Agir Pou Nout Tout et les Contrats d’avenir

’Des promesses non tenues’

11 juin 2005

Agir Pou Nout Tout a tenu une conférence de presse hier au cours de laquelle Jean-Hugues Ratenon a évoqué notamment les contrats d’avenir (voir encadré). Il a également commenté le discours de politique générale du Premier ministre. On lira ci-après le communiqué publié jeudi par l’association à ce sujet.

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o Jean-Hugues Ratenon (Agir Pou Nout Tout) :

“Mère grand” ne trompera pas le “petit chaperon rouge”

"Le nouveau Gouvernement a proclamé qu’il veut faire de l’emploi une priorité et il se donne 100 jours pour réussir son pari. Nous ne pouvons qu’être satisfaits par cette annonce et pour les conséquences d’une telle orientation pour notre île, qui compte 3 fois plus de demandeurs d’emploi que la Métropole.
Force est de constater que dans sa déclaration de politique générale, et compte tenu des mesures annoncées, il est difficile pour nous d’être optimistes ; pour autant, nous estimons qu’il faut attendre la fin de la stratégie des 100 jours.
Le gouvernement s’est amusé à fixer des dates butoirs, et dit vouloir aller vite en ne faisant pas voter des lois par les parlementaires, mais en décidant des mesures par ordonnance. Cette façon de faire, si elle n’est pas accompagnée de mesures concrètes, vérifiables et mesurables en faveur de l’emploi, doit impérativement faire réagir la population par des mobilisations de masse pour éviter une dictature d’État.
Pour notre île, aucune mesure spécifique n’a été proposée, alors que nous comptons 3 fois plus de chômeurs. La prime de 1.000 euros pour ceux qui retrouvent un emploi n’aura aucun effet à La Réunion, puisque le taux de chômage est loin d’être le résultat d’une mauvaise volonté de retrouver un emploi, mais bien celui d’une réalité économique.
Croire qu’on peut transformer des travailleurs privés d’emploi en “chasseurs de prime” est une insulte et risque d’entrée de discréditer les intentions affichées de ce gouvernement.
Compte tenu de nos craintes, le collectif Agir Pou Nout Tout demande à l’ensemble des parlementaires réunionnais de se concerter sur des propositions concrètes.
Compte tenu de nos spécificités, le gouvernement doit tenir compte de l’avis de nos élus, ce qui prouverait sa bonne foi.
Le collectif Agir Pou Nout Tout, compte tenu de la souffrance dans laquelle se trouve une grande partie de la population, ne peut pas croire que le “grand méchant loup” s’est déguisé en “mère grand” pour tromper le “petit chaperon rouge”".


Quel avenir pour le Contrat d’avenir ?

La politique ultralibérale a été sanctionnée par le “non” du référendum et le gouvernement a changé. Agir Pou Nout Tout déplore qu’à La Réunion, aucun changement n’est sensible du côté des représentants du libéralisme. Là où on reparle des Contrats d’avenir. Réponse à Ibrahim Dindar.

Si le gouvernement change après le 29 mai, rien ne change ici pour Jean-Hugues-Ratenon : "À La Réunion, ceux qui relaient la politique du gouvernement continuent dans la manipulation et sont pris en flagrant délit de mensonge". Si le Département mettait en avant la rapidité de son action en faveur des Contrats d’avenir, l’association Agir Pou Nout Tout revient sur le déroulement des événements. "Borloo à La Réunion déclarait les 22 et 23 décembre 2004 que les Contrats d’avenir entreraient en application à compter du 1er janvier, en annonçant 15.000 contrats. Ce que confirmera Brigitte Girardin en début d’année lors de sa visite dans l’île, mais en décalant le démarrage à la fin mars. C’est ensuite la présidente du Conseil général qui fait depuis l’Élysée un grand coup de publicité en confirmant l’objectif de 15.000 contrats, mais en retardant le lancement au 1er avril. Le 29 avril 2005, le Conseil général repousse encore cette date au 1er mai, mais l’objectif chute de 5.000 contrats pour arriver à l’objectif de 10.000, gardé dans la convention cadre État-Département signé le 27 mai 2005. Et voilà que le 8 juin, il n’est plus annoncé que 2.500 ou 3.000 Contrats d’avenir sans qu’aucun contrat n’ait encore vu le jour. Les élus sont pris en flagrant délit de mensonge, ce n’est pas facile de traiter les élus de menteurs, mais est-ce qu’ils ont réfléchi aux conséquences de ces promesses qui ne sont jamais tenues". Jean-Hugues Ratenon poursuit : "comment amener un pays vers le développement quand la population n’arrive plus à avoir confiance dans le monde politique, quand la population ne peut plus avoir confiance dans les objectifs affichés ? Le Département dit nous attendre les bras ouverts, mais les conseillers généraux attendent-ils le retour de leur présidente pour lancer les Contrats d’avenir de sa propre collectivité ? Ils nous annoncent une fourchette de 200 à 600 Contrats d’avenir, pourquoi une fourchette aussi large ? Ne devraient-ils pas réfléchir avant de faire de nouvelles promesses qui risquent une fois de plus de donner de faux espoirs et d’accroître la souffrance de la population ?".

