Et si on mondialisait le bien-être dès la naissance ?

16 juin 2008

Samedi a eu lieu à Saint-Gilles, Village Corail, la 1ère Journée de l’Enfance organisée par le Centre hospitalier Gabriel Martin et l’Association Région Réunion des Infirmières Puéricultrices (ARRIP). Tenue sur le thème de ’l’accueil bien-traitant’, cette journée de conférence-débat s’adressait aux professionnels de l’enfance.

De nombreux infirmiers/infirmières, puéricultrices, sage-femme/sage-homme, pédiatres, psychologues de l’enfance ou pédopsychiatres, ont participé aux débats préparés par l’association régionale des infirmières puéricultrices, la direction de l’hôpital Gabriel Martin, représentée par Gérald Kerbidi et les professionnels du service Maternité, autour de Marc Bertsch, pédiatre au CHGM et de Maryse Tamburro, présidente de l’ARRIP, organisateurs de cette rencontre.
Deux éminents spécialistes, Danielle Rapoport, psychologue clinicienne et Bernard This, pédopsychiatre et psychanalyste, connus pour leur spécialisation et leurs travaux en ce domaine, ont accompagné les débats.
En début de rencontre, le docteur Marc Bertsch a fait le bilan des trois années passées à la maternité en qualité de pédiatre. Il a expliqué comment, après une année d’observation, de prise de contact avec le vécu de la maternité et des naissances, son équipe avait pu proposer des changements, par petites touches. « Travailler au bien-être du nouveau-né est une question de bon sens et d’observation » a-t-il dit en substance, en évoquant les gestes qui, à la naissance, contribuent au bien-être de l’enfant. Ce bien être est essentiel à la formation du cerveau, encore immature à la naissance, chez le petit d’homme. Néanmoins, « tout le capital neuronique est là » a-t-il appuyé : quelque 200 milliards de neurones, présents pendant la gestation. Toute la petite enfance va œuvrer à la consolidation du cerveau, dont les étapes sont rythmées par l’acquisition de la marche, puis du langage et par tous les apprentissages du jeu. Le processus va durer 4 ou 5 ans, a-t-il rappelé et pendant ce processus, les stimuli que reçoit l’enfant sont décisifs pour la création « d’hormones du bonheur ou d’hormones de l’angoisse », selon les expériences accumulées. Le pédiatre a évoqué le cas de ces petits orphelins roumains, « trouvés avec une masse cérébrale inférieure de 30% à ce qu’elle est chez des enfants du même âge », parce qu’ils avaient manqué d’affection et d’attention pendant les premières années.
En guise de bilan de ces trois ans d’exercice et de révolution douce qui ont construit ou consolidé une image « plutôt bonne » de la maternité du CHGM, le Dr Bertsch a donné en conclusion ce proverbe chinois qui dit que « les parents ne peuvent donner que deux choses à leurs enfants : des racines et des ailes », et invité les professionnels présents à ne pas renoncer à « changer le monde -pourquoi pas ?- en généralisant le bien-être ».
Dans les exposés qui ont suivi, celui du Dr. Gisèle Gremmo-Feger, pédiatre au CHU de Brest, présenté en son absence par le Dr. Isabelle Tiran-Rajoafera, pédiatre au service de néonatologie du CHD, a donné les éléments d’une révision des « dogmes du confort à la naissance du nouveau-né supposé bien portant ». Beaucoup d’actes introduits par les progrès de la technologie font actuellement l’objet d’une relecture critique et de pratiques différenciées : il n’est pas forcément indispensable, quand tout va bien, d’aspirer les voies respiratoires supérieures du nouveau-né, ni de lui faire un nettoyage gastrique - qui ressemblent à autant de séance de torture, alors que le nouveau-né n’a que quelques heures d’existence extra-utérine. Ce sont quelques-unes des remises en cause, au nom de la bien traitance, d’actes qui ont beaucoup contribué à médicaliser la naissance et à faire oublier que des gestes simples, et vieux comme l’humanité, pouvaient être beaucoup plus efficaces pour l’accueil du bébé.
La suite de la journée a fait place à des interventions de médecins de PMI, des puéricultrices, des institutrices, des personnes intervenant en crèches. Il s’agissait de leur permettre d’échanger des expériences faites dans la société réunionnaise, en les nourrissant du point de vue de spécialistes reconnus.
Danielle Rapoport, psychologue clinicienne, a rappelé que la notion de “bien-traitance” rencontre une forte adhésion parce qu’elle « s’enracine dans des pratiques déjà anciennes : la naissance sans violence (depuis les années 60-Ndlr), l’accueil des tout-petits, l’humanisation de l’hospitalisation pédiatrique, la prise en compte de la douleur, l’intégration de l’enfant porteur de handicaps »...etc. Et néanmoins, ajoute-t-elle, l’écart semble se creuser « entre les progrès évidents de la psychologie et de la psychanalyse de l’enfant et le sentiment qu’on ne parvient pas à les appliquer ». Un élément de réponse a peut-être été apporté par Huguette Bello, dans son adresse aux participants (voir ci-après) et plus largement encore par les divers participants à la rencontre.

P. David


Huguette Bello : Quelle bien-traitance, lorsqu’il y a négation de l’enfance ?

Huguette Bello, députée de la circonscription et maire de Saint-Paul, a tenu à saluer l’assemblée et les organisateurs en qualité d’« ancienne directrice d’école maternelle » qu’elle a été pendant longtemps.
Elle a mis en avant « au moins deux raisons » soulignant l’importance d’une telle rencontre, sur le thème de l’accueil bien-traitant. « D’une part, parce que cette notion de bien traitance, du fait même de son grand succès, demande à être reéxaminée. D’autre part, en raison des menaces qui pèsent de plus en plus sur les acquis enregistrés au cours de ces dernières décennies ».
La députée a évoqué la transformation des maternités : « plus imposantes, plus technocratiques et impersonnelles », ainsi que les « remises en cause récurrentes » pesant sur l’école maternelle, le service public d’éducation nationale en général, et le manque de structures pour l’accueil des tout-petits.
Après avoir salué la présence des spécialistes invités - et en particulier Danielle Rapoport - Huguette Bello a soumis à l’assistance cette interrogation : « Comment penser la bien-traitance des enfants dans une société dont bien des aspects contribuent à nier l’enfance, dans une société où il ne s’agit plus seulement de maltraitance, mais de négation de l’enfance ? Où, de façon plus ou moins insidieuse, des enfants sont transformés en petits consommateurs, où le monde de l’enfance devient un monde adulte en miniature, où on ose même imaginer une télévision pour nourrissons ? »

Des facteurs plus réunionnais contribuent à sensibiliser, ici, à ces problématiques, a poursuivi Huguette Bello. « Sans doute en raison des pages sombres de notre histoire, où le pire des systèmes n’avait pas hésité à réglementer, dans le Code Noir, la place des enfants ; sans doute aussi parce que les témoignages des enfants arrachés à leur famille sont encore vivaces. Et bien sûr, du fait des bouleversements rapides des structures familiales ».
Autant de facteurs qui soulignent l’intérêt de cette rencontre et des travaux qu’elle produira, a dit la députée-maire en allocution de bienvenue.

Huguette Bello

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