Grève contre la privatisation du secteur de l’énergie

Des services publics forts pour le développement

14 septembre 2006

L’Assemblée nationale est en train de débattre d’un projet de loi autorisant la fusion de Gaz de France, détenu à 70% par l’État, et Suez. Si ce projet se réalisait, il ferait de la nouvelle entité une entreprise majoritairement détenue par des capitaux privés, ce qui de fait signifierait la privatisation de GDF. Si malgré l’engagement du gouvernement, GDF tombe dans les griffes du privé, quel impact sur EDF, et par conséquent sur le droit à l’énergie des Réunionnais ? Max Banon, syndicaliste à la CGTR-EDF apporte un éclairage sur les enjeux de la lutte contre la privatisation d’EDF et pour des services publics forts, condition du développement durable et solidaire de La Réunion.

Mardi 13 septembre, à l’appel des syndicats, les travailleurs d’EDF et de GDF ont fait grève. Quel est l’origine de ce mouvement ?

- Le processus de privatisation de GDF aura des conséquences importantes sur EDF. La fusion GDF-Suez est une opération capitalistique qui tourne le dos à la notion de service public.
Quand il était ministre de l’Économie, quand il a été question d’ouvrir une partie du capital de GDF au privé et de transformer l’entreprise publique en société anonyme, Nicolas Sarkozy avait affirmé que l’État voulait rester actionnaire majoritaire à GDF. Il a menti.
Nous ne sommes pas d’accord avec le prétexte invoqué pour justifier la fusion, à savoir "sauver Suez". Dans la Fédération CGT énergie, nous luttons pour la fusion entre EDF et GDF, afin de constituer un pôle "énergie" au service de la nation.
Cette journée d’action a rencontré un grand succès en France, la mobilisation monte en puissance et elle s’inscrit dans la durée. J’interpelle la société réunionnaise : personne ne doit se désintéresser de ce débat. A la CGTR, nous sommes pour le maintien d’EDF-GDF dans le service public. Le développement durable a besoin de services publics forts.
Au niveau des syndicats, nous avons la ferme volonté de nous opposer à la privatisation d’EDF et de GDF. L’entreprise appartient à la nation, cela mérite un référendum.

Où en est-on du côté d’EDF à La Réunion ?

- Dans le projet de remplacement de la centrale thermique du Port, on parle de mettre en place des filiales. Cela se traduirait par une remise en cause du nombre d’emplois stables, et du statut du personnel.
Pour le remplacement de la centrale du Port, et pour les futurs équipements, nous voulons une gestion 100% EDF en maintenance et en exploitation.
Concernant les énergies renouvelables, nous sommes tout à fait d’accord pour son développement qui doit se traduire par le maintien de la péréquation tarifaire, et dans le cadre du développement durable.
Selon les experts, l’indépendance énergétique sur la base des énergies renouvelables sera peut-être atteinte en 2050. Mais ces énergies n’offrent pas une puissance garantie. A La Réunion, nous aurons encore besoin de recourir aux énergies fossiles, y compris dans le cadre de l’énergie de remplacement.

Si GDF tombe dans l’escarcelle du privé, quelles conséquences pour les Réunionnais d’une privatisation rampante du service public de l’énergie ?

- A La Réunion, nous avons une péréquation tarifaire, c’est à dire que nous payons l’électricité au même prix à La Réunion qu’en France. Cette péréquation est possible grâce à notre service public EDF-GDF en France. Elle est alimentée par un fonds de compensation. Pendant le débat parlementaire sur la loi ouvrant le capital d’EDF au privé et transformant son statut en société anonyme, Nicolas Sarkozy avait assuré que l’État sera l’actionnaire majoritaire d’EDF. Mais nous constatons que l’ancien ministre de l’Économie a menti sur GDF, donc on a des doutes pour EDF.
Par ailleurs, au niveau de la direction nationale d’EDF, on parle de péréquation géographique, qu’est ce que cela veut dire ? Nos inquiétudes sont d’autant plus fondées que nous sommes un territoire insulaire. Cette péréquation géographique est-elle une rupture de la continuité territoriale ? De la continuité du service public ? De la péréquation tarifaire qui garantit aux Réunionnais une énergie à un prix abordable ?

Que peut-il se passer lorsque l’énergie devient une marchandise comme une autre ?
Le prétexte de l’ouverture de ce secteur à la concurrence était l’annonce d’une baisse des prix. C’est le contraire qui se produit. C’est un marché de dupe, mais pas pour tout le monde. La liberté des prix et la concurrence amènent à la surenchère alors que le service public n’a lui pas vocation à faire des bénéfices. Qu’adviendra-t-il à La Réunion du fonds de compensation si on suit cette logique ?
Avec le privé, on a accès à un service que si on a les moyens de payer. Il est à noter qu’à EDF, des réflexions se mènent sur des cartes prépayées sur le modèle des recharges de téléphone mobile.
Cela obéit à la logique de l’actionnaire qui amène des fonds dans une entreprise et qui veut rentabiliser son investissement au maximum.

Pourquoi un service public de l’énergie est-il indispensable à La Réunion ?

- En tant que service public, EDF propose à ses usagers toute une panoplie de services gratuits. Ce sont par exemple les actions de maîtrise de l’énergie, des délais de paiement accordés aux familles en difficulté, et l’existence d’un fonds de solidarité. Tout ceci n’est possible que parce qu’EDF est un service public.
N’oublions pas que 80 à 85% des entreprises de La Réunion sont des micro entreprises, elles bénéficient elles aussi de nombreux services qui seraient payants dans le privé.
Enfin, on ne peut pas remettre en cause le droit à l’énergie. Ce n’est pas une marchandise comme une autre, et elle doit être à la disposition de tous. Le respect de ce droit n’est possible que dans le cadre d’un service public.
L’énergie est un produit de première nécessité, elle est une condition du développement durable, c’est pour cela que nous voulons créer les conditions pour qu’à La Réunion, un débat ait lieu sur cette question essentielle.


Du Bien national à la privatisation

Électricité de France (EDF) est une entreprise publique créée le 8 avril 1946 A la suite de la proposition de nationalisation des biens de diverses entreprises de production, de transport et de distribution d’électricité (mesure présente dans le programme du CNR) par le Ministre communiste de la Production industrielle Marcel Paul. Établissement public jusqu’en novembre 2004, elle a changé de statut, devenant effectivement une société anonyme à capitaux publics le 19 novembre 2004.
EDF était un EPIC (Établissement public à caractère industriel et commercial), et en tant qu’EPIC, elle était soumise au "principe de spécialité", c’est-à-dire qu’elle n’avait le droit de vendre que de l’électricité.
Son changement de statut, annoncé en mars 2004 par le gouvernement pour prendre effet avant la fin de l’année 2004, est devenu effectif, après le vote de la "loi relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières" le 9 août 2004 par la publication dans le Journal officiel du 19 novembre 2004 d’un décret du 17 novembre.
Selon François Roussely, l’ancien Président d’EDF, il n’est pas possible de concilier prix bas et concurrence en matière d’électricité. Dans tous les cas où des pays ont privatisé l’électricité, cela s’est traduit assez rapidement par une hausse des prix et une certaine insécurité énergétique notamment en raison de la spéculation sur l’électricité (exemple d’Enron), ressource qui ne peut être stockée en masse.


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