
Premier Séminaire régional de la Valorisation des Acquis de l’Expérience
Du droit individuel à l’atout collectif
27 septembre 2007

La Valorisation des Acquis de l’Expérience est un droit pour chacun, issu de la loi du 17 janvier 2002. Entré en application l’année suivante, ce droit s’est concrétisé pour plusieurs milliers de Réunionnais depuis maintenant plus de trois ans. Le premier Séminaire régional de la Valorisation des Acquis de l’Expérience (VAE), tenu hier à la Région, à l’initiative de la collectivité et du CARIF-OREF, a mis en exergue les efforts qui restent à faire en direction du monde de l’entreprise.
En un peu plus de trois ans, de 2003 à aujourd’hui, plus de 6.300 personnes se sont adressées aux points relais conseil mis en place depuis l’entrée en action de la loi, pour l’information de ceux et celles qui veulent faire valider leurs acquis. Sur ce nombre, près de 2.500 ont vu leur dossier validé par l’un des 8 à 10 services habilités à délivrer les certifications : 784 ont obtenu une validation partielle et 830 une validation complète. Ces chiffres sont le reflet exact d’une réalité contrastée, montrant un intérêt croissant des salariés - y compris les intérimaires - et des demandeurs d’emploi pour un dispositif naissant, qui pourrait à l’avenir répondre mieux encore aux projets individuels, comme à des stratégies collectives, en particulier des stratégies d’entreprise. C’était du moins le point d’étape auquel la Région et ses partenaires ont souhaité associer les acteurs-clés du dispositif, au cours de ce premier Séminaire de la Validation des Acquis de l’Expérience.
Le VAE, un droit
La “VAE” (Validation des Acquis de l’Expérience) est un droit qui permet à tout un chacun, à partir de trois années d’expérience professionnelle ou bénévole, d’obtenir tout ou partie d’une certification reconnaissant et valorisant ce qu’il sait faire, dans la mesure où les certifications correspondent à des diplômes de niveaux 1 à 5.
À La Réunion, le service mis en place offre une réelle mixité des structures labellisées, représentatives de cultures professionnelles très diverses : on y trouve le CNAM (Arts & Métiers), le Rectorat et l’Université - tous trois rattachés au Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ; la Direction de l’Agriculture et de la Forêt (Ministère de l’Agriculture...) ; la Direction de la Jeunesse et des Sports (Ministère J&S et vie associative) ; la Direction du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle ; la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale et la Direction Régionale des Affaires Maritimes. Ces 8 organismes - impliquant 5 ministères - sont habilités à délivrer 809 certifications. S’y ajoutent la Direction des Affaires Culturelles et la Chambre des Métiers et de l’Artisanat.
Les certifications peuvent intéresser des publics très divers, que l’absence de diplôme ou un parcours scolaire initial peu valorisant freine dans leur progression professionnelle. Ce peut être des salariés ou non, des agents publics, titulaires ou non, des demandeurs d’emploi, indemnisés ou non, ou encore des bénévoles ayant une expérience associative, syndicale ou autre. A partir de trois ans d’expérience, ils peuvent obtenir par la validation de leurs acquis, soit un diplôme, soit un titre ou un certificat de qualification.
La première démarche à faire est de se rendre dans un des 22 “point relais” présents dans toute l’île. Ce sont soit des antennes du Fongecif, ou des CIO ou encore dans les agences locales pour l’emploi. Une trentaine de conseils en VAE sont présents dans l’île pour les orienter, les informer sur la VAE et les conseiller sur le mode de validation le mieux adapté, et leur proposer un entretien individuel.
C’est le premier pas à franchir, et il dépend de chacun d’entre nous, selon sa volonté de progresser. La première partie de la table ronde, hier matin, a fait une large place aux acteurs et aux bénéficiaires de la VAE, dans une volonté de faire ressortir les ressources et les stratégies territoriales d’un dispositif qui, bien que tout jeune, a beaucoup contribué à la refonte de l’ensemble du système de la formation professionnelle, en proposant des parcours modulaires qui ont modifié l’offre de formation. Mais, comme certains participants l’ont souligné, la validation des acquis de l’expérience n’est pas de la “formation” ; c’est la reconnaissance de ce qui est déjà acquis, que cette validation intervienne pour envisager éventuellement une formation plus poussée, ou qu’elle s’arrête là.
