Une prime pour le retour à l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux

Des doutes sur l’efficacité du dispositif

2 octobre 2006

A quelques mois de l’élection présidentielle, le gouvernement met en application la loi relative au retour à l’emploi des bénéficiaires du RMI, de l’API ou de l’ASS. Le gouvernement parle clairement de mesures ’ incitatives ’, à croire que les personnes concernées par le chômage ne veulent pas travailler. Réactions d’une élue PCR, Monica Govindin, d’Agir Pour Nout Tout, et du collectif de lutte contre l’exclusion.

La ministre déléguée à la Cohésion sociale, Catherine Vautrin, l’a affirmé cette semaine, la prime pour le retour à l’emploi des minima sociaux créée par la loi du 23 mars dernier mais annoncée depuis novembre 2005, entre en vigueur le mois prochain. Catherine Vautrin a ainsi déclaré que ces aides financières constituent "un outil supplémentaire" qui va permettre au bénéficiaire de "remonter dans le train de l’emploi", alors que le titre de la loi parle clairement d’une "incitation au retour à l’emploi". Cela signifie-t-il que les bénéficiaires de minima sociaux ne voudraient pas "remonter dans le train de l’emploi" ? Ou bien que ce train, même s’ils veulent y monter, n’a pas assez de places disponibles pour accueillir tout le monde ?

Une loi porteuse d’effets pervers

Pour Jean-Pierre Técher, président du Collectif de Lutte contre l’Exclusion (CLE), la prime pour le retour à l’emploi n’a rien de nouveau en soi. Sous le gouvernement Jospin, de telles mesures étaient déjà en place. Et si à court terme l’attribution de primes peut constituer une avancée pour des personnes souvent dans une situation critique, elle n’a rien d’une vraie politique de l’emploi. D’autant plus que ces sommes d’argent sont versées sous forme de charité. "On a l’impression qu’on distribue des cadeaux", souligne-t-il. Jean-Pierre Técher va plus loin. Il dénonce les effets pervers de cette loi. Selon lui, "l’attribution de primes dispense les entreprises de payer les salariés à leur juste valeur, alors qu’il faudrait une vraie politique de l’emploi pour la revalorisation des salaires". Et d’ajouter que "ce n’est pas au contribuable de payer les salaires".
La mise en application de la loi à quelques mois de l’élection présidentielle de 2007 est aussi une façon de flatter les potentiels électeurs. "Le gouvernement veut montrer qu’il s’intéresse aux chômeurs qui souffrent du regard de la société. Etre bénéficiaire de minima sociaux c’est se retrouver dans une situation de victime, porter le poids de la culpabilité." Mais cet intérêt du gouvernement manque, selon le président du CLE, "d’honnêteté intellectuelle". Comment un gouvernement peut-il prendre ces mesures à la fin de son mandat ?
Pour Jean-Pierre Técher, le gouvernement s’est rendu compte que les entreprises ne peuvent résoudre à elles seules le chômage. "On l’a vu lorsqu’il a décidé de supprimer les emplois jeunes et qu’il a ensuite ressenti le besoin de mettre en place les contrats d’avenir". Le nouveau dispositif d’aide aux bénéficiaires de minima sociaux n’a rien d’attractif. Pour retrouver un emploi, il faudrait plutôt envisager de remettre à plat le système Unedic, de plus en plus restrictif, et en démocratiser la gestion. Les primes sont " une voie de garage qui n’incite pas les bénéficiaires d’allocation à sortir du sentiment d’inutilité qui a conséquences néfastes sur la vie sociale.

"Dire que ça va inciter à la recherche d’emploi, c’est une insulte"

