Plusieurs décisions à l’origine d’une crise sociale

Grève au CHU de La Réunion : pourquoi 250 emplois sont en danger

1er mars 2017, par Manuel Marchal

Forte mobilisation hier aux centres hospitaliers Nord et Sud du CHU de La Réunion. Toutes les catégories de personnel ont suivi hier le mouvement lancé à l’appel de l’intersyndicale. Après une rencontre avec la direction de l’Agence régionale de santé Océan Indien, les syndicalistes ont décidé de poursuivre la grève. La direction du CHU veut lancer un plan de suppression de postes pour combler un déficit de plus de 20 millions d’euros. Comment expliquer une telle situation financière alors qu’au moment de sa création en 2012, la situation financière du CHU Réunion était équilibrée ? Les réponses se trouvent dans le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales. Elles démontrent que si l’État comble le déficit sans changer la direction du CHU, alors la crise se reproduira.

Pour sauver 250 emplois, toutes les catégories du personnel des deux hôpitaux du CHU de La Réunion étaient en grève hier. Ce mouvement a eu des répercussions dans toute La Réunion. En effet, les salariés se mobilisent contre un projet de suppressions de poste qui ne pourra que dégrader la qualité des soins pour la population. C’est pourquoi ils ont répondu à l’appel de l’Intersyndicale CFDT-FO-CFTC-UNSA-SUD Santé. Hier matin, des grévistes ont distribué des tracts à proximité des entrées des hôpitaux de Saint-Denis et de Saint-Pierre. Le CHU Nord étant situé à proximité du boulevard Sud, cette opération a provoqué un coma circulatoire à l’entrée de Saint-Denis. L’embouteillage s’est étalé sur plus de 12 kilomètres, remontant jusqu’à La Possession. Dans le Sud, des bouchons ont aussi touché Saint-Pierre.

À Saint-Denis, après cette première opération, les grévistes se sont rassemblés sur le parvis de l’entrée principale pour des prises de parole afin d’exprimer leur volonté de sauvegarder les emplois menacés. Puis ils se sont dirigés vers le siège de l’ARS océan Indien où une rencontre s’est déroulée en début d’après-midi avec la direction de cette administration. Au terme de cet échange, les grévistes ont décidé de continuer le mouvement. Ce dernier a concerné plusieurs centaines de personnes sur les deux sites du centre hospitalier universitaire. Pour cette première journée, les médecins ont affiché leur solidarité en décidant d’un jour de grève. L’origine de ce mouvement vient de la publication d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales qui montre plusieurs graves erreurs de gestion à l’origine d’un déficit de plus de 20 millions d’euros.

Pourquoi embaucher 853 personnes en 4 ans ?

Au moment de sa création en 2012 par la fusion du CHD et du Groupe hospitalier Sud Réunion, le CHU était à l’équilibre. Le déficit s’est d’abord creusé suite à la hausse des charges de personnel sans rapport avec l’évolution de l’activité de l’hôpital. Au moment de la création du CHU, il comptait 30 % du personnel précaire. Un accord avec les syndicats avait défini un plan de résorption de la précarité par des titularisations. Mais aujourd’hui, le pourcentage des précaires reste le même, la faute au recrutement de 853 personnes depuis 2012.

La seconde erreur pointée du doigt par l’IGAS est la gestion d’un plan pluriannuel d’investissements de 400 millions d’euros. Il prévoit notamment les constructions d’un bâtiment de soins critiques à Saint-Denis pour plus de 60 millions d’euros, et d’un bâtiment central à Saint-Pierre pour 107 millions d’euros. Malheureusement, les plans utilisés datent de 2005 et ne sont plus en adéquation avec l’évolution des pratiques de soin. Cela amène donc à de coûteuses adaptations. De plus pour Saint-Pierre, le passage obligé devant une commission nationale ad-hoc pour tout projet de plus de 8 millions d’euros n’a pas eu lieu. Ce qui signifie que les travaux pourraient s’arrêter.

La troisième erreur est une tentative de dissimulation de la situation financière par des jeux d’écriture lors du bilan 2015. Cela explique pourquoi le commissaire aux comptes a refusé de certifier les comptes 2015 du CHU de La Réunion.

Quant à Mayotte, accusée de plomber les comptes du CHU, elle a rapporté 6 millions d’euros par an jusqu’au 1er janvier 2016. Depuis cette date, un changement de règles a inversé la situation, avec une perte comprise l’année dernière entre 6 et 9 millions d’euros.

L’État et le volet universitaire

L’État a aussi sa part de responsabilités. Il n’a pas accompagné à sa juste mesure la création du centre hospitalier universitaire. Aucun praticien hospitalier n’est titulaire, ce qui fait reposer le fonctionnement sur des assistants praticiens contractuels.

C’est pourquoi les grévistes demandent à l’État d’assurer pleinement sa contribution financière à l’existence à La Réunion d’un centre hospitalier capable de former des médecins.

Concernant l’aide de l’État au plan d’investissements, elle s’élève à 8,5 millions d’euros par an pendant 20 ans. Sur la base de la capacité d’autofinancement du CHU en 2012, cette subvention devait être suffisante. Mais à cause des embauches massives sans réelle raison, cette capacité s’est effondrée, ce qui accentue les difficultés du CHU à sortir de cette situation. Elle est tellement grave qu’une mission complémentaire a été décidée suite au rapport de l’IGAS. Elle se penche sur le contrôle des embauches, les bâtiments et la gestion. C’est une procédure contradictoire qui est en attente de la réponse de la direction du CHU.

