Grève de la CGTR-Finances le 18 octobre Le syndicat lance un appel :

« Entrer en résistance contre la casse sociale, pour le service public »

12 octobre 2007

Les délégués syndicaux CGTR-Finances des Impôts, du Trésor Public et de la Douane ont donné rendez-vous hier matin à la presse devant la Trésorerie de Saint-Denis, submergée par d’honnêtes contribuables venus s’acquitter de leurs impôts. L’occasion de leur distribuer des tracts relatifs aux menaces qui pèsent sur le Service public des Finances qui, au même titre que les autres, va subir des coupes franches dans ses effectifs, déjà insuffisants, et ce, au détriment même des usagers.

Ne pas tenir compte de la nécessité de renforcer un service public déjà exsangue reviendrait pour la CGTR-Finances à remettre en cause la considération de l’Etat à l’égard du citoyen réunionnais.
(photo SL)

Il n’aura échappé à personne que les conditions de fonctionnement des services publics se dégradent, que l’usager a parfois bien du mal à trouver une réponse à ces nouveaux besoins. Le constat n’est certes pas nouveau, mais depuis 2002, le chaos l’emporte sur la qualité. Si les fonctionnaires, dans leur ensemble, ne sont pas opposés à l’idée d’une transformation, d’une amélioration des services publics, cette évolution induit la question des moyens : les progrès techniques sont-ils une réponse à tout ? La machine va-t-elle supplanter l’Homme ? Le service public va-t-il déléguer au privé, et à quel prix pour les usagers ?

« Nos besoins ne sont pas ceux de la Métropole »

Inspiré par le Médéf, le gouvernement ne souhaite pas remplacer la génération en partance pour la retraite. Pour la CGTR-Finances, les services publics doivent au contraire recruter « pour transmettre les savoirs, répondre aux besoins croissants des citoyens dans une Europe et un monde plus complexes, se saisir à plein du progrès scientifique et technique ». Pot de terre contre pot de fer : défendre le service public, c’est aujourd’hui refuser la politique libérale de privatisation et ses ravages. « Le seul objectif du gouvernement est de supprimer des postes, défend Patrick Ollivier, délégué syndical CGTR-Trésor Public et porte-parole de la CGTR-Finances. Avant même les réformes annoncées, le service public à La Réunion était déjà dans une situation catastrophique, en sous-effectif (voir Zoom). Il ne faut pas oublier la perspective du million d’habitants d’ici 2020. Nos besoins ne sont pas ceux de la Métropole. Le service public doit s’y adapter ». Cette préconisation est d’autant plus défendable que la population réunionnaise fragilisée, fortement touchée par la précarité, le chômage, a besoin d’un accueil plus social, qui demande plus de disponibilité, de temps et d’écoute, de la part des agents de la fonction publique. Ne pas tenir compte de ces besoins spécifiques, de la nécessité de renforcer un service public déjà exsangue reviendrait pour la CGTR-Finances à remettre en cause la considération de l’Etat à l’égard du citoyen réunionnais. La question de fond soulevé reste entière : Quel service public pour quelle société ?

Le service public des Finances monte au créneau

En juillet, la révision générale des politiques publiques a au contraire permis de passer au crible toutes les missions de service public et de dégager celles qui peuvent être conférées au secteur privé. Le Trésor Public qui assure la gestion comptable des collectivités locales peut très bien voir cette mission confiée à des banques, cabinets d’expertises comptables. Certains organismes privés ont déjà lancé l’offensive. Dans le même temps, en plus de ne plus remplacer 1 sur 2 ou 2 sur 3 départs à la retraite, le gouvernement remet en cause leur statut, introduit des contrats de droit privé, instaure la rémunération au mérite, espérant peut-être convertir ainsi les hommes en machines, en robots programmés à toujours plus de productivité. Démagogie ou miracle de la rupture, mais le gouvernement assure que le service rendu aux usagers n’en pâtira pas. Mieux. Comme pour l’ANPE et l’Unedic, il défend que la fusion des administrations va l’améliorer. Les usagers voudraient y croire, mais l’opposition des fonctionnaires, quand elle n’est pas perçue comme corporatiste, ajoutée à la réalité quotidienne, laisse peu de place à l’optimisme affiché par nos gouvernants. Face à la menace, le service public des Finances monte à son tour au créneau. Moins populaire que les services publics de la santé, de l’éducation, des postes... celui des Finances n’en demeure pas moins nécessaire au bon fonctionnement de la société, comme aux usagers, même s’il est souvent pour eux synonyme de factures à payer.

