Familles expulsées de Saint-Vincent de Paul, au Tampon

Entretien avec Max Banon, correspondant d’Agir Pou Nout Tout - Sud

9 juin 2007

Vous étiez jeudi devant la Sous-Préfecture de Saint-Pierre avec l’association “Agir Pou Nout Tout” et les habitants délogés du terrain de Saint-Vincent de Paul. Où en est le combat de ces familles ?
- Pour reprendre un peu l’historique : ces habitants ont bénéficié de la donation d’un terrain faite à l’association Saint-Vincent de Paul dans les années 50. C’étaient des familles très déshéritées, très misérables. Et l’association, par des dons, leur a construit des maisonnettes, au 12e km du Tampon. C’étaient des familles nombreuses, dont certains enfants - grâce à ce soutien - ont eu un beau parcours ; il y en a qui sont devenus médecins, chefs d’entreprise... Dans les années 2000, le maire du Tampon - qui était encore André Thien-Ah-Koon - et la SODEGIS ont monté une opération immobilière, dans le dos de ces familles. La découverte de la vente du terrain a été le point de départ de la mobilisation.
Suite à une précédente manifestation, où nous avions demandé des réponses concrètes, le Préfet nous avait fait savoir que la Mairie du Tampon était prête à nous recevoir ; il avait dit aussi que nous pouvions nous rapprocher du sous-préfet.

Votre rencontre avec la mairie a-t-elle débouché sur des avancées ?
- Nous avons eu une réunion avec le maire actuel, quelques-uns de ses conseillers et un représentant de la SODEGIS. Il y a eu six maisons détruites, sur quatorze. Des maisons SATEC, qui n’avaient rien d’insalubre. La SODEGIS voulait construire trente logements. Lors de cette réunion, le maire a dit qu’il n’y aurait plus de démolition, que les maisons qui ont été détruites seront reconstruites ; et que ceux qui voudront acheter sur le lotissement pourront le faire.

Le projet de lotissement est donc maintenu ?
- Oui, le lotissement est maintenu et le maire a parlé d’un groupe de travail. Nous avons demandé qu’ils mettent par écrit leurs déclarations. Parce que la SODEGIS reste sur le principe de logements locatifs et par ailleurs, dans nos entretiens avec les services sociaux de la mairie du Tampon, il est apparu qu’il y avait des choses pas claires du tout. C’est ce qui a motivé notre manifestation de jeudi. Nous avons demandé à tout remettre à plat.
Le secrétaire général nous a reçus et, pendant environ une heure, nous avons laissé nos doléances à ses collaborateurs.

Que demandent les familles aujourd’hui ?
- La première question est : qui est propriétaire du terrain, la mairie ou la SODEGIS ? La deuxième : Y a-t-il eu des permis de démolition et de qui ? Le maire dit que “ceux qui voudront acheter la maison pourront le faire”, mais au nom de qui ou de quoi parle-t-il ? Est-ce lui le propriétaire pour parler ainsi ? Il faut qu’il fasse une annulation de la vente effectuée entre l’association Saint-Vincent de Paul et la SODEGIS et qu’il fasse jouer son droit de préemption, sinon comment font les familles ?
Parmi les doléances, il y a aussi la demande d’une garantie donnée aux familles qui ont été expulsées de façon illégale - des maisons ont été écrasées ; il y a eu des menaces ; les familles sont mises dans l’obligation de payer un loyer exorbitant, plus une caution... Certaines familles n’ont même plus d’argent en fin de mois pour manger.
Comment se fait-il qu’une mairie et une Soc d’économie mixte ignorent à ce point le B.A.Ba de la loi ? Cela nous laisse penser que derrière cela, ce sont d’autres intérêts qui ont été pris en compte.

Pourquoi ce droit de préemption n’a-t-il pas été exercé dès le début ? Cela n’aurait pas empêché un projet immobilier, mais la mairie aurait un autre rôle...
- Ce qu’on craint derrière tout ça : en l’absence de document, nous pensons que la décision de vendre a pu être prise par le Conseil d’Administration de St-Vincent de Paul, mais on n’en sait rien. Et d’autre part, ces familles habitent ici depuis plus de 40 ans. Il y a des jurisprudences : avant de faire quoi que ce soit, les promoteurs auraient dû s’adresser aux familles. Le projet a bien été présenté au conseil municipal, mais tellement “arrangé” et enrobé de belles paroles que c’en était incompréhensible.
Quand on voit que ces responsables municipaux, qui ne sont pas capables de bien gérer un problème municipal, osent se présenter à l’AN... C’est risible ! Qu’est-ce qu’ils vont aller faire à l’assemblée, s’ils ne peuvent déjà pas s’occuper correctement de gens dont l’état de santé se dégrade, dans leur commune ! On vient de nous reparler de la nécessaire solidarité envers les personnes âgées, le lundi de Pentecôte... Mais parmi les familles expulsées ou menacées, il y a beaucoup de personnes âgées maintenant.

La situation faite à ces familles révèle beaucoup de mépris, n’est-ce pas ?
- Nous allons mettre en place un comité de soutien et nous irons au bout du bout parce que c’est inadmissible. De plus, nous pensons que beaucoup d’autres familles, qui autrefois habitaient dans les plantations, peuvent se trouver dans cette situation. Il y a beaucoup d’occupants sans titre à La Réunion. Et avec la nécessité de construire, il faudrait un contrôle citoyen, pour veiller à ce que les opérations immobilières ne répètent pas ce genre de scandale. Quand on a affaire à des politiques irresponsables, plus versés dans le business que dans leur mandat politique, forcément, on arrive des situations de ce genre.
En tout cas, nous voulons dire que pour le comité de soutien, tout le monde est le bienvenu. Le mot d’ordre sera “Plus jamais ça” !

Propos recueillis par P. David


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