C’est pourquoi l’augmentation de l’aide de l’État ne pourra à elle seule régler le problème. En effet, le directeur actuel, Lionel Callenge, était l’adjoint de David Gruson, directeur du CHU Réunion de 2012 à 2016. Il est donc pleinement associé aux décisions qui ont provoqué une crise sociale. C’est pourquoi la crainte est grande de voir de nouveau le CHU-Réunion dans une crise financière si jamais l’État décidait de combler le déficit sans remettre en cause la politique de gestion responsable de la grève des salariés.

M.M.

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Messages

  • CHU EN GRÈVE : ASSEZ D’ÉCONOMIES SUR LE DOS DU PERSONNEL ET DES MALADES !

    Suite à un audit commandé par l’IGAS faisant ressortir que le CHU avait cumulé un déficit de 26 millions d’euros en 2016, la direction de celui-ci a préconisé un plan d’économies pour le résorber en quelques années.
    Ce plan consiste à réduire les effectifs du CHU et le nombre de lits mis à disposition des malades. 250 suppressions de postes de travail ainsi que la fermeture de 115 lits sont ainsi programmés.
    Cette annonce a provoqué la colère du personnel de l’hôpital et des ses organisations syndicales. En effet cette décision va à l’encontre de l’accord qui avait été signé en 2012 entre la direction du CHU et des organisations syndicales des salariés garantissant la pérennité du financement du CHU.
    Elle est aussi particulièrement choquante parce que les effectifs ne permettent pas de faire face à l’afflux des malades. Ces dernières années, leur nombre a augmenté de plus de 10 %. La Réunion est en effet particulièrement touchée par de nombreuses maladies telles que le diabète (un Réunionnais sur dix), les affections cardio-vasculaires, l’obésité et les maladies chroniques.
    L’IGAS et la direction du CHU dans leur obsession comptable font donc fi du personnel du CHU exerçant dans des conditions de plus en plus difficiles. Certains salariés étant proches du burn-out. Ils font aussi fi du sort des malades qui doivent attendre parfois une journée entière comme aux urgences avant de pouvoir être pris en charge et soignés.
    Dans un pareil contexte, leurs économies sont criminelles et le personnel a eu totalement raison de décider de répondre par la grève pour imposer une autre solution. Et cette solution, c’est que l’État mette suffisamment d’argent à la disposition de l’établissement de soins. En effet, l’État ne contribue qu’à hauteur de 8 % dans le budget de fonctionnement du CHU qui de ce fait doit quasiment totalement s’auto financer alors que l’État lui impose une baisse de ses tarifs et la prise en charge de patients venant de Mayotte, sans compter celle abusive de la formation médicale.
    Voilà pourquoi le personnel du CHU, à l’appel de son intersyndicale, a décidé de se mettre en grève à partir de ce mardi, rejoint, et c’est un signe qui ne trompe pas sur la profondeur du mécontentement, par le corps des médecins.
    L’Union Régionale Est est entièrement solidaire du combat mené par le personnel du CHU. La direction du CHU et le gouvernement doivent mettre à sa disposition les moyens financiers pour fonctionner correctement. Non aux suppressions de postes, oui aux embauches !

  • Effectivement pleines de questions arrivent, se posent , aurait-on le courage de les affronter ? Déja se faire soigner est compliqué compliqué entre l’éxigence immédiat, d’attestation, carte vitale, avant de renter dans le vif du sujet ,et si en plus en plus il faut subir les erreurs de gestions, soigneraitçon le malade ou l’hopital ?

    La santé mérite un vaste débat pas exclusivement budgétaire, a mon humble avis.

  • Tous concernés, mais surtout pas résignés. Chaque habitant de l’île a une forte probabilité un jour de séjourner au CHU et être confronté aux manquements dénoncés par les grévistes. Face à l’ampleur du désastre qui dessine devant nous, chacun doit s’inquiéter des décisions qui seront prises pour sauvegarder ou pas les établissements de santé avec les moyens nécessaires en lit et en personnel. Lorsqu’un interlocuteur prétend que le maintien de certains sections de santé ne sont pas RENTABLES et qu’il faut les fermer pour réduire les coûts de fonctionnement, on se moque du monde. Ta santé, ma santé se résume à des considérations comptables. Tant pis, si l’usager agonisant, doit attendre plus de 4, 5,6 ou 24 heures aux urgences, l’essentiel pour eux c’est de retrouver un équilibre comptable. Faut arrêter de déconner. Déjà dans plusieurs domaines, l’usager se serre la ceinture pour survivre. Là, on lui fait comprendre qu’il faut laisser sa situation physique se dégrader encore un peu plus. Sa santé vaut moins que les millions, les milliards dépensés pour les guerres, notamment pour les bombes lâchées sur la Syrie. Sa santé passe aussi après les privilèges de certains, eux qui ont les moyens de se faire soigner dans des cliniques privées de haut standing. A force y pousse à nou dann la descente, la shalèr y fini par monter, alorss y fo pa y prend domoun la Réunion pou dé moins ke rien.


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