Ouverture du Centre Educatif Fermé de Saint-Benoît en avril

Éduquer pour mieux intégrer les mineurs délinquants

15 mars 2007

Saint-Benoît accueille le premier Centre Educatif Fermé de l’Outre-mer. Inauguré hier en présence du Préfet Pierre-Henry Maccioni, le CEF recevra 12 mineurs délinquants à partir de la mi-avril. L’association AAPEJ (Association d’Aide et de Protection de l’Enfance et de la Jeunesse), ancienne APECA, est chargée de gérer l’établissement. Des éducateurs, des psychologues et un enseignant spécialisé détaché par le Rectorat s’occuperont en permanence des adolescents.

Une belle bâtisse s’élève au milieu des champs de cannes des Hauts de Sainte-Anne. À l’emplacement de l’ancienne maison de plantation de la famille Morange, la façade a d’ailleurs été gardée à l’identique, le Centre Educatif Fermé est achevé. Sur ce lieu chargé d’histoire, ce sont désormais des délinquants multirécidivistes qui seront accueillis. Douze adolescents plus exactement, âgés de 13 à 16 ans, seront encadrés par une équipe de 24 personnes, sans compter les bénévoles. Des éducateurs et des psychologues de l’association AAPEJ aideront ces adolescents à s’insérer dans la société et donc à bâtir un projet de vie. Car, avant tout, le Centre Educatif Fermé se veut être une alternative à l’incarcération. Comme le souligne Raymond Doumas, Procureur général, « le CEF reste une structure coercitive, qui doit pouvoir accueillir les mineurs qui ont gravement dérapé et leur éviter la dernière étape, que sont le désespoir et la prison ». Les adolescents recevront ainsi une éducation et une orientation professionnelle pour une période de 6 mois renouvelable, sur décision du juge des enfants ou du Tribunal pour enfants et sur éventuelle proposition de l’éducateur.
« Le CEF s’adresse aux mineurs qui ont déjà reçu des avertissements du juge ou du tribunal, qui ont des antécédents judiciaires et qui doivent effectuer des peines de prison avec sursis ou ferme », précise Patrice Fillol, Vice-président du Tribunal pour enfants de Saint-Denis. La durée du placement est de 6 mois, renouvelable une fois pour les jeunes accueillis au titre du contrôle judicaire, et est, en revanche, sans limitation de durée pour le sursis avec mise à l’épreuve et la libération conditionnelle. « Les jeunes pourront y rester une année, voire une année et demie, ce qui veut dire finalement que nous pourrons avoir des jeunes de plus de 16 ans », ajoute Patrice Fillol.

« Peut-on accepter de gérer une prison ? »

L’AAPEJ (Association d’Aide et de Protection de l’Enfance et de la Jeunesse) a été sollicitée pour gérer le Centre Educatif Fermé de Saint-Benoît. Mais pour Christian Damour, Vice-président de l’AAPEJ, la décision n’allait pas de soi. L’association pouvait-elle accepter de gérer une prison ? Il y a quelques années, l’association changeait de nom pour casser l’image négative de l’ancienne APECA, encore associée à l’éducation par le recours à la punition et la sévérité. « L’APECA (l’Aide et la Protection de l’Enfance Coupable et Abandonnée) a été créée sur les sentiments de la société réunionnaise de l’époque, c’est-à-dire la charité et la correction, raconte Christian Damour, mais aujourd’hui, la société a évolué », et avec elle, l’association.
Avec la longue expérience de l’AAPEJ, ancienne APECA depuis 1936, il était difficile de refuser la gestion du CEF, mais l’AAPEJ a tenu à consacrer une attention toute particulière à la réalisation du cahier des charges de la structure. « Nous avons mis environ 3 ans pour le définir et pour obtenir l’accord des 3 ministères concernés (Justice, Jeunesse, Intérieur). Nous avons souhaité que chaque enfant détermine, à son entrée au CEF, un projet de vie personnel, qui ne lui soit pas imposé. L’objectif est de réintégrer l’adolescent dans sa famille, dans la société, dans un milieu professionnel, explique Christian Damour. Nous avons aussi insisté auprès du Rectorat pour obtenir un enseignant spécialisé ».
L’AAPEJ a ainsi formé un personnel d’éducateurs, les a préparés à être réceptifs aux adolescents. Les éducateurs auront chacun, le plus souvent, en charge 2 élèves, mais les jeunes seront également amenés à travailler seuls pendant les 12 heures hebdomadaires d’activités (enseignement, pratique, atelier, sport, etc...). « Nous aurons des éducateurs spécialisés en maçonnerie, en informatique ou encore en sport. Chaque mineur apprendra aussi la propreté et la cuisine, c’est important dans l’apprentissage de l’autonomie », souligne Christian Damour.
Pour l’AAPEJ, le Centre Educatif Fermé doit permettre à ces mineurs marginalisés d’intégrer des valeurs de responsabilité et d’autorité, de retrouver les repères qu’ils n’ont pas su intégrer dans leur famille. Et peut-être aussi arriver à créer « un sentiment familial et non de groupe, apprendre à se sentir solidaires », conclut le Vice-président de l’AAPEJ. Bref, tout le contraire de l’ancienne APECA.

Edith Poulbassia


An plis ke sa

La sortie du mineur : « La fin de la prise en charges fait l’objet d’une attention particulière. Elle est travaillée en partenariat avec les éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse qui conduisent la décision de la sortie du mineur. Elle doit être suffisamment anticipée pour autoriser la mise en œuvre de relais dans les dispositifs de droit commun du lieu de résidence du mineur, notamment sur les champs de la scolarité, de l’insertion et la santé ».

Le CEF en chiffres : 217.512 euros pour les études, plus de 2 millions 200.000 de travaux assumés par la ville, plus de 70.000 par la DRAC et 140.000 par une dotation DGE. Le coût des travaux s’élève à plus de 2 millions 400.000 euros.


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