. Ce que les entrepreneurs n’avaient pas prévu, c’est la perte de 400 à 500 millions d’euros - soit 15% de l’activité du BTP - du fait des remises en cause de chantiers. Ils sont mis devant le fait accompli d’un “trou” de deux ans dans la programmation des chantiers, en dépit de l’amélioration que commençaient à introduire les rencontres initiées par la cellule économique régionale (CER) du BTP avec l’ensemble des collectivités.

Ce n’est pas très dégagé non plus pour l’avenir dans le Bâtiment, où de nombreux permis de construire, bloqués pour cause d’absence de stations d’épuration, arrêtent la construction de logements en défiscalisation libre ou de logements intermédiaires.
D’autres facteurs compliquent encore le lancement d’opérations de construction : les taux d’intérêt en hausse sur les crédits immobiliers, ou encore les coûts tirés vers le haut (« +4,5% à 5% en moyenne ») par la suppression de la TVA npr (non perçue remboursée) sur l’achat-revente des matières premières. Et le coût de certaines matières premières continue de renchérir les coûts de la construction : + 6,8% pour l’acier, en un mois (juin 2008) et + 31,2% les six derniers mois et + 135% sur les six dernières années.
De tous ces éléments, certains sont cumulés sur une longue période, d’autres étaient plus ou moins prévisibles et d’autres encore, plus subits et conjoncturels. Le cumul des crédits de report de la L.B.U (ligne budgétaire unique) par exemple équivaut depuis la fin des années 90 à la perte de 150 millions d’euros : ce sont 13.000 logements sociaux qui ne sont pas sortis de terre. Un constat qui ne doit rien à la conjoncture actuelle, mais que des décisions politiques à venir pourraient encore aggraver.

Ce qui inquiète les entrepreneurs au présent, sur le plan politique, c’est surtout le projet de plafonnement et de réorientation de la défiscalisation par la Loi-Programme et une remise en cause des “niches fiscales” dans les DOM, par la loi de finances 2009. La FRBTP lance “l’alerte orange” devant le risque que les investissements extérieurs - 1 milliard d’euros par an - décapités par des mesures de défiscalisation moins favorables, ne fuient le BTP.
« Cela représenterait de 5000 à 10.000 emplois directs dans le BTP d’ici 2010 » alerte le président de la fédération. Et autant d’emplois indirects.
La véritable inquiétude des membres de la FRBTP, en dépit des propositions faites et du dialogue maintenu avec le gouvernement, est que ce dernier - trop focalisé sur la poursuite des niches fiscales de luxe décelées aux Antilles - ne perçoivent pas l’impact de ses décisions sur le BTP à La Réunion.
La réorientation de la défiscalisation sur le logement social, mixée à la LBU et au logement intermédiaire ? L’ensemble des professionnels de la construction de La Réunion a dit ses réserves devant le dispositif proposé. La cellule économique régionale a fait d’autres propositions en juin. Pas de réponse... « A quoi servirait de discuter jusqu’en 2009 de la loi-programme si les choses ne sont pas actées dès la loi de finances, qui doit être débattue avant ? » indiquent les dirigeants de la FRBTP, bien décidés à rassembler les parlementaires, les collectivités, chambres consulaires, etc... dans la défense du seul secteur qui continue de tirer l’ensemble de l’économie de La Réunion. Mais pour combien de temps ?

P. David


Un message, un commentaire ?

signaler contenu


Facebook Twitter Linkedin Google plus