Statistiques sur l’emploi

« Falsification grossière »

14 novembre 2006

Vendredi dernier, l’INSEE a annoncé une baisse du taux de chômage à La Réunion de 2,2 points par rapport au 2ème trimestre 2005. Ainsi, son Enquête Emploi de mai 2006 titre « Le chômage sous la barre des 30% ». Mais ce résultat statistique, s’il est démontré par une série de chiffres et de pourcentages plutôt abstraits, ne correspond pas au ressenti des Réunionnais. L’ancien député communiste Claude Hoarau se dit perplexe et donne la preuve que les statiques sont par essence contestables.

Le nombre d’actifs ayant un emploi aurait augmenté de 7,1% entre les seconds trimestres 2005 et 2006. L’emploi salarié aurait ainsi augmenté de 4,4% durant cette période en raison principalement du dynamisme du secteur du BTP qui a accru ses effectifs de 11% et des services aux entreprises qui ont augmenté leurs effectifs de 10%.

Et les jeunes sans formation ?

Claude Hoarau ne remet pas en cause la bonne santé du BTP. Il prend pour preuve les 20.000 personnes qui ont bénéficié de congés payés sur la période 2006. La défiscalisation a engendré le boom de la construction individuelle qui nécessite plus de main-d’œuvre que pour la réalisation de logements sociaux « totalement en panne ». Les grands chantiers comme la route des Tamarins et ses 1.500 emplois associés ont rempli les cahiers de commandes des entreprises qui ne sont pas atteintes par la crise du logement social, à la différence d’une grande partie de la population (25.000 demandes sont en attente). Cependant, la croissance de ce secteur ne concerne que les personnes qui ont un métier, une expérience et qui sont dès lors moins nombreuses à attendre un recrutement, commente encore Claude Hoarau. Mais le BTP n’est qu’un pan de l’économie locale. Que fait-on alors de cette masse de jeunes qui n’a pas de formation ? Où apparaît-elle dans les statistiques ? (voir encadré) Claude Hoarau ne cache pas son scepticisme face à ces annonces sur l’emploi qui méritent d’être relativisées et resituées dans leur contexte.

« Très grave de chercher à tromper l’opinion »

Et pour preuve. En comparant les tableaux “Emplois aidés dans le secteur non marchand” des TER 2005-2006 et 2006-2007, à la ligne des CES, Claude Hoarau perd même son sens comptable. L’on remarque clairement que d’un TER à l’autre, pour les mêmes années, le nombre de CES diffère clairement. Peut-être cette précision laconique, « nouveaux contrats et avenants », qui figure sur le TER 2005-2006 sert-il à parer toute contestation éventuelle ?
Néanmoins, Claude Hoarau ne comprend pas ces écarts de chiffres, ce glissement de la comptabilité d’une année sur l’autre. « Là, il y a falsification grossière », accuse l’ancien député. « On effondre les chiffres pour ne pas faire la démonstration de la politique du gouvernement de supprimer des CES ». La réalité, c’est que plus de 35.000 emplois aidés ont été supprimés depuis 2001 et que « les jeunes aujourd’hui sont sur le bord de la route. Ils mangent leur colère et les élus ne sont pas en mesure d’apporter des solutions... C’est très grave de chercher à tromper l’opinion ». Après la suppression de plusieurs centaines de contrats aidés, donc de possibilités d’emplois pour de nombreuses familles, les mesures du Plan Borloo n’effectuent finalement qu’un modeste rattrapage des lourdes pertes. Le compte n’y est pas. Même si les nouveaux contrats bénéficient principalement aux femmes, ils restent précaires.

Débattre pour arriver à un accord

Ces chiffres ne doivent donc pas nous éloigner de la réalité, de la crise de l’emploi et de ces nombreuses déchirures sociales qui appellent à des actions. Cette mandature qui n’a pas voulu entendre les demandes locales mais a préféré développer une stratégie de l’emploi marchand - que les statistiques aujourd’hui confortent, à point nommé - va prendre fin. Les forces politiques et économiques doivent engager un débat pour arriver à un accord. Et Claude Hoarau veut y croire. La Réunion a un projet de développement qui doit être entendu à Paris et c’est aux élus locaux de le porter ensemble pour que la baisse du chômage soit un jour effective.

