Contrats aidés : rassemblement à la préfecture ce matin

En attendant l’emploi durable

3 mai 2006

Parce qu’il faudra des années pour que tous les chômeurs aient un emploi durable, plusieurs associations et représentants ont donné rendez-vous au préfet, ce matin, dans l’espoir de favoriser l’alternative temporaire que représentent les contrats aidés.

Aujourd’hui, à partir de 9 heures, militants de l’association Agir Pou Nout Tout, bénéficiaires de contrats aidés, personnes sans emploi ainsi que le député René-Paul Victoria, se sont donné rendez-vous devant les grilles de la préfecture en espérant que le préfet donnera suite à leur demande d’audience envoyée la semaine dernière. "Nous voulons parler du problème de l’emploi à La Réunion mais aussi en urgence de l’aménagement des emplois aidés pour les communes", précise Jean-Hugues Ratenon.

1.893 contrats d’avenir signés

Avec la crise du chikungunya et le renforcement de la lutte anti-vectorielle, le quota de Contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE) est épuisé. Les mairies subissent une pression énorme face au jeune public qui ne répond pas aux critères d’éligibilité du contrat d’avenir. Seulement 1.893 contrats d’avenir sur 15.000 disponibles ont été signés à ce jour. Preuve que ce dispositif n’est pas adapté, qu’il faut revoir la politique des contrats aidés à La Réunion, admettre que les besoins du marché local et le profil du public en difficulté ne correspondent pas au schéma national.
Pour Jean-Hugues Ratenon qui précise ne pas s’opposer au contrat d’avenir, il faut que tous les acteurs se mettent autour d’une table pour aborder franchement le problème de l’emploi à La Réunion. "Des idées pourraient être avancées mais pour cela une table ronde s’impose. C’est une bataille tellement importante qu’il faut rassembler le maximum de Réunionnais."
Mais l’urgence va d’abord à "un rétablissement du quota de CAE et à un aménagement du contrat d’avenir. Agir Pou Nout Tout ne se bat pas pour la précarité mais pour l’emploi durable. À défaut, on ne peut pas laisser les gens sans travail. Il faut des contrats aidés en attendant que les conditions soient réunies pour créer de l’emploi durable. C’est urgent."

Besoin d’" idées révolutionnaires "

Les objectifs de "la nouvelle stratégie pour l’emploi" actée en septembre 2004 par le précédent préfet Dominique Vian, et confirmée en avril 2006, qui visent à privilégier la formation et l’accès à un emploi durable sont certes louables, partagés, mais difficilement réalisables compte tenu des spécificités de la situation de l’emploi à La Réunion.
Pour le président d’Agir Pou Nout Tout, "ce n’est pas un dispositif qui crée de l’emploi mais de l’activité. Dans ce modèle de société, il n’y aura jamais d’emploi durable pour tout le monde, même en mettant l’accent sur la mobilité. Sans idées révolutionnaires, on connaîtra toujours ce chômage de masse dans 15 ans."
Et les bancs de l’ANPE ne sont pas remplis que par des gens sans formation, bien au contraire, des jeunes diplômés ne parviennent pas à accéder à l’emploi. "Il faut former en fonction des besoins et arrêter avec ces formations qui ne débouchent sur rien."
Jean-Hugues Ratenon précise bien que la démarche de son association n’est pas de s’opposer au gouvernement, mais d’instaurer un dialogue constructif qui pourra améliorer la condition des plus démunis, de ceux qui ne parviennent pas à trouver une place dans la société, confrontés à des inégalités quotidiennes qui fragilisent le climat social.

Estéfani


- Zoom sur la Mairie de Sainte-Suzanne

Baisse de 81% de contrats aidés sur 4 ans

En 2001, la Mairie de Sainte-Suzanne bénéficiait d’un quota de 675 contrats aidés, contre 124 en 2005 soit une diminution de 81% en 4 ans. Pour la rentrée de février, elle a recruté 98 CAE transférés dans les écoles, pour assurer la maintenance, la restauration scolaire, encadrer les enfants, et 35 autres dans le cadre de la lutte contre le chikungunya. Certes, la crise sanitaire a permis de créer rapidement des contrats, mais la commune a dû faire l’impasse sur des postes liés à l’environnement. Ces CAE sont d’une durée de 1 an, car en deçà, il appartient à la commune, et non à l’Assedic, de s’acquitter des 7 mois d’indemnités chômage du travailleur. Le contrat d’avenir n’est pas encore en place dans cette commune car les critères retenus pour y prétendre ne correspondent pas aux profils du public demandeur.
Pour répondre aux obligations de formation du CAE, la commune a dû investir 70.000 euros pour former 97 agents, en échange de quoi, elle bénéficie d’un financement supplémentaire de 10% de l’État pour le contrat. Elle ne bénéficie d’aucun cofinancement de l’État sur ce volet déclaré pourtant prioritaire. Elle est à la recherche de partenaires pour pallier ce désengagement sec de l’État. Le contrat d’avenir comporte aussi un volet obligatoire de formation.
Pour exemple, les communes ont dû mettre la main à la poche pour financer la convention pluriannuelle de 2003 qui sonnait la fin du dispositif emploi jeune. Ces contrats étaient mensuellement financés à 80% par l’État. Depuis 2003, les communes ont bénéficié d’une enveloppe annuelle dégressive de 10.000, 7 000 et enfin 5.000 euros sur trois ans. Pour 59 emplois jeunes, la commune de Sainte Suzanne a dû multiplier sa part communale par trois : au lieu de 20% de financement à sa charge soit 230.000 euros, elle a dû trouver 630.000 euros.

Estéfani


Lettre du préfet aux maires

Un courrier qui fait débat

Afin de répondre aux préoccupations exprimées par plusieurs élus quant à la situation des emplois aidés à La Réunion, le préfet s’est adressé à l’ensemble des maires par courrier. Une lettre qui se veut rassurante quant à la situation du chômage à La Réunion, car elle fait état d’une baisse continue du nombre de demandeurs d’emplois depuis 2002. Mais ce courrier fait débat.
En effet, les modifications sur les radiations et le classement complexe des demandeurs d’emplois dans différentes catégories ont certainement impacté dans cette baisse. Aujourd’hui un demandeur d’emploi n’est pas forcément considéré comme un chômeur.
Le préfet souligne également que pour cette année, les quotas et dotations financières sont identiques à l’année précédente. Seulement, on a pu constater que les fonds FEDOM n’étaient pas encore versés au CNASEA chargé de les distribuer aux associations employeurs. Et que le nombre de contrats aidés était déjà en baisse l’année dernière par rapport aux années passées.
Selon Jean-Hugues Ratenon, en 2001, La Réunion bénéficiait de 54.000 contrats aidés contre 16.500 pour cette année. Si le préfet dit avoir obtenu un complément de dotation en CAE, qu’il reste encore à acter et à abonder en financement, il invite les maires à s’emparer du dispositif contrat d’avenir, qu’il estime plus adapté à la situation de l’emploi à La Réunion. Un point de vue contesté par les intéressés.


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