Luttes sociales
Emploi à La Réunion : les Réunionnais méprisés jusqu’à quand ?
Vers une « Affaire GBH » ?
/ 7 octobre 2020
Une fois de plus, une entreprise à capitaux extérieurs implantée à La Réunion lance une campagne de recrutement en France pour des postes à pourvoir dans notre île. Cette fois, il s’agit du Groupe Bernard Hayot, qui vient récemment de racheter la totalité des magasins Jumbo et Score de Madagascar ainsi qu’une partie de ceux de La Réunion. Il dit vouloir rechercher en France des « ultra-marins » (sic) pour travailler dans ce que GBH nomme des « territoires d’outre-mer » dont fait partie La Réunion. Est-il donc impossible pour GBH de trouver des personnes compétentes parmi les plus de 180.000 demandeurs d’emplois à La Réunion ?
Une fois de plus, une entreprise à capitaux extérieurs implantée à La Réunion lance une campagne de recrutement en France pour des postes à pourvoir dans notre île. Cette fois, il s’agit du Groupe Bernard Hayot, qui vient récemment de racheter la totalité des magasins Jumbo et Score de Madagascar ainsi qu’une partie de ceux de La Réunion. Il dit vouloir rechercher en France des « ultra-marins » (sic) pour travailler dans ce que GBH nomme des « territoires d’outre-mer » dont fait partie La Réunion. Est-il donc impossible pour GBH de trouver des personnes compétentes parmi les plus de 180.000 demandeurs d’emplois à La Réunion ?
A Paris, la Place de la Concorde accueille le Salon Paris pour l’emploi. Il compte un Pavillon Outre-mer. C’est là que des entreprises françaises cherchent à attirer des Européens en quête d’exotisme dans leur carrière professionnelle. Ces candidats ignorent sans doute que d’autres personnes aussi compétentes qu’eux vivant dans le pays concerné par l’offre d’emploi sont toutes aussi capable qu’un Européen pour l’occuper.
Ces campagnes de recrutement visent notamment à embaucher des cadres, qui une fois arrivés à La Réunion ont donc un emploi assuré, ainsi que le logement, et bien sûr un salaire et des responsabilités au-dessus de la moyenne du travailleur réunionnais, pour qui le SMIC est bien trop souvent le maximum quand il n’est pas contraint à survivre avec le RSA à cause du chômage de masse.
Mépris colonial
Cette fois, c’est au tour du Groupe GBH de se faire prendre. Une publicité diffusée sur le réseau Linkedin annonce que cette société basée notamment aux Antilles, à La Réunion et à Madagascar, cherche à recruter à Paris dans « candidats ultra-marins (sic) désireux de travailler dans les territoires d’outre-mer ».
Une fois de plus, les Réunionnais sont méprisés par une société qui s’enrichit sur leur dos.
Tout d’abord, force est de constater l’emploi du néologisme « ultra-marin ». Normalement, « Ultra-marin » est un substantif réservé aux supporters d’un club de football, les Girondins de Bordeaux, dont la couleur du maillot est bleu marine. Les supporters se qualifiant d’ultra, ont donc été créés les Ultra-marines.
Ultra-marin renvoie donc à une couleur, pas à une origine géographique, ce qui rappelle que les séquelles de la colonisation ont encore la vie dure en France.
Ensuite, tout le monde sait que la part de la population des originaires des anciennes colonies françaises toujours intégrée à la République n’est que marginale par rapport aux plus de 10 millions d’habitants de la région parisienne. Il y a donc fort à parier que l’écrasante majorité des candidats qui défileront sur la stand GBH au Salon de l’emploi à Paris, n’aura aucun lien avec une ancienne colonie française.
Enfin, étant implanté à La Réunion et aux Antilles, le Groupe Bernard Hayot connaît très bien la situation de chômage de masse existant dans ces pays. Il est donc clair qu’à La Réunion, GBH n’aura aucun mal à trouver rapidement de futurs salariés parmi les plus de 180.000 Réunionnais inscrits à Pôle emploi.
Les avantages de l’expatrié
Mais à la différence de l’autochtone, l’expatrié a ses avantages. Il n’a aucune attache avec le pays, connais rarement l’histoire du territoire où il émigre sans oublier que son entrée dans la vie active à La Réunion se fait dans des conditions refusées aux Réunionnais : un emploi garanti tout de suite. Il est donc d’emblée projeté parmi la classe privilégiée.
Cette absence d’attache rend donc plus difficile l’adhésion du nouvel arrivant aux grandes causes sociales propres au pays d’accueil. D’où un personnel plus malléable, et qui en cas de coup dur peut rentrer rapidement là où se situent ses attaches, alors que le travailleur réunionnais est plus difficilement délocalisable en France.
Jusqu’à quand durera un tel scandale ? Sans doute tant que les Réunionnais ne se mobiliseront pas massivement pour que leur droit de gérer les affaires les concernant soit respecter. C’est pour cette raison qu’a été créé le Parti communiste réunionnais en 1959.
M.M.