Financement des contrats d’avenir

Des millions d’euros à engager

29 avril 2005

Le Département soumet aujourd’hui en Assemblée plénière ses intentions de participation au financement des contrats d’avenir. Les conseillers généraux de l’Alliance estiment que les collectivités locales n’auront pas les moyens d’assumer la part résiduelle de financement qui leur incombe, sans compter que le coût de la formation, les dépenses de fonctionnement attenantes à la mise en place de ce dispositif, risquent de fragiliser leur budget.

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Selon les déclarations faites hier par la présidente du Département, il ne s’agit plus de 10.000 mais bien de 8.000 contrats d’avenir qui seront mis à la disposition des bénéficiaires du RMI, (depuis au moins 6 mois) de l’ASS, de l’API et des sortants de prison, pour 2005 à La Réunion. Après des annonces à hauteur de 15.000 puis 10.000 et maintenant 8.000 contrats d’avenir, cette nouvelle diminution rejoint le constat émis, le matin même, par Jean-Yves Langenier qui parle de "solutions d’intégration en peau de chagrin" depuis 2003 (voir encadré).

Besoin de tous les acteurs locaux

Si le conseiller général Bruno Pajani félicite la présidente du Département d’être parvenue à négocier un volume de 45.000 contrats d’avenir sur 3 ans pour La Réunion, il estime en revanche qu’il ne faut pas s’en tenir à la quantité mais à la qualité du projet qui sera mis en place, en fonction du profil des bénéficiaires et des besoins locaux. Et pour cela, Nassimah Dindar souligne que "le Département ne fera pas 45.000 contrats tout seul, il a besoin de tous les acteurs locaux", maires, associations, Région Réunion, agences d’insertion, etc. Il a besoin de la participation logistique de certains, de leur adhésion active au projet, et pour d’autres, collectivités locales et Région Réunion, de leur contribution financière pour s’acquitter de la part résiduelle importante que l’État n’assume pas.
Car contrairement aux CES et CEC financés entre 65 et 85%, ou encore au CIA à 100%, l’État ne finance que la moitié des contrats d’avenir sur trois ans. Le coût salarial d’un contrat d’avenir est de 957,72 euros. Les 425,40 euros du RMI, décentralisé au Département, ne seront plus versés à l’allocataire, mais à l’employeur, sans transfert de financement supplémentaire. Pour supporter le différentiel de 531,32 euros, l’État apporte une part dégressive sur les 3 années (75%, 50% et 25%), autrement dit, il finance la moitié du dispositif. Le reste du financement à mettre en place localement sera donc de : 132,84 euros la première année, 265,68 euros la seconde et 398,52 euros la troisième année. Par simple calcul, le total du financement supplémentaire à apporter pendant trois ans à ce dispositif s’élève donc à 95 millions 644.800 euros pour 10.000 contrats par an.

Au pied du mur

Si le Département prétend assumer la totalité de la part résiduelle pour les associations qui dépendent de ses actions, alors qu’elle soumettra le financement des autres à sa collectivité, en revanche, Jean-Yves Langenier soutient que "les collectivités locales n’auront pas les moyens de mettre en place ces mesures, d’assumer une telle charge supplémentaire (...) et nous ne sommes pas les seuls à le dire." Ibrahim Dindar lui-même parlait, il y a peu, de "casse gueule budgétaire." Des dépenses importantes qui ne tiennent pas compte des 7 heures de formation par semaine, prévues dans le contrat pour qui ramener à 10.000 personnes représente un coût important, d’autant que les publics concernés ont besoins de remise à niveau avant même d’envisager l’insertion professionnelle. "Ce sont des formations coûteuses qui aggravent la contribution des collectivités locales, sans compter les dépenses induites de fonctionnement", poursuit le maire du Port qui estime que ce nouveau dispositif au vu des besoins de la population "va concourir à l’aggravation des conditions de vie de la population la plus modeste." La faisabilité du financement, le principe d’activation des minima sociaux en transformant les revenus de solidarité en revenus de travail le laissent perplexe, pour ne pas dire inquiet. Quant à savoir si la Région Réunion, impliquée sur le volet formation, participera au financement de ce résiduel, Nassimah Dindar rencontrera le président Paul Vergès le 4 mai pour en débattre. Ce n’est qu’après la signature de la convention cadre du département que le comité de pilotage et les contrats pourront être activés, peut-être aux alentours du 20 mai, mais il est dangereux de s’avancer sur les dates dans ce dossier.

