Renforcement des contrôles et des sanctions des chômeurs

Des mesures inefficaces et indignes

22 septembre 2005

La panoplie gouvernementale de sanctions graduées contre les chômeurs - allant jusqu’à la suppression des allocations chômage au 3e refus d’emploi - a provoqué un tollé général de protestation. L’ensemble des syndicats et des associations de chômeurs dénoncent des mesures inefficaces et, surtout, culpabilisantes.

Ces sanctions graduées font partie, d’après le gouvernement-UMP, d’un ensemble de mesures destinées à favoriser le retour à l’emploi. L’objectif affiché est surtout de lutter contre de soi-disant “abus” de la part des chômeurs et de résoudre l’apparente "contradiction entre un taux élevé du chômage (près de 10%) et 500.000 offres d’emplois non pourvues", selon des estimations avancées en juin par le Premier ministre.
Basé sur des projections, ce chiffre fait l’objet de controverses. De plus la plupart des syndicats estiment qu’il s’agit là d’une diversion destinée à "culpabiliser les chômeurs", alors que le problème "c’est d’abord de proposer des emplois" à ces derniers.
D’autant plus que si la réforme du contrôle des chômeurs introduit le principe de la gradation des sanctions, la radiation des listes et la suspension des allocations étaient déjà utilisées par les services de l’emploi qui ont sanctionné près d’un demandeur d’emploi sur cinq en 2004 (pour absence à une convocation, fausse déclaration, refus d’emploi, ou encore doute sur la recherche d’emploi), selon les chiffres officiels.
Il faut "abroger" la circulaire sur le contrôle des chômeurs et "tous les dispositifs répressifs" qui les sanctionnent, a réagi mardi la CGT, en reprochant aux gouvernement de livrer "combat" non au chômage mais aux chômeurs.
Nombre de chômeurs se sentent déjà "coupables", "ils ont la peur au ventre" en allant à l’ANPE, affirme Jean-Pierre Guenanten, du mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP). "Cela va s’accentuer avec la menace de sanctions", prédit-il.
Le gouvernement "se trompe de cible", a déclaré à l’AFP Éric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Les "abus" viennent principalement "des cadres, qui prennent leur temps pour trouver l’emploi idéal en touchant des allocations conséquentes". Ils ne sont pas concernés par les emplois non pourvus, qui concernent l’hôtellerie, la restauration ou le bâtiment, explique-t-il.

Inquiétudes à l’ANPE

Rien ne sert de "renforcer le contrôle des chômeurs alors que, parallèlement, peu d’emplois transitent par l’ANPE", souligne M. Heyer.
Dans près d’un tiers des cas, en effet, ce sont les réseaux de connaissances qui permettent d’accéder à un emploi, la seconde voie d’accès étant la candidature spontanée (plus de 20% des cas). Viennent ensuite à égalité l’ANPE et les agences d’intérim (16%) et, dans une moindre mesure, les petites annonces.
La CFTC craint aussi que les "pressions ne s’exercent sur les agents de l’ANPE pour qu’ils procèdent à des radiations".
Philippe Sabater, du SNU-ANPE, fait état d’inquiétudes au sein de l’ANPE, dont "la culture n’est pas de radier les chômeurs". "Les agents sont déjà sous pression, les demandeurs d’emploi peuvent attendre plusieurs heures leur conseiller et cela va s’accentuer avec les rendez-vous mensuels", dit-il .
"Le métier de l’agent ANPE, c’est de travailler sur un projet professionnel, d’entendre les motivations des demandeurs d’emploi, or il y a de moins en moins de marge de manœuvre", explique M. Sabater.
À quelques semaines d’une négociation difficile sur l’assurance chômage, dont le déficit s’élève à plus de 13 milliards d’euros, Jean-Claude Mailly (FO) voit lui dans la gradation des sanctions une manière détournée "de réintroduire la dégressivité des allocations", supprimée en 2001.


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