Proposition de l’intersyndicale pour la loi-programme

Exonérer les entreprises, oui, mais pas sans bénéfice pour les salariés

12 août 2008, par Edith Poulbassia

Après avoir critiqué les 15 mesures d’Yves Jégo pour le pouvoir d’achat, l’intersyndicale avance ses propres propositions. Elle demande à l’Etat d’agir cette fois non pas au niveau des prix, mais des revenus, dans le cadre de la nouvelle loi-programme. Pourquoi, en effet, ne pas conditionner les exonérations de charges patronales à de vraies négociations salariales et à la structuration des branches professionnelles ?

L’intersyndicale CFDT-CGTR-FSU-UNSA-CFTC-Solidaires n’a pas caché son scepticisme face aux quinze propositions du secrétaire d’Etat à l’Outre-mer pour l’amélioration du pouvoir d’achat, propositions formulées dans le cadre de l’Observatoire des Prix et des Revenus.
Il y a deux semaines, elle critiquait l’efficacité de ces mesures et notait que la question des revenus était évacuée. Le secrétaire d’’Etat à l’Outre-mer déclarait d’ailleurs que l’Etat n’avait pas à intervenir à ce sujet, que les salaires relevaient de la seule négociation entre les entreprises et les employés.

L’intersyndicale fera part de ses propositions à Yves Jégo dans un courrier.
(photo EP)

L’intersyndicale ne partage pas ce point de vue. Pour elle, l’Etat a le devoir de réglementer, surtout lorsque les entreprises bénéficient des avantages fiscaux et des aides financières de l’Etat.
A l’heure où on parle des droits et devoirs des demandeurs d’emploi, pourquoi ne parle-t-on pas des droits et devoirs des entreprises ? On pourrait ainsi citer la tenue des négociations salariales annuelles, et la structuration des branches professionnelles, l’application des conventions collectives.
L’intersyndicale propose d’intégrer ces éléments à la nouvelle loi-programme pour l’Outre-mer.
Pour que la loi-programme profite aussi aux salariés, les syndicats demandent à l’Etat de conditionner les exonérations de charges patronales à l’application des négociations salariales et à la structuration des branches professionnelles.
Jusqu’à présent, les exonérations ont été attribuées sans aucune contrepartie pour l’emploi, que ce soit en termes de création ou d’amélioration des conditions de travail des salariés. Les syndicats constatent que le projet de loi-programme pour l’Outre-mer, adopté le 28 juillet en Conseil des ministres, continue sur cette lancée.
Seule condition aux exonérations, l’obligation de réserver 5% des bénéfices à la formation professionnelle des dirigeants ou des salariés.
« Nous demandons que le “ou” soit remplacé par “et” pour s’assurer que la formation professionnelle bénéficie à tous les employés et non pas seulement aux cadres, ajoute Armand Hoareau, secrétaire général de l’UNSA. C’est une des conditions du développement durable. Les employés non formés peuvent être considérés comme dépassés et, au final, être licenciés ».

Un appel aux parlementaires

L’intersyndicale fera part de ses propositions à Yves Jégo dans un courrier, « pour que l’Etat joue son rôle en matière de négociation salariale » avec sa politique d’exonération de charges.
Les syndicats demandent aussi aux sénateurs et députés de déposer des amendements en ce sens lors de l’examen de la loi-programme au Parlement, en octobre. Et pour anticiper sur les prochaines négociations salariales de 2009, l’intersyndicale va s’adresser dès maintenant à la Direction du Travail.
L’intersyndicale rappelle en effet que les salariés ont de plus en plus de mal à obtenir des augmentations pour compenser la hausse des prix. Alors que l’inflation a atteint 3,7% en 1 an, les employés obtiennent rarement une telle revalorisation de leurs salaires.
D’abord parce que 60% des salariés travaillent au sein des TPE (90% des entreprises), où il n’y a ni représentation syndicale, ni structuration des branches professionnelles.
Ces employés vivent avec le SMIC ou un salaire à peine supérieur, et la majorité n’obtient pas d’augmentation chaque année.
Ces salariés n’ont aucune perspective au sein de leur entreprise, ils finissent par démissionner pour trouver mieux ailleurs, souvent en vain, et perdent leur dignité d’hommes et de femmes.
Ensuite parce que les entreprises qui mènent les négociations annuelles refusent de tenir compte de l’inflation. Jean-Pierre Rivière de la CFDT rappelle ainsi la récente grève à Réunion Air Assistance, 15 jours de conflit pour 1% d’augmentation de salaires.
« Ce 1% s’ajoute aux 1,8% des NAO, mais le compte n’y est pas », commente-t-il. Idem dans le BTP, un secteur qui fait des bénéfices. La revalorisation des salaires n’a pas atteint les 3,7% d’inflation.
Pourtant, « les grandes entreprises n’hésitent pas à majorer les coûts des travaux pour compenser la hausse des prix des carburants et des matières premières », constate Ivan Hoareau, secrétaire général de la CGTR.
Dans ce contexte, l’intersyndicale est cependant consciente des difficultés rencontrées par les petites entreprises.
Pour Ivan Hoareau, « il faut assainir les relations de sous-traitance entre les grandes et petites entreprises, faire la transparence sur les bénéfices, savoir quelle est la situation au sein des entreprises en termes d’emplois, de niveaux de salaires, d’où l’intérêt d’une structuration des branches professionnelles ».

Edith Poulbassia

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