La Conférence des évêques de France et la mobilisation contre le CPE

Écouter la souffrance de la jeunesse

10 avril 2006

Vendredi s’est clôturée à Lourdes l’Assemblée de printemps des évêques de France. Dans ses conclusions, Mgr. Ricard, président de la Conférence des évêques de France, analyse ’le malaise de la jeunesse comme révélateur d’une crise profonde de notre société’. En voici quelques extraits.

"Nous avions prévu de revenir lors de cette Assemblée sur "les violences urbaines" pour réfléchir sur ce qu’elles exprimaient de notre société, de ses problèmes, de l’échec d’un modèle d’intégration. Les événements liés à la loi sur le “Contrat première embauche” (CPE) ont légèrement déplacé notre réflexion. Ils ne l’ont pas pour autant rendu caduque. Car, c’est bien la même interrogation qui rebondit aujourd’hui avec plus de force encore : à travers ces événements, que percevons-nous comme crise profonde de notre société ?

Crise de grande ampleur

Notre pays se trouve, une fois encore, secoué par une crise sociale et politique de grande ampleur. En octobre et novembre derniers, c’étaient les “violences urbaines”, expression de la souffrance de jeunes, en grande partie issus de l’immigration, en mal de formation et d’avenir, qui exprimaient leur refus de la discrimination et de la marginalisation. Aujourd’hui, à travers la contestation du CPE, c’est, de nouveau, la souffrance de la jeunesse qui s’exprime, mais cette fois dans le domaine des études et de l’entrée dans le monde du travail. Nous ne pouvons pas ne pas entendre cette souffrance des jeunes, cette angoisse face à leur avenir.
Au-delà du jugement technique que les uns et les autres peuvent porter sur un tel contrat de travail ou sur son efficacité supposée quant à l’emploi des jeunes, c’est bien sur sa portée symbolique que les critiques se concentrent : la perception, à tort ou à raison, d’une discrimination négative. Un certain nombre de jeunes savent désormais que, par-delà la difficulté à trouver un travail stable, ils ne pourront pas bénéficier d’un niveau de vie comparable à celui de leurs parents.

"Une anxiété majeure face à l’avenir"

Cette contestation manifeste aussi fortement la crise du politique et de la représentativité. Les divisions de la classe politique et les postures, qui apparaissent trop souvent comme un jeu d’acteurs en vue des échéances électorales à venir, accentuent son discrédit. Au-delà des prises de position des uns et des autres, comment se trouve pris en compte l’intérêt général ? Seule une telle prise en compte devrait permettre à notre pays de faire les réformes qui s’avèreront inéluctables dans les années qui viennent. C’est tout l’enjeu de la détermination par le plus grand nombre d’un bien commun pour la cohésion de notre société.
Il n’en reste pas moins que le moment de tension que nous vivons exprime une anxiété majeure face à l’avenir, l’angoisse d’une classe d’âge qui traverse toutes les classes sociales.

Quelles raisons de vivre ?

Cette anxiété est sans doute en partie le fruit d’une forme d’éducation et de l’exacerbation du modèle de la société de consommation, alors que les évolutions technologiques et la mondialisation économique bouleversent les schémas d’activité et fragilisent l’organisation du travail. Mais ce malaise touche plus profondément les raisons de vivre. Une espérance qui donne le goût d’exister ne peut se réduire à la seule recherche de sécurité. Affirmer le contraire serait entretenir une illusion. La question radicale est de savoir à quoi nous accordons le plus de prix, qu’est-ce qui peut permettre une authentique maîtrise de notre vie, le développement des capacités de chacun, qu’est-ce qui peut nous conduire, au-delà de tous les faux-semblants, sur un chemin de bonheur véritable ?
Il est grand temps que notre société se donne les moyens de mettre en œuvre cette réflexion, dans une perspective européenne, ouverte sur toutes nos solidarités internationales. Cela ne peut se faire sans donner la parole, sans échange. L’Église, dans le plein respect de la laïcité, est prête, pour sa part, à y contribuer. (...)


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