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Emploi à La Réunion : le ministère de l’Outre-mer pour augmenter le chômage des Réunionnais ?

Quand le gouvernement soutient un système qui pousse les Réunionnais à quitter leur pays

jeudi 8 octobre 2020, par Manuel Marchal


« Munissez-vous de votre CV ! L’occasion est donnée de découvrir des opportunités de carrière dans les outre-mer les 8 et 9 octobre au Salon de Paris pour l’emploi. Des recruteurs vous y attendent » : tel est le contenu d’un message de la Délégation interministérielle Français d’outre-mer relayé par le Ministère des Outre-mer. La France est donc prise en flagrant délit de soutien à une manifestation qui vise à augmenter le chômage des Réunionnais, car l’objectif est de recruter à Paris pour faire carrière notamment à La Réunion alors que parmi les plus de 180.000 Réunionnais demandeurs d’emploi, il existe forcément de nombreux travailleurs ayant largement les compétences pour occuper les emplois proposés dans ce Salon en France, et le gouvernement ne peut l’ignorer. Jusqu’à quand les Réunionnais vont-ils être méprisés de la sorte ?


Dans son édition d’hier, « Témoignages » avait fait état d’une campagne de recrutement du Groupe Bernard Hayot (GBH) lors du Salon « Paris pour l’emploi » qui se tiendra dans la capitale de la France, du 8 au 9 octobre, Place de la Concorde. Comme tous les ans, ce Salon comprend un « Pavillon outre-mer » où des recruteurs proposent des emplois dans les anciennes colonies intégrées à la République française.
Plus particulièrement dans les anciennes colonies ayant le statut de « département d’outre-mer », le taux de chômage est particulièrement élevé. Il est d’au moins 25 % à La Réunion depuis plus de 40 ans. En conséquence, la lutte pour l’emploi des Réunionnais à La Réunion devrait être la priorité des politiques publiques, et cela d’autant plus qu’à la différence de l’Europe, notre pays a encore une démographie dynamique. Mais cet apport conséquent de jeunes dans la population active chaque année n’a pas été valorisé comme une richesse au service du développement de La Réunion. C’est ce que confirment les statistiques du chômage chaque trimestre ainsi que les différentes études : plus de la moitié des jeunes Réunionnais ayant quitté l’école sont au chômage. Quant à ceux qui ont obtenu un emploi à La Réunion, il est bien souvent sous-qualifié par rapport aux sacrifices consentis pendant les études, sans oublier la précarité.

Mieux vaut des expatriés que des autochtones ?

Dans ce contexte, il est clair qu’une entreprise comme GBH estime qu’il est préférable pour elle d’embaucher des expatriés pour occuper des postes à responsabilité dans un pays comme La Réunion. L’État, compétent en matière d’emploi, ne peut l’ignorer. Et pourtant, il cautionne cette situation car il permet à ce genre d’entreprise de bénéficier d’aides publiques attribuées sur décision de l’État, comme la défiscalisation.
Là où le gouvernement franchit un pas, c’est quand il assure la promotion du Salon de Paris pour l’emploi dans ces termes :

« #EmploiOutreMer : Munissez-vous de votre CV ! L’occasion est donnée de découvrir des opportunités de carrière dans les #Outremer les 8 et 9 octobre au Salon de Paris pour l’emploi. Des recruteurs vous y attendent »

Venez faire carrière à La Réunion !

La France est donc prise en flagrant délit de soutien à une manifestation qui vise à augmenter le chômage des Réunionnais, car l’objectif est de recruter à Paris pour faire carrière notamment à La Réunion. Parmi les plus de 180.000 Réunionnais demandeurs d’emploi, il existe forcément de nombreux travailleurs ayant largement les compétences pour occuper les emplois proposés dans ce Salon en France, et le gouvernement ne peut l’ignorer puisque c’est lui qui a la responsabilité de la politique de l’emploi dans un département comme La Réunion.
Il est important de souligner le terme « opportunités de carrière » plutôt que « offres d’emploi ». Cela souligne la volonté de proposer à un Européen d’immigrer à La Réunion pour y faire sa carrière professionnelle, et donc d’y occuper un emploi de son arrivée dans l’île à son départ en retraite. Mais cette carrière offerte à un Européen sera donc forcément refusée à un Réunionnais, quelles que soient ses compétences car lui n’est pas à Paris pour se faire recruter.
La conséquence est la suivante : favoriser une immigration de peuplement. Un tel phénomène ne manquerait pas de créer un large mouvement d’indignation dans n’importe quel pays ayant le taux de chômage de La Réunion, mais si de tels procédés se font au grand jour, avec le soutien affiché du gouvernement, c’est bien que le pouvoir mise sur une passivité de la population en mettant toujours en avant le concept d’intégration de La Réunion à la France.

Conséquence : une immigration de peuplement

Car pendant que la jeunesse réunionnaise n’a que pour seul choix la précarité à vie dans son pays natal ou l’exil en France, une main d’oeuvre qualifiée venue de France a pu constituer une nouvelle classe sociale à La Réunion. A la différence des autres couches de la société, cette classe a d’emblée un emploi dès qu’elle intègre la population active de La Réunion, avec souvent d’autres avantages annexes tels qu’un logement, véhicule, prise en charge du transport depuis la France, etc. Ceci a pour conséquence que l’émigration en France est présentée aux Réunionnais comme un passage obligé pour avoir la possibilité de faire respecter son droit à un travail à La Réunion, autrement dit, « partir pour mieux revenir ». Un adage démenti par les expériences de nombreux Réunionnais qui reviennent dans leur île mais qui ne bénéficient pas d’un emploi garanti à leur arrivée. Le chômage de longue durée, l’exil ou l’exploitation dans un travail sous-payé sont alors les seules possibilités. Jusqu’à quand ?

M.M.


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