Marie Nadia Tancourt : militante d’ATD Quart Monde et membre de l’ARCP

« En militant contre la misère à La Réunion, on milite contre la misère dans le monde »

7 septembre 2010, par Jean Fabrice Nativel

Avec ATD Quart Monde, Marie Nadia Tancourt apporte son aide aux femmes seules et avec l’Alliance des Réunionnais contre la pauvreté (ARCP) aux personnes en difficulté. Rencontre avec cette mère de famille bénévole. “Une femme courage”.

Marie Nadia Tancourt, comment êtes-vous venue au bénévolat ?


- En 1997, une famille d’ATD Quart Monde (1) m’invite à participer à la Journée du Refus de la Misère sur le Parvis des Droits de l’Homme à Champ-Fleuri (Saint-Denis). Avec stupéfaction, je découvre qu’à La Réunion de nombreuses familles vivent encore dans la misère — en effet, pendant une longue période, elle est absente de l’île. J’ai tout de suite compris qu’ici comme un peu partout dans le monde, la mobilisation était grande pour lutter contre la misère et la souffrance.
Peu de temps après cette action, l’Université populaire organise au Théâtre de Champ-Fleuri un rendez-vous auquel je prends part. L’un des thèmes abordés est le “Trou de la Sécu”. Je suis montée au créneau pour dire à l’assistance que la situation de cette institution n’est pas le fait des pauvres. Mon intervention n’est pas passée inaperçue. Dès lors, le contact est établi avec un des membres d’ATD Quart Monde.
Une occasion pour moi de m’informer des actions de terrains menées par cette association ainsi que de ses aides et propositions en faveur des Réunionnaises et des Réunionnais qui se trouvent dans la misère. À l’une de leurs réunions de volontaires où le rôle de la bibliothèque de rue, l’approche des familles, etc. étaient évoqués, je me porte bénévole. Pour en 2006, adhérer à ce mouvement et ces actions liées aux droits fondamentaux que sont le logement, la santé, le revenu…

Le respect de leurs droits

Quel est votre rôle ?


- Il est d’apporter aux familles mes connaissances pour que leurs droits soient respectés dans les démarches qu’elles entreprennent. Il y a peu, j’ai accompagné d’une part une personne âgée à un rendez-vous avec un conseiller bancaire et d’autre part une autre avec un conseiller financier du Pôle emploi. Dans la première situation, elle avait fait le nécessaire pour que cesse un prélèvement sur son compte mais cette opération avait été maintenue. Après des explications, tout est rentré dans l’ordre. Dans la seconde, elle avait perdu son emploi et besoin d’un minimum d’argent pour subvenir aux dépenses quotidiennes. Là aussi, une solution lui a été apportée.

Que pouvez-vous nous dire de ces personnes en difficulté ?


- Elles ne sont pas écoutées et sont souvent confrontées à l’indifférence. C’est ce que j’ai constaté au fil des accompagnements et des écoutes. Ces personnes font face tous les jours à des difficultés. Arrivées dans un bureau, elles en rencontrent d’autres. Surtout lorsqu’elles ne savent ni lire, ni écrire ¬— comment remplir une fiche à la main ou avec l’outil informatique ? Des rendez-vous, elles reviennent bredouilles alors qu’en sortant de chez elles, elles avaient une réelle motivation pour s’en sortir. Face à pareille situation, elles se découragent. Je m’interroge alors sur le concept d’égalité des chances ?

« Je leur dis d’aller de l’avant »

Vous venez de souligner qu’ « elles se découragent », que faites-vous à ce moment-là ?


- Je suis amenée à rencontrer souvent des mères de famille qui élèvent seules leurs enfants. Bien que leur moral soit à zéro, je les motive et leur dis d’aller de l’avant, de s’accrocher. Elles sont pour la plupart formées et prêtes à travailler. Et s’il le faut à effectuer, dans un premier temps, le trajet de leur futur emploi en bus comme de faire jouer la solidarité familiale ou de voisinage pour garder ou emmener et chercher le gamin à l’établissement scolaire. Mais force est de constater que rien ne leur est proposé. C’est pourquoi elles ne pensent plus à leur avenir mais à celui de leurs progénitures.

En priorité que vous demandent-elles ?

- Les produits des premières nécessités et/ou une aide alimentaire, voilà ce qu’elles me demandent d’urgence. Cependant pour les percevoir, je déplore le trop de paperasse à remplir !

« Kan ou na poin riyin, kèl av’nir ? »

Comment voient-elles leur avenir ?


- Elles vivent au jour le jour. Une journée, c’est une bataille. Kan ou na poin riyin, kèl av’nir ? Leur tracas se résume au futur de leurs enfants.

Aujourd’hui, on défile à Saint-Denis et Saint-Pierre de La Réunion et un peu partout en France pour protester contre la Réforme des retraites entreprise par ce gouvernement. À ce sujet, quel est votre sentiment ?

- Remarque : il y a pénurie de travail. Première interrogation : dans pareille situation, comment cotiser pour prétendre à une retraite ? Deuxième interrogation : qui en bénéficiera ? Viennent s’ajouter à ce débat — et le compliquer — : la perte d’un emploi si on est âgé et l’entrée tardive des jeunes sur le marché du travail à condition d’en trouver.

Un emploi est « précieux » de nos jours explique Marie Nadia Tancourt. « C’est le gros lot », termine-t-elle.

Texte et photos d’archives : Jean-Fabrice Nativel 



Él la di…

« Perdre son travail à 40 ans est un coup dur. Quand et à quel âge cette personne va-t-elle renouer avec l’emploi. Surtout que l’on sait les discriminations à leur égard ».

« Ne pas juger une personne sur son apparence ».

« La patience a des limites ».

« Un être humain à sa dignité ».

(1) Le Mouvement ATD Quart Monde est une Organisation non gouvernementale sans affiliation ni religieuse ni politique. Il a été fondé en 1957 par Joseph Wresinski et actuellement agit dans une trentaine de pays en Afrique, en Amérique du Nord et du Sud, dans l’Océan Indien, en Asie et en Europe. www.atd-quartmonde.org.


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