« Aujourd’hui, on dit : Stop ! »

« On parle souvent de toutes les administrations qui sont dépensières, mais pas du service public des Finances, qui assure pourtant les recettes. S’il fonctionne mal, plus rien ne va aller », fait remarquer Patrick Ollivier. On pourrait parler du paquet fiscal, de la redistribution de l’impôt qui épargne les ménages les mieux lotis d’un effort financier plus conséquent, au détriment même du retour à l’équilibre budgétaire, priorité des priorités de ce gouvernement. La fusion annoncée des Impôts et du Trésor va-t-elle améliorer les choses ? « S’il s’agit de rapprocher les deux services en un même lieu pour que l’usager puisse résoudre ses problèmes au même endroit, c’est une bonne chose, si ce n’est que l’objectif est avant tout de supprimer des milliers d’emplois. On n’a pas dit que cela allait améliorer les conditions de travail des agents, le service aux usagers. Le gouvernement est clair : il faut se serrer la ceinture ». La CGTR-Finances se dit opposée à cette logique de casse construite par la politique Raffarin. « Aujourd’hui, on dit : Stop !, poursuit Patrick Ollivier. On veut que les collègues exercent dans de bonnes conditions, sans que la population ne se retrouve pénalisée par un manque d’information ». Le syndicat souhaiterait que les Directions de services publics se mettent autour d’une table pour évaluer les besoins quantitatifs et qualitatifs des services, en fonction de la spécificité démographique réunionnaise. Il trouve d’ailleurs regrettable que cette question ne soit pas à l’ordre du jour des concertations relatives à la préparation de la nouvelle loi-programme.

Grève le 18 octobre

Il souhaiterait également qu’un grand débat local, mais aussi national et européen, soit engagé pour définir avec les usagers, les élus, les entreprises, les associations ce que l’on entend par progrès social. « Le débat doit porter non pas sur la nécessité de changer, mais sur le sens du changement et la manière d’y procéder (...). Des interventions sont indispensables pour que l’intervention publique soit redimensionnée et revalorisée. Celle-ci doit permettre de promouvoir et mettre en œuvre les droits fondamentaux qui, à l’inverse, se réduisent partout ou les services publics reculent ». Plus concrètement, la CGTR-Finances se mobilisera le 18 octobre aux côtés du syndicat Solidaires pour défendre ces revendications, la question des retraites, des services publics... de l’intérêt général. Elle va interpeller la Préfecture par le biais d’une motion mais aussi les parlementaires réunionnais. Elle appelle enfin tous les salariés du public, ceux du privé et tous les citoyens qui défendent les mêmes valeurs à « entrer en résistance contre la casse sociale, pour le service public ».


ZOOM

Effectifs au sein du Service public des Finances

On est très loin du compte

Services fiscaux : 1 agent pour 1.017 habitants au niveau national contre 1 agent pour 1.792 habitants à La Réunion, soit un écart de plus de 68%. A noter qu’entre 1990 et 2004, le nombre de déclarations de revenus a été multiplié par 3, ce qui illustre l’impact démographique sur la charge de travail des agents.
Trésor Public : 1 agent pour 2.500 habitants en Métropole contre 1 agent pour 1.500 habitants à La Réunion, soit un déficit théorique d’environ 170 emplois dans notre département. Au national, il y a une Trésorerie pour 18.300 habitants contre une Trésorerie pour 41.700 habitants à La Réunion. A titre d’exemple, une ville comme Saint-Denis qui compte plus de 130.000 habitants ne possède qu’un guichet d’accueil chargé du recouvrement de l’impôt (du jamais vu en Métropole), alors que la commune de Sainte-Marie et ses plus de 30.000 habitants n’ont pas d’implantation du Trésor Public sur leur territoire. Idem pour les 6.200 Cilaosiens qui doivent se rendre à Saint-Louis.
Douanes : la France compte un peu plus de 19.000 douaniers, dont 230 en poste à La Réunion. La différence de ratio est éloquente : 1 douanier pour 3.500 habitants en Métropole contre 1 douanier pour 5.000 habitants à La Réunion.