Pour Jean-Hugues Ratenon, de Agir Pour Nou Tout, le gouvernement semble faire marche arrière en accordant des primes à cette partie de la population en difficulté. "Depuis le début, le gouvernement a réalisé beaucoup d’économie sur la situation des chômeurs. Aujourd’hui, il ne fait que restituer ce qui est dû", souligne t-il. Ces aides n’ont donc rien d’une faveur faite aux bénéficiaires de minima et Jean-Hugues Ratenon se satisfait d’une certaine manière de l’attribution de primes qui "amélioreront pour un temps le pouvoir d’achat de personnes qui peinent à vivre". Mais, poursuit-il, "dire que ça va inciter à la recherche d’emploi, c’est une insulte. Une mère de famille n’a pas demandé l’API, ce n’est pas un choix financier. Ce n’est pas le demandeur d’emploi qui crée l’emploi. L’emploi ne se décrète pas, c’est sur les besoins de la société, comme les aides à la personne âgée qu’il faut créer du travail." Certes, les primes amélioreront la situation de ceux qui vont trouver du travail, mais elles n’inciteront pas à chercher du travail. Pour une raison simple, "Les gens qui reçoivent les minima sont toujours à la recherche d’une solution pour s’en sortir. Seule une infime partie refuse de reprendre un emploi, tout comme il y a des personnes qui ont un travail et qui ne font rien, tout comme il y a des entreprises qui trichent". Pour Jean-Hugues Ratenon, le Gouvernement reconnaît un peu son échec dans la politique de l’emploi en adoptant ces mesures pour les personnes bénéficiaires de minima sociaux.

Edith Poulbassia


Monica Govindin : " une manœuvre électoraliste "

"Le vrai problème, c’est que les gens ne trouvent pas d’emploi. La mise en œuvre de cette mesure ne relève que d’une manœuvre électoraliste". C’est l’avis de Monica Govindin du PCR sur l’attribution de primes aux bénéficiaires de RMI, API et ASS. Et de rappeler que le Rmiste veut avant tout s’établir dans la société et réaliser un projet de vie. "La personne qui a besoin d’un travail doit avoir accès à des moyens pendant la période de recherche et non après. Même si, c’est vrai, on dit souvent que les salaires ne sont pas assez élevés".
Pour elle, s’il y a un nombre si important de demandeurs d’emploi, c’est que l’emploi manque ou que les personnes n’ont pas la formation adaptée au marché du travail. Il faut plutôt investir dans les aides à la recherche, et abandonner la "mauvaise politique de gestion" du chômage.
Monica Govindin se pose également la question de l’application de cette loi à La Réunion. "Nous avons l’habitude de ces effets d’annonce, de mesures qui finalement ne peuvent pas s’appliquer à la Réunion faute de moyens. Je prends l’exemple de l’accession à la propriété, dans le domaine du logement. Pourquoi encore ces injustice ?", s’interroge Monica Govindin.


Les mesures pour " inciter au retour à l’emploi "

Les bénéficiaires du RMI (Revenu Minimum d’Insertion), de L’API (Allocation Parent Isolé) et de l’ASS (Allocation de Solidarité Spécifique) auront droit à des primes s’ils retrouvent un emploi à partir du 1er octobre. Les montants sont variables selon les cas.
Les bénéficiaires de minima sociaux qui retrouveront une activité supérieure à 78 heures mensuelles pourront cumuler l’allocation et le salaire pendant trois mois. Ensuite, ils recevront une prime forfaitaire de 150 euros ou de 225 euros (pour une famille) pendant neuf mois.
Ceux qui décrocheront un emploi de plus de quatre mois recevront en plus une prime de 1.000 euros, versée à partir du quatrième mois, excepté s’il s’agit d’un CDI ou d’un CDD. Dans ce cas, la prime peut être versée dès le premier mois sur demande du bénéficiaire. Les contrats d’avenir sont aussi concernés par cette prime mais pas les stages de formation.
Les droits complémentaires comme la CMU sont maintenus un certain temps et en cas de perte d’emploi, la personne peut dans l’immédiat avoir droit aux minima sociaux, si l’emploi occupé ne donne pas accès aux allocations chômage.


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Messages

  • Bonjour,

    J’ai une question. Merci pour votre réponse

    J’étais en ASS. Debut avril on me notifie que je ne peut prétendre au versement ayant travaillé trop d’heures. Je retravaille 77 heures en avril. 28h en mai (intérim), en arrêt maladie du 16 au 30 mai. Retravaille tout le mois de juin et juillet en intérim. A ce jour, j’ai un intérim jusqu’au 20 août renouvelable. Pourriez-vous me dire si je pourrai prétendre à la prime et quand ? Merci pour vos réponses

    Fleur


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