Un besoin partagé
L’autre partie de la table ronde a donné la parole aux représentants de deux structures - la Directrice des Ressources Humaines (DRH) d’une grande société et le président d’un groupement associatif - qui ont donné l’autre versant de la valorisation des acquis de l’expérience “en entreprise”, et voulue par l’entreprise - ce qui, à La Réunion du moins, est encore assez rare. Du point de vue des salariés, le constat fait a été que « beaucoup de salariés ne savent pas et n’utilisent pas leur droit », a dit l’un des bénéficiaires.
L’écho renvoyé par la partie patronale est que « la VAE d’entreprise accompagnée, ça marche extrêmement bien », selon l’expression de Nicole Perrichon Barancourt, DRH des deux magasins Carrefour, entre autres structures du Groupe Hayot. Dans ce groupe, une analyse des parcours de formation des cadres a fait apparaître, dans le magasin le plus récent, des cadres jeunes et fraîchement diplômés, et dans celui ouvert depuis 20 ans, des cadres très compétents et aguerris, formés sur le tas et peu diplômés. Cette situation générait « des difficultés à construire des plans de carrière ou des “parcours métiers” », a dit la DRH. Dans un premier temps, ils se sont intéressés à la VAE, en particulier pour les salariés les plus anciens. « Mais le taux d’échecs était important »,a-t-elle constaté. Le cumul d’un emploi déjà très “accaparant”, de la vie de famille et de la VAE s’avérait trop lourd. Et c’est là qu’a démarré, selon elle, une démarche d’entreprise fondée sur un projet collectif, et non plus seulement individuel. L’entreprise a constitué un groupe pilote à partir d’employés ayant une base CAP pour une validation “BTS management” avec un accompagnement assis sur un dispositif collectif (et des entretiens individuels, toujours). Le groupe de 6 ainsi constitué, soutenu logistiquement et matériellement par l’entreprise, a pu aller au bout de la validation. « C’est une réussite humaine et collective pour les membres du groupe. La VAE a joué un rôle très revalorisant : ils sont aujourd’hui insérés dans des dispositifs complémentaires, vers des diplômes Bac +3 ou Bac +5. La VAE peut être une démarche collective », a souligné avec conviction Mme Perrichon Barancourt, précisant que l’entreprise « a passé un accord pour un financement Fongecif, sans pénaliser son plan de formation ».
Une vingtaine d’employés sont encore engagés dans cette démarche à l’heure actuelle. L’expérience de cette grosse entreprise (environ 600 salariés) tend à montrer qu’il est possible de mobiliser les divers dispositifs « dans une démarche transversale », comme autant d’outils « au service d’une stratégie de ressources humaines ». Cependant, la VAE, pas plus que les autres dispositifs existants, n’a permis de répondre au cas des “hôtesses de caisse” - ce qui prouve qu’il y a encore des recherches, des efforts à faire.
Philippe Brun est le Président de l’association Babyland, qui regroupe depuis avril 2003 neuf associations, dont 5 crèches, employant une centaine de salariés. Le groupement a été désigné “entreprise pilote en droit collectif” et a engagé une Validation des Acquis de l’Expérience “CAP Petite enfance” pour 18 salarié(e)s, entre juillet 2003 et octobre 2004. La VAE a été très revalorisante, et la réussite, assurée à 100%. Depuis, 12 autres salariés du groupement se présentent pour une VAE “Auxiliaire de puériculture”.
Une démarche collective dans une stratégie d’entreprise
Ces deux cas, pour intéressants qu’ils soient, ne peuvent faire oublier qu’ils restent assez exceptionnels dans le tissu des entreprises réunionnaises, comme l’a fait observer Charles-Henri Gérard, représentant un OPCA du Bâtiment - un secteur en particulier pointé pour les difficultés qu’il oppose au dispositif de VAE. « Sur le terrain, la majorité des entreprises n’ont pas la taille qui leur permette d’avoir une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences », a-t-il observé.
Son intervention rejoignait celle des intervenants précédents, prônant une démarche collective dans une stratégie d’entreprise. La volonté des salariés, dans ce dispositif, est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour garantir une progression effective. En tout état de cause, les points de vue exposés hier ont surtout valorisé la force et l’efficacité d’une démarche collective, venant à l’appui de la volonté de chacun.
La conférence-débat du consultant Louis Dubouchet, en conclusion de la table ronde, a situé la VAE « au cœur des politiques d’emploi », en présentant les conditions d’une bonne réalisation des VAE et l’importance, entre autres points capitaux, « de convaincre les entreprises que c’est un atout... ».
Son intervention aura certainement convaincu les animateurs régionaux de la nécessité de réfléchir à la meilleure façon d’aller vers les entreprises.
De nombreuses questions ont été abordées, pas toujours traitées en profondeur, par manque de temps : l’harmonisation et la mutualisation des moyens mis dans l’accompagnement ; le choix des dispositifs, etc...