Réactions d’usagers

Des mamans, avec leurs enfants sur les bras, des gramounes arque boutés, noyés dans la foule, des automobilistes accrochés à leur montre qui annonce l’imminence de la contravention : la Trésorerie de Saint-Denis était bondée hier matin, comme elle le sera encore demain et les jours suivants. Plus qu’à l’accoutumé, en période d’échéance fiscale, les guichets ne désemplissent pas. A 10 heures, un des quatre guichetiers, interpellé par un syndicaliste pour savoir combien de personnes il avait reçu depuis l’ouverture, répond par un grand souffle, tête vacillante et yeux levés vers le ciel. Pas le temps de compter. Des usagers en file indienne, enchaînés à une attente interminable, prennent leur mal en patience, n’osant occuper un siège de peur de se faire voler son tour : c’est le service public ! Celui là même qu’ils financent avec leurs impôts !

« Continuer votre action »

Parmi les usagers attendant patiemment leur tour au guichet du Trésor Public, Sabina voyait d’un très bon œil la mobilisation des syndicats des Finances qu’elle a remerciés pour leur initiative, les encourageant à « continuer votre action ». « J’ai dû prendre une demi-journée juste pour pouvoir régler des papiers, confie la jeune femme. C’est une demi-journée de travail perdue pour faire 3 administrations ». Après la Préfecture, elle s’est rendue au Trésor Public, puis devait, avant midi, passer à la mairie pour pouvoir repartir au travail dans les délais. Une course contre la montre, et une attente qui pourrait, selon elle, être évitée, sachant qu’elle vient juste acheter un timbre fiscal. « Il y a des choses qui pourraient être mises en place pour faciliter nos démarches. Pourquoi les timbres fiscaux ne sont-ils plus vendus dans les bureaux de tabac comme avant ? Cela permettrait d’alléger la file d’attente. Les agents font ce qu’ils peuvent, mais ça ne doit pas être facile pour eux non plus ».

« Un accueil supplémentaire n’aurait pas été de trop »

« Cette perte de temps est vraiment gênante, d’autant que l’on est jamais vraiment assuré de trouver les bonnes informations au bon endroit. Je trouve que leurs papiers ne sont pas très lisibles », confie un autre usager, au sortir du Trésor Public. « C’était pire encore hier. J’ai dû attendre une bonne heure au Centre des Impôts pour avoir une simple information. Il n’y avait qu’une personne pour recevoir le public. Sans compter que quand on doit venir ici, en centre-ville, il faut aussi prendre en compte les difficultés pour se garer, le prix du parking. C’est fou ! ». Se pressant pour rejoindre sa voiture et ainsi éviter l’amende qui l’obligerait à faire demi-tour via le guichet, elle revient vers nous pour ajouter : « il y a des bureaux vides, un accueil supplémentaire n’aurait pas été de trop quand même... mais bon ».

SL


Les douaniers surchargés

Seul 1 conteneur sur 1.000 est contrôlé à La Réunion !

Pour Louis Payet, délégué CGTR-Douane, « il faut avoir une vision plus large de la profession de douanier à La Réunion qui n’est pas confrontée à la même situation qu’en Métropole. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la mission du douanier ne se limite pas à contrôler les voyageurs et leurs bagages. Il a une mission de sécurité, de protection des consommateurs, de contrôles des produits... on doit tout contrôler. N’oublions pas que de par sa situation géographique, La Réunion est ouverte sur les pays tiers et qu’en tant que RUP, elle est considérée comme un territoire d’exportation pour l’Union Européenne. Toutes les marchandises qui entrent sur le territoire doivent faire l’objet de déclarations. C’est autant de travail de bureau en plus. L’Octroi de mer et diverses exonérations spécifiques à La Réunion nécessitent d’être justifiés par des contrôles spécifiques ». Le terminal porte conteneurs de la Pointe des Galets occupe la quatrième position au plan national en termes de réception de marchandises, et la première d’Outre-mer. Pourtant comparé aux autres DOM, il manque à La Réunion une centaine d’agents des douanes. En raison de ce déficit, le contrôle des marchandises et des personnes ne peut être aussi assuré comme il le devrait. Pourtant, un produit contrefait peut devenir dangereux pour la population (jouets Matel, chaussures de sécurité...), comme des produits alimentaires qui se retrouveraient sans contrôle préalable dans les étales des grandes surfaces. Le Ministère public a lui même acté que seul 1 conteneur sur 1.000 était contrôlé à La Réunion ! Le centre douanier postal pourrait être le premier bureau à faire les frais de la réforme des opérations commerciales. « Imaginer qu’un habitant de l’Ouest soit demain obligé de se rendre sur Saint-Denis ou Saint-Pierre pour aller retirer son colis, dans les conditions de circulation que l’on connaît, explique Louis Payet. Et le service public dans tout ça ? ».

SL


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