Menaces sur les emplois aidés et les associations

Des craintes pour la cohésion sociale

22 juillet 2005

“Témoignages” a interrogé Samuel Mouen, président du Groupement des associations à vocation économique et sociale et chef de projet C.I.V.I.S. (Comité d’insertion à la vie sociale) sur son point de vue concernant les problèmes que connaissent depuis quelques temps les associations et les emplois aidés.

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Les menaces pèsent sur les associations, pourquoi ?

- Cette question, à elle seule, mérite un entretien. Pourquoi ? Je m’explique. Quotidiennement, les associations, grandes ou petites, tombent comme des mouches ; beaucoup traversant une période extrêmement douloureuse et humiliante pour leurs dirigeants. À Saint-Pierre comme à Saint-Denis, les tribunaux sont encombrés par les affaires de redressements ou de liquidations judiciaires. L’ensemble du mouvement associatif est frappé : associations d’éducation populaire, associations à vocation sociale, associations sportives, associations paramédicales, associations des personnes handicapées, associations de chômeurs ou de précaires, bref, tout y passe.

Quelles en sont les raisons ?

- Elles sont multiples et pour moi la plus importante reste de loin la question de la charge financière qui pèse lourdement dans le fonctionnement de l’association. Et pour prendre un exemple, évoquons simplement les contraintes auxquelles ont à faire face les associations qui emploient les emplois dits “aidés”, notamment celles qui ont embauché un plus grand nombre pour développer leurs activités. Elles sont de plus en plus nombreuses à mettre la clé sous la porte en raison des montants importants des charges liées aux salaires des employés. Dans ma réflexion, je me demande pourquoi l’État ferme les yeux devant une telle perfidie si l’Emploi relève de sa compétence et surtout, d’autant que l’utilité sociale de ces associations n’est plus à démontrer. L’exemple de Saint-Louis est d’actualité et assez frappant pour ne pas nous attarder sur les commentaires, non ?

Y a-t-il des moyens de pérennité ?

- Ces moyens, à mon humble avis, passent d’abord par des symboles de reconnaissance de la part de l’État en direction des associations ; puis par l’accompagnement durable, pérenne, en matière de financement avec un accent particulier sur les charges financières. Ensuite, il y a nécessairement à expérimenter les chantiers des activités que pourraient ouvrir les champs de l’Environnement, de la citoyenneté, de la famille, de l’enfance, des services à la personne dans le but de pérenniser les emplois dits “aidés” si telle est la volonté. Ces secteurs représentant un véritable gisement et la demande est importante. Pourquoi les moyens ne suivent-ils pas ? Pourquoi ?

Que pensez-vous des emplois aidés ?

- Sur les emplois dits “aidés”, il y a actuellement un débat qui me laisse assez perplexe et, disons-le, me gêne un peu parce que je ne souhaite blesser personne ni heurter une sensibilité. Je note que le volume de Contrats dits “aidés” risque de baisser. Cela devrait inquiéter plus que ça à mon goût mais, combien partagent cette inquiétude et donnent l’alerte ? Pourquoi attendre que le feu prenne avant de réagir ? Avec les plus exposés, avec la population, nous avons tous un devoir de vigilance et quelque chose à faire quel que soit notre niveau de responsabilité et quelle que soit notre sensibilité politique... Que les personnes concernées bougent, que les élus, notamment les parlementaires, assument ; avec l’appui de la population, je ne doute pas que les gouvernements nous entendent. Malheureusement, cette volonté n’existe pas. Et ne parlons pas de l’unanimité politique. Vous comprenez pourquoi on ne m’a pas entendu ces derniers temps sur la place publique ? Toute vérité n’est pas bonne à dire. Pour ma part, je crois avoir retenu la leçon ! Que La Réunion bouge, le gouvernement entendra et nos demandes seront satisfaites. Qui a dit que "nous avons des choix à faire et nous avons la démonstration que ce ne sont pas ceux qui décident aujourd’hui qui supporteront des conséquences demain" ?
Cette interrogation est plus que d’actualité au regard de la situation qui nous préoccupe et par rapport à la visite du ministre des DOM le 19 juillet prochain si nous voulons nous prémunir des erreurs du passé. Surtout, entendons les cris d’indignation, la peur de l’avenir et l’inquiétude de la population pour mieux nous préparer aux débats et apporter quelques pistes en matière de propositions. Aujourd’hui, on parle des emplois dits “aidés” et demain ?

Quelles sont les initiatives à prendre à l’occasion de la visite de M. Baroin ?

- Le Comité d’insertion à la vie sociale (C.I.V.I.S.) dont je suis le chef de projet souhaite faire part de ses propositions au ministre. Si je suis présent pour faire partie de la délégation qui pourrait être reçue, je ne manquerai pas à mon devoir. Pour l’heure, je me garderai d’avancer la moindre préconisation. Cependant, comme beaucoup d’autres, je note qu’il y a des propositions qui émanent des collectivités et des élus (parlementaires). C’est bien mais est-ce suffisant ? Combien de temps le ministre passe-t-il à La Réunion ? 24-36-48 heures ? Serait-il disponible ? À l’écoute des préoccupations, des demandes, des attentes et des propositions de La Réunion, les Réunionnais ?

Quelques remarques sur l’immigration ?

- Le sujet est très important et délicat : je me réserve de l’aborder tout spécialement si vous m’en donner l’occasion. Toutefois, pour ne pas me dérober à la question que vous me posez, je dirai deux choses rapidement : la première, sous forme d’un appel, et la seconde comme un constat.
1) Le 24 août prochain, il y a opportunité pour le devoir de Mémoire, de poser un acte significatif fort en rapport au Souvenir de la traite négrière et de son abolition et pour bien rappeler que les Comores, Madagascar y ont bien pris leur part.
2) La Presse a fait écho de quelques cas d’expulsions qui, dans une large mesure, touchent plus les ressortissants de Madagascar et des Comores. Les élites, les politiques et plus généralement les Réunionnais, devraient s’interroger sur la réalité d’un véritable dialogue des cultures de l’océan Indien mais aussi sur leurs origines notamment africaines pour les noirs, les cafres et créoles. À bon entendeur...


La fragilité du milieu associatif

Samuel Mouen a fait parvenir à “Témoignages” une liste d’associations en illustration de la fragilité du milieu associatif, année 2004.

o Associations liquidées
1) Case de Mare-à-Vieille Place
2) O.R.P.H. (Office réunionnais des personnes handicapées)
3) Société sportive de Sainte Rose
4) L’A.P.E.C.
5) Association Tisse de Saint-Louis
6) L’Association organisation du Ruisseau
7) Le Comité des jeunes du Barrage (Saline)
8) L’Association jeunes du quartier de Savannah (Saint-Paul)
9) La Maison des chômeurs Saint-Denis
10) La Maison de quartier de chemin ceinture (Saint-Benoît)
Ces associations ont été liquidées, avec ou sans période de redressement judiciaire.

o Associations dont les créanciers ont été remboursés
1) Office municipal des sports d’animation (Saint-Leu)
2) L’Association Tennis Primat (Saint-Denis)
3) Entraide Partage Solidarité (Tampon)
4) Live Formation à (Saint-Denis)
5) Association Énergie de Bras-Panon

o Association placées en redressement judiciaire (2004)

1) Le Comité de moringue de La Réunion
2) Actions de proximité (Sainte-Marie)
3) L’Association Bellemène-Pave (Saint-Paul)
4) Songes et rêveries à Domenjod (Saint-Denis)
Sources : Annonces légales 1er semestre 2004


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