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« Encourager l’augmentation du temps de travail » favorisera chômage et pauvreté à La Réunion

Paiement des RTT : la majorité du Sénat vote une mesure pour « encourager l’augmentation du temps de travail des salariés »

jeudi 4 août 2022, par Manuel Marchal


A La Réunion, près de 40 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté avant la crise COVID-19. Cette situation socialement hors-norme pour un territoire de la République est la conséquence d’un chômage de masse qui s’est développé depuis plus de 50 ans. Faire voter un texte pour « encourager l’augmentation du temps de travail des salariés » va à l’encontre de la lutte contre le problème numéro un de la société réunionnaise : la lutte contre le chômage et sa conséquence, la pauvreté. Mais ceci ne favorise-t-il pas les sociétés extérieures qui ont pris le contrôle de pans entiers de l’économie réunionnaise ? Car tant que les travailleurs réunionnais seront dans une société de pénurie d’emploi et de chômage de masse, ils seront toujours sous la menace du chantage à l’emploi à la moindre revendication. Les gains de productivité ne doivent plus enrichir les actionnaires, mais servir à créer des emplois et augmenter les revenus des travailleurs.


Plus de la moitié des jeunes au chômage : conséquence de politiques inadaptées.

Le Sénat examine le Projet de loi de finances rectificatives pour 2022. Un amendement présenté par le groupe Les Républicains a été adopté le 1er août. Il vise à permettre la conversion des RTT non prises en salaire exonéré d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales dans n’importe quelle entreprise, à condition que le patron soit d’accord. Voici un extrait de l’exposé des motifs de l’amendement :

« Le présent amendement a pour objet de pérenniser la possibilité offerte aux salariés, avec l’accord de l’employeur, de convertir leur RTT non pris en salaire.
Avec la pérennisation de la hausse de la défiscalisation et de la désocialisation des heures supplémentaires, les sénateurs Les Républicains entendent encourager l’augmentation du temps de travail des salariés.
Le coût de la pérennisation de cette mesure doit être envisagé globalement : elle va permettre d’augmenter les recettes d’impôt sur les sociétés et de TVA.
Cette mesure permettra d’accroître par le travail le pouvoir d’achat des salariés.
Le travail doit être encouragé et récompensé, c’est une valeur essentielle à nos yeux. »

Les pertes de l’État et de la Sécurité sociale seraient alors compensées « par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs »

Les gains de productivité doivent financer créations d’emploi et hausse des salaires

Une disposition analogue existe déjà, c’est le CET (compte épargne-temps). Ce compte peut être alimenté par des droits non utilisés tels que la 5e semaine de congé payé, des congés supplémentaires prévus par une convention collective ou accord d’entreprise, ou des RTT non prises. Ces droits au repos non utilisés peuvent se transformer en salaire versé immédiatement ou en différé.
L’amendement voté par la majorité sénatoriale va plus loin et dénote un état d’esprit : « encourager l’augmentation du temps de travail des salariés ». Or, augmenter le temps de travail, c’est réduire la possibilité des travailleurs au chômage d’en sortir.
Avec l’évolution technologique et l’élévation du niveau de formation, la productivité des travailleurs a considérablement augmenté. Mais dans le même temps, la répartition de la richesse crée par les salariés va majoritairement dans le capital et pas dans l’augmentation des salaires et du nombre d’emplois. Or, sans travailleur, aucune richesse ne peut être créée et donc aucun profit.
Interrogé sur le vote de cet amendement au Sénat, Jacques Bhugon, secrétaire général de la CGTR, a rappelé deux revendications du syndicat : le SMIC à 2000 euros et la réduction du temps de travail à 32 heures. L’augmentation de la productivité permet d’augmenter les salaires et de baisser le temps de travail afin de créer des emplois.

Une mesure contre l’emploi à La Réunion

A La Réunion, près de 40 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté avant la crise COVID-19. Cette situation socialement hors-norme pour un territoire de la République est la conséquence d’un chômage de masse qui s’est développé depuis plus de 50 ans. Déjà en 1974, une étude du Conseil général constatait que 25 % des travailleurs étaient des chômeurs. Cette proportion n’a pas diminué compte tenu de l’incertitude liée aux statistiques officielles. Elles ne relèvent que les travailleurs inscrits pour rechercher un travail, mais ne dénombre pas ceux qui ont abandonné cette recherche car découragés.
Dans ce contexte, faire voter un texte pour « encourager l’augmentation du temps de travail des salariés » applicable à La Réunion au nom du droit commun va à l’encontre de la lutte contre le problème numéro un de la société réunionnaise : la lutte contre le chômage et sa conséquence, la pauvreté.
Mais n’est-ce pas le but recherché ? En effet, tant que les travailleurs réunionnais seront dans une société de pénurie d’emploi et de chômage de masse, ils seront toujours sous la menace du chantage à l’emploi à la moindre revendication. Maintenir cette situation est la garantie d’importants profits pour les sociétés extérieures à La Réunion qui ont pris le contrôle de pans entiers de notre économie. Des profits qui sont ensuite réinjectés dans une autre économie, à 10000 kilomètres de La Réunion.

M.M.


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