Droit du Réunionnais au travail : Tribune libre

Éric Fruteau : Aller plus loin pour l’emploi

6 septembre 2004

Commentant les dernières actions revendicatives menées par des associations de demandeurs d’emploi ou de personnes en situation de précarité, Éric Fruteau, conseiller général de Saint-André, déclare que « devant l’ampleur du chômage, il faut aller plus loin que les mesures précaires (bien que nécessaires) en matière d’emploi ».

Dernièrement on a vu le Collectif emplois en danger (CED) soulever le problème des quotas de CES pour La Réunion. Revendication tout à fait légitime.
Vendredi dernier, on a assisté à une manifestation de jeunes de Saint-André concernant leur avenir et leur volonté d’être utiles à la société, de s’insérer et d’avoir le droit au travail, de refuser le mépris et demander le respect. Là encore on ne peut qu’adhérer à ces revendications.
Ainsi voit-on soulevé par des jeunes le problème de l’emploi et du chômage.

Il est exact de montrer du doigt les carences budgétaires (et notamment le budget de l’Outre mer, celui du FEDOM, du FIDOM ou du logement ou encore celui de l’Insertion) et leurs conséquences sur la politique de l’emploi à La Réunion, dans nos communes, pour les associations.
Il est juste de dire que les quotas de contrats seront insuffisants vu l’ampleur du chômage et notamment chez les jeunes. Il est fondé aussi de réclamer le droit au travail, fut-ce par l’intermédiaire de contrats précaires.
Mais faut-il en rester là ? L’avenir des jeunes Réunionnais va t-il se résumer à attendre de Paris un quota suffisant de précarité ? Après tout, les donneurs de quotas n’attendent-ils peut -être que cela de nous !
Je crois que cela mérite réflexion.

Le problème de l’emploi touche tous les secteurs de la vie réunionnaise. Le secteur privé et le secteur public sont tous deux concernés. Cela affecte aussi bien l’économie marchande qu’alternative.
Les conditions sont telles que les mesures gouvernementales à venir risquent d’aggraver encore plus la situation. On annonce pour les mois prochains encore plus de restrictions, encore plus de suppressions d’emplois sur le plan national (100.000 emplois publics supprimés cette année, 17.000 postes dans la fonction publique en voie de disparition avec le budget 2005...), encore plus de gel des crédits, avec des répercussions évidentes dans notre département.
Cet état sera exponentiellement aggravé vu le taux de chômage et notamment chez les jeunes (les moins de 20 ans représentent plus de 36% de la population, les moins de 30 ans près de 50% et ces catégories sont celles qui sont les plus touchées par le chômage).
On annonce chaque jour un peu plus de démantèlement des services publics (d’éducation, de santé, des postes, d’EDF,...), de remise en cause de la réduction du temps de travail, des non-remplacements des départs à la retraite. L’avenir n’est pas rose ! Et toutes ces mesures rétrogrades auront des effets néfastes sur l’économie de notre île. Hélas !

L’avenir est encore plus sombre pour ceux qui vivent dans la précarité.
S’est-on demandé un jour ce qu’il adviendra de ceux qui sont “condamnés” à rester au chômage ou au RMI ?
Les chiffres du RMI devraient également nous interpeller. Le nombre de érémistes à lui seul (74.000 bénéficiaires) est un indicateur de l’ampleur de la pauvreté dans notre île !
Que ferait le gouvernement (quelle que soit sa couleur politique d’ailleurs) si de tels chiffres prévalaient en France métropolitaine ? Que ferait ces gouvernants si la France comptait 15 millions de érémistes ? S’est-on demandé quel est le quotidien de ces personnes ?
Pourquoi la situation stagne-t-elle à La Réunion ?
Cela devrait nous interpeller davantage !

Non ! Peut-être faut-il pousser plus loin notre réflexion, nos actions et nos revendications d’acteurs responsables. Je ne crois pas que la précarité (qui restent à mes yeux qu’un saupoudrage, même si elle permet de soulager le mal) et la non-pérennité de l’emploi puissent être l’antibiotique qui réglera durablement le problème du chômage chez nos jeunes.
Le moment n’est-il pas venu de réclamer des États généraux pour l’emploi à La Réunion ? Il faut poser globalement le problème de l’emploi dans notre île !
Quel état des lieux, quelles possibilités locales, quelles contractualisations en terme de création d’emplois dans le secteur public, quelle solidarité mettre en place, quelles solutions apportées... Quel financement ?

Comment régler durablement le problème du chômage et de la précarité extrême de l’emploi ? Quel traitement égalitaire en termes d’emploi et d’insertion mais aussi en termes d’égalité collective ? Il nous faut poser ces problèmes sans états d’âme, sans arrières-pensées. Il est urgent d’agir sereinement et de façon responsable.
Posons (ou re-posons) les bases d’une large réflexion dès à présent et faisons en sorte qu’elle trouve l’adhésion d’une grande majorité de responsables politiques, économiques ou associatifs permettant un engagement sur un plus long terme. Faisons valoir ces particularités avec force, unanimement, et espérons qu’aucune jurisprudence ne vienne inhiber cet élan et la prise en compte d’un contexte bien inquiétant.

Éric Fruteau,
conseiller général de Saint-André


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