La Région, engagée à ce que « l’accompagnement soit le meilleur possible », a dit Denise Delorme, va tout faire pour appuyer « la dynamique » ressentie dans le contact avec les partenaires. « Pour les entreprises, la VAE est en lien direct avec la progression de leur compétitivité », a ajouté la conseillère régionale et vice-présidente déléguée à la Formation professionnelle.
P. David
Témoignages
Pour évoquer les différents parcours, les organisateurs du Séminaire ont demandé à des personnes ayant mené leur validation à terme de venir témoigner.
Ainsi, Clotaire, un jeune passé par le RSMA - où il était moniteur technique en mécanique automobile - a cherché à faire valider un niveau de BTS en machinisme agricole, pour faire reconnaître les acquis cumulés depuis 12 ans et continuer à progresser en se faisant reclasser comme cadre. Il s’est vite aperçu que ce qu’il avait appris tant à l’armée que dans le club qu’il préside lui serait utile dans sa progression. Dans son cas, l’investissement personnel a été très important parce que, n’ayant que 15 jours pour s’organiser, il n’a pas eu le temps de se tourner vers l’aide au transport et il a pris en charge son déplacement vers le centre d’examen de Montargis, ainsi que l’hébergement et les déplacements - 2.000 euros au total. Clotaire a obtenu sa validation en juillet dernier. Du point de vue du financement, son cas est assez exceptionnel et met en relief sa motivation car, dans la plupart des autres cas cités, le financement a été pris en charge par le Fongecif ou, dans certains cas, par les entreprises.
Marie, quant à elle, a fait valider 23 ans de pratique dans le commerce en obtenant son Bac Pro par validation : elle était vendeuse polyvalente dans une petite structure lorsqu’elle a été mise au chômage, puis elle a retrouvé un travail, toujours dans le commerce et elle y est depuis 18 ans, mais elle ne se voyait pas évoluer. « J’ai rencontré beaucoup de compréhension, et grâce à cette VAE, j’ai pu avoir une continuité et une progression dans mon parcours. C’est difficile quand on a quitté l’école depuis longtemps... », a-t-elle dit hier, en remerciant « l’équipe et ce Séminaire du CARIF-OREF ». Elle n’a pas payé personnellement le coût d’une VAE, estimé à environ 1.000 euros.
Patrick Rakotoarimanana est d’origine malgache et travaille depuis 10 ans dans une grande entreprise qui l’a embauché sans diplôme. Il a appris la mécanique “sur le tas” et dit avoir découvert le dispositif VAE « par un collègue de l’entreprise ». Son constat est aussi qu’« il est difficile de s’informer, au départ ». Il a fait tout le parcours du combattant - et sans doute quelques passes de ping-pong - avant de trouver vraiment ce qui lui convenait : un titre professionnel de mécanicien. « C’est comme un passeport », a-t-il dit, « mais l’existence de ce dispositif n’est pas tellement connu dans les entreprises », a-t-il constaté.
Stéphane a obtenu un CAP de cuisine par ce dispositif, après avoir fait la plonge, puis des remplacements aux cuisines et en salle. Lorsqu’il s’est rendu compte qu’il lui faudrait acquérir un diplôme pour progresser, il a été guidé vers le Fongecif (Fonds pour la gestion du Congé individuel de Formation) et, depuis qu’il a obtenu son CAP, en 2006, il a un poste fixe - alors qu’il passait d’un remplacement à un autre, auparavant. « Cela a permis d’augmenter un peu mon salaire », a-t-il ajouté. Il n’a pas payé lui-même la VAE, mais estime qu’il a « donné beaucoup de [son] temps : pour les formations et pour la préparation du dossier ».
Un autre encore a passé, avec le CNAM, un diplôme de responsable de gestion du niveau de la maîtrise. Dans son parcours, le coût de la formation a été pris en charge par l’entreprise. « C’est possible, mais cela se sait peu ; il n’y a pas assez d’information dans les entreprises », a-t-il constaté.
Rectificatif
Qualitropic : c’est aujourd’hui à Saint-Gilles
Dans notre édition d’hier, nous avions à tort anticipé sur la date des Rencontres Qualitropic en les situant hier. C’est en effet bel et bien aujourd’hui qu’elles se déroulent à l’hôtel "Les villas du Récif" à Saint-Gilles.
Toutes nos excuses à nos lecteurs pour cette erreur de date. Et souhaitons grand succès à la deuxième édition des Rencontres du Pôle de compétitivité de La Réunion.
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Témoignages - 80e année


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