De l’incapacité à l’insulte

Lors de sa conférence du 8 juin, le vice-président du Département, Ibrahim Dindar, invitait les associations à se tourner vers la Région pour un vrai démarrage du dispositif. Quand nous informons Jean-Hugues Ratenon que son propre nom a été cité en ce sens, il s’insurge : "en fuyant ce manque de responsabilité, Ibrahim Dindar tombe dans l’insulte. À aucun moment Agir Pou Nout Tout n’a demandé de telles promesses. Nous avions demandé l’amélioration des dispositifs existants, pas leur suppression. Nous traiter comme agitateurs professionnels, c’est nous inviter à dénoncer les menteurs professionnels qui font des promesses non tenues alors qu’ils sont rémunérés pour accompagner la population. Nous sommes des bénévoles, pas des politiciens professionnels".
Selon Ibrahim Dindar, c’est le silence de la Région qui bloque le Contrat d’avenir. Jean-Hugues Ratenon répond : "Quand il demande aux associations de se tourner vers Paul Vergès, nous nous devons de lui répondre que les textes disent que l’application des Contrats d’avenir est sous la responsabilité du Conseil général. La Convention cadre unit l’État et le Département, pas le Conseil régional. À aucun moment le Conseil régional n’a rejoint les promesses de 10.000 Contrats d’avenir. Nous savons lire et nous avons lu les lois. C’est là de sa part un aveu d’échec, un appel à l’aide. Alors nous demandons au Conseil régional, dans l’intérêt de la population, de répondre, s’il en a les moyens, à ce SOS, et de donner un coup de main au Département".

Le même sort que le RMA ?

Les inquiétudes d’Agir Pou Nout Tout au sujet des Contrats d’avenir se fondent aussi par rapport à l’échec des dispositifs précédents : "Faut-il rappeler que Virapoullé présentait le RMA comme un moyen d’arrêter avec l’assistanat pour une mise en activité ? Il devait y en avoir des milliers. Combien y en a-t-il aujourd’hui ? Une centaine d’emplois. Et le Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) ? Il a fallu intervenir à la Direction du travail pour obtenir 101 contrats sur les milliers de prévus, et jusqu’à présent rien n’est fait. Ne devait-il pas y avoir aussi des milliers de Contrats jeune en entreprise ? Il y en a zéro. Le Contrat d’avenir connaîtra-t-il le même sort ?".
Le collectif Agir Pou Nout Tout étudie une possibilité de recours face à toutes ces anciennes promesses : "Quand une entreprise commerciale fait de la publicité mensongère ou de la diffamation, elle a des sanctions pénales. Comment des hommes politiques peuvent-ils ne pas avoir à s’inquiéter de leurs mensonges ? Pour autant, on connaît la détresse des gens et toutes les conséquences de l’affaissement de l’activité sur la cohésion sociale. Se rendent-ils comptent des conséquences de leurs actes ?".
Agir Pou Nout Tout a du mal à obtenir des audiences avec le Département comme avec l’Association des maires pour travailler ensemble et faire en sorte que la dynamique du Contrat d’avenir s’enclenche. Jean-Hugues Ratenon renouvelle l’invitation : "Nous, associations, nous militants, nous nous tenons à leur disposition pour travailler sur ce dispositif, pour une application totale en fonction des demandes de la population".

Eiffel


Nouvelles mesures pour l’emploi

Le gouvernement se dédouane

Lors de la nomination du nouveau Premier ministre, Dominique De Villepin, le président de la République plaçait de nouveau l’emploi comme priorité des priorités. La déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre donne au gouvernement 100 jours pour réussir son pari. L’association Agir Pou Nout Tout, constatant que pour aller plus vite le Premier ministre veut passer par des ordonnances, estime que "s’il s’agit de mesures légales pour l’emploi, nous disons oui. Mais s’il s’agit, au détriment de la population, de poursuivre une politique de casse sociale, alors nous disons non, car ces ordonnances vont amplifier la dictature d’État sous laquelle nous vivons".
Jean-Hugues Ratenon, président d’Agir Pou Nout Tout, discute encore quelques mesures annoncées, comme celle d’offrir une prime de 1.000 euros aux demandeurs d’emplois de plus d’un an : "C’est une façon de faire qui n’aura aucun effet sur l’emploi à La Réunion. En aucune façon cette prime ne permettra de trouver un travail, c’est encore culpabiliser tous ceux qui sont à la recherche d’un travail". Concernant les jeunes, le Premier ministre demande encore aux agents de l’ANPE de rencontrer individuellement les 57.000 jeunes à la recherche d’un emploi. Agir Pou Nout Tout se demande s’il ne s’agit pas déjà de rejeter l’échec à venir sur ces agents pour dédouaner le gouvernement. Le Contrat nouvelle embauche, avec une période d’essai de deux ans, ne rassure nullement l’association qui y voit "une façon détournée de transformer des CDI en CDD. Ce n’est pas sérieux de dire qu’il faut deux ans pour savoir si une personne est apte ou non à prendre un poste, c’est une dérive par rapport au Code du travail. Voilà pourquoi l’heure est à la prudence et une nouvelle fois à l’attente pour une population sous-tension".
Jean-Hugues Ratenon déplore encore qu’"aucune mesure spécifique n’ait été prise pour notre département, alors que la situation du chômage à La Réunion est trois ou quatre fois pire à la situation dite d’urgence en France".


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