Intervention à la tribune du Sénat

Gélita Hoarau : ’Consultons les Réunionnais pour dégager avec eux des solutions’

29 juin 2005

La sénatrice de La Réunion est intervenue hier à la tribune du Sénat dans le cadre du projet de Loi pour le développement des services à la personne et sur diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, en présence du ministre Jean-Louis Borloo. On lira ci-après le texte de son intervention. Les intertitres sont de “Témoignages”.

(page 2)

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers Collègues,
La situation de La Réunion est dominée par son difficile contexte social avec ses records de personnes à la CMU, d’illettrés, d’érémistes, de demandes de logement non satisfaites.
Or, lorsque le gouvernement s’inquiète et se mobilise devant un taux de chômage de 10% en Métropole, nous sommes en droit d’espérer une action plus vigoureuse et spécifique pour un chômage dont le taux est trois fois supérieur à La Réunion.

Justice pour les “enfants réunionnais de la Creuse”

Depuis bientôt près de 40 ans, on a tout essayé : l’extension de mesures prises sur le plan national ou des dispositions spécifiques à l’Outre-mer.
Nous avons connu les premiers le traitement social du chômage, la défiscalisation, les exonérations des charges sociales. Mais aussi la mobilité des personnes et, dès les années 60, le contrôle forcé des naissances.
De cette époque, nous avons hérité d’un drame qui éclate ces temps-ci.
À la fin des années 60, on a fait partir sans leur consentement et sans celui de leurs parents adoptifs 1.600 jeunes réunionnais orphelins pour la plupart. Ils cherchent aujourd’hui à s’informer, à comprendre pourquoi ils ont été traités ainsi. Ils demandent justice. En vain.

Un taux de création d’emplois fort... mais insuffisant

Si nous revenons à la question du chômage, il serait inexact de dire que rien n’a été fait.
Au cours de la dernière période, les efforts conjugués de l’Europe, de l’État, des Collectivités locales et des entreprises ont permis la création d’emplois pérennes dans le secteur marchand. Citons le développement des embauches dans le secteur énergétique, dans celui du BTP ou du désenclavement aérien avec la compagnie locale Air Austral.
Ces efforts ont permis de maintenir un fort taux de création d’emplois dans le secteur marchand. Ils sont cependant insuffisants pour régler la question du chômage.
Dans quelques semaines ce sera la fin de l’année scolaire.
Des milliers de jeunes vont quitter la vie éducative, Les enquêtes menées montrent que, 7 mois après avoir abandonné leur sortie, 60% de ces jeunes se retrouvent au chômage.
Au 1er janvier 2006, prendra fin dans les DOM le système des CES et des CEC.
À la même date. Le dispositif spécifique de congé-solidarité sera supprimé.

Des échéances aux effets négatifs

Bruxelles met en œuvre une réforme de l’OCM-Sucre avec une baisse de 39% du prix.
Une telle annonce n’a pas manqué de susciter des inquiétudes chez les planteurs et fait craindre un mouvement d’abandon de la culture de la canne. Toujours sur le plan européen, aucun accord n’a été possible sur le budget de l’Union pour la période 2007-2013.
Mais l’hypothèse d’une baisse des fonds structurels pour les régions de l’Objectif dont font partie les DOM apparaît comme très probable.
On évoque une diminution d’au moins 20%, soit à peu près 300 millions d’euros de crédits en moins pour la seule Réunion, avec comme conséquence une baisse tant sur le plan des investissements que sur celui de l’emploi alors que notre population aura augmenté d’ici-là.
À partir du 1er janvier 2008, entreront en application les Accords du Partenariat Économique. La règle de la réciprocité des échanges sera établie.
De même, à la fin de cette année, l’OMC conclura sans doute un accord, à Hong Kong, libéralisant le marché des services.
La Réunion n’est pas préparée à ces échéances qui auront des effets négatifs sur l’emploi.

Une situation spécifique

Enfin, selon une projection d’une Réunion à un million d’habitants, la population active sera de 441.000 personnes en 2030. Il faudra, dit l’INSEE, "doubler l’emploi actuel pour, en même temps, ramener le chômage à un niveau acceptable".
Notre situation est donc spécifique et, je le répète, elle appelle des actions plus rigoureuses et spécifiques.
Le gouvernement dit compter beaucoup sur le plan de Cohésion sociale.
On nous a annoncé la possibilité de créer 45.000 contrats d’avenir, 15.000 par an pendant 3 ans et ce, dès cette année.
Le Conseil général de La Réunion qui a inscrit un tel objectif à son programme, vient de réviser ses plans à la baisse.
Quand on y regarde de plus près, il n’a de quoi ne financer que quelque 600 contrats.

"Ma demande est simple"

Monsieur le Ministre, ma demande est simple : concernant les CES, CEC et les Congés solidarité, maintenons les dispositifs actuels. Faisons une pause dans les réformes, le temps de faire un bilan de tout ce qui a été entrepris ces dernières années.
Consultons les Réunionnais pour dégager avec eux des solutions.
Fixons-nous des objectifs clairs : chiffrons, par exemple, nos ambitions de baisse du chômage et que l’État passe ensuite un contrat avec les Réunionnais pour atteindre de tels objectifs.
Si vous empruntez cette voie, Monsieur le Ministre, je suis prête à vous suivre et je suis prête à inviter mes compatriotes à en faire de même et à participer à l’effort d’élaboration et de mise en œuvre de solutions assurant un développement durable de La Réunion.
Je vous remercie.


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