Estéfany


"Solutions d’intégration en peau de chagrin"

En 2003, l’on pouvait recenser 52.000 solutions d’insertion dans le secteur marchand et non marchand à La Réunion, dont 24.500 CES, 5.159 CEC et 10.173 CIA. Selon les données transmises par la Préfecture, 22.140 CES et 1.125 CEC étaient enregistrés en 2004. Après une baisse constante de ces contrats aidés, après la suppression des contrats emploi jeune, à partir du 1er janvier 2006, CES, CEC et CIA seront relayés par les contrats d’avenir et les CAE, dont on sait seulement qu’ils seront pris en charge à 95% par l’État et que leur attribution sera fonction du profil du bénéficiaire. Alors que le CIVIS (Contrat d’Insertion à la Vie sociale) "meurt de sa belle mort", que le RMA, dont on a pourtant beaucoup parlé, n’enregistre que 150 contrats signés à ce jour : "l’on ne peut pas dire que ces dispositifs marchent et qu’ils répondent aux besoins locaux", constate Jean-Yves Langenier, qui se demande si le contrat d’avenir sera à la hauteur de ses ambitions pour La Réunion. Pour le Département, qui insiste pour ne pas reproduire les erreurs du passé, ce nouveau dispositif ne vient pas en remplacement des précédents. "Il faut que l’État maintienne les emplois aidés comme mesure d’insertion des jeunes et nous nous activerons le levier mobilité. Il faut qu’il maintienne en 2006 son enveloppe FEDOM à même hauteur (...) nous sommes tous d’accord pour des emplois durables, mais nous n’en aurons pas suffisamment pour absorber les 10.000 à 15.000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail et ce jusqu’en 2030."


L’État creuse le trou de la Sécu

L’Agence centrale des Organismes de Sécurité sociale conteste les contrats d’avenir. Alors que la loi Veil du 23 juillet 1994 stipule que l’État est obligé de compenser les exonérations de charges sociales, dans le cas des contrats d’avenir, il n’assume pas cette responsabilité, ce qui va engendrer une perte de 1 milliard d’euros de recettes en 2009 pour la Sécurité sociale. "Comment accepter que le gouvernement demande aux citoyens de faire des efforts pour boucher le trou de la sécu, alors que lui-même refuse de participer à cet effort ?", souligne Maurice Gironcel, effaré par l’ampleur du paradoxe.


Doute sur les formations

Selon les chiffres repris par la jeune conseillère générale, Monica Govindin, 95.596 Réunionnais bénéficiaires des minima sociaux seront concernés par les contrats d’avenir, "pour ne citer qu’eux". Attendu que la loi donne la priorité à 80% aux bénéficiaires du RMI et à 20% à ceux de l’ASS, de l’API, cela représente 8.000 contrats pour les Rmistes et 23.126 pour les bénéficiaires de l’ASS et de l’API, "sur la base d’hypothèses hautes... les autres sont sur le carreau." Alors que la loi de cohésion sociale stipule que le volet formation est obligatoire pour les bénéficiaires des contrats d’avenir, Monica Govindin, la convention cadre du Département entre les mains, note que son article 7 parle quant à lui d’"actions de formation ou d’accompagnement qui pourront leur être proposées." Cette nuance laisse selon elle planer le doute sur le volet formation. Elle demande des explications au Département.


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