SL


Les plus jeunes ne se déclarent pas

« Il n’y a rien pour eux »

Beaucoup de jeunes qui ont quitté le circuit scolaire prématurément, qui n’ont pas de formation ou encore qui ont déjà fait les frais ne pointent pas à l’ANPE car ont peu d’espoir de ressortir avec un travail à la clé. Quand on connaît le fonctionnement de l’institution, on s’en convainc sans problème.

Découragement

À la page 123 du TER 2005-2006, rubrique “Demandes d’emploi au 31 décembre”, quelques données interpellent Claude Hoarau. D’abord, c’est la baisse du nombre de demandeurs d’emploi de 17.000 personnes entre 1999 (107.000) et 2004 (90.000). « Y a-t-il eu de l’emploi pour ces personnes ou est-ce le mécanisme statistique qui agit ? ». Il regarde ensuite le découpage par tranche d’âge et constate que cette diminution concerne majoritairement les personnes de 25 à 49 ans (près de 13.000 demandeurs en moins) et les moins de 25 ans (près de 6.000 demandeurs d’emploi en moins). « C’est pourtant cette tranche d’âge qui a le plus augmenté durant cette dernière période puisque la population active a augmenté de manière plus importante », commente Claude Hoarau. Alors quoi ? Où sont passés tous ces jeunes ? « Il y a un refus des plus jeunes à se déclarer. Et la raison est simple : il n’y a rien pour eux. Ils n’ont droit à aucune prestation qui rendrait nécessaire leur inscription. On sent un découragement chez eux. Ils sont de plus en plus réticents à faire appel à l’ANPE ». Ceci pour révéler, comme le font déjà d’autres analystes sur la question de l’emploi, que les statistiques doivent toujours être pondérées par un coefficient de réalité. Que si les demandeurs d’emploi diminuent, ce n’est pas forcément parce qu’ils ont trouvé du travail, sans quoi on n’aurait pas besoin des statistiques pour nous l’apprendre.

SL


Brève

Baisse du chômage global, mais hémorragie d’emplois continue dans l’industrie

Si le chômage baisse en France, selon les derniers chiffres publiés par le Ministère de l’Emploi, l’hémorragie d’effectifs continue dans l’industrie, notamment dans des secteurs comme la fonderie et l’équipement automobile, au point de déclencher des plans gouvernementaux pour l’emploi.
Deux plans nationaux pour l’emploi dans la fonderie et dans l’équipement automobile sont en préparation face à la nécessité de « revitaliser les terres sujettes à restructuration », a annoncé le 2 novembre le Ministre délégué à l’Emploi, Gérard Larcher. Il répondait à une question sur la situation des Ardennes où un préavis de grève générale est déposé pour le 3 novembre après des suppressions d’emplois annoncées coup sur coup en octobre par des entreprises du département.
Les plans, qui devraient entrer en vigueur « au premier trimestre 2007 », visent à « mobiliser les acteurs du service public de l’emploi, les partenaires sociaux pour encourager une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et pour anticiper les mutations », a-t-on précisé au Ministère. Restructurations et faillites s’accélèrent dans la fonderie et l’équipement automobile depuis environ 2 ans. Résultat : des milliers d’emplois, souvent peu qualifiés, disparaissent dans des bassins d’activités très liés à l’automobile comme la Franche-Comté, la Lorraine ou le Nord. La crise de la sous-traitance automobile pourrait ainsi menacer « 1.000 à 1.500 emplois » dans les Ardennes, selon le Député socialiste Philippe Vuilque. Au-delà de ces 2 seuls secteurs, c’est l’ensemble de l’industrie qui continue à perdre des emplois. « Alors qu’il n’avait cessé de croître de la mi-1999 au printemps 2001, l’emploi dans l’industrie est orienté à la baisse depuis. En 1 an, de juin 2005 à juin 2006, les effectifs de ce secteur affichent une baisse de 1,9%, soit 66.200 postes de travail en moins », selon une récente note de l’UNEDIC.


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