Le Snui commente les choix fiscaux du gouvernement ...

... « hasardeux économiquement et injustes socialement »

6 septembre 2007

Pourquoi la TVA sociale est-elle « une très mauvaise idée » ? Quels sont les enjeux liés à l’instauration annoncée d’un impôt minimum ? La section Réunion du Syndicat national unifié des Impôts (Snui) et l’union syndicale Solidaires interrogent et apportent des éléments de réponse. Là encore, la « politique marketing » du gouvernement, ses « effets d’annonce » sont dénoncés.

Pascal Valiamin, Secrétaire du Snui-Réunion, et Jean-Claude Bénard, Délégué général de Solidaires, démontent un à un les arguments avancés par le gouvernement en faveur de l’instauration d’une TVA sociale, des arguments qu’ils qualifient d’« infondés ».

« Pure démagogie », « propagande patronale »

TVA sociale ou anti-délocalisation, dans les deux cas, le projet ne justifie pas l’appellation. « Ce n’est pas une réponse aux délocalisations, défend Pascal Valiamin. Ce n’est pas la baisse des cotisations patronales qui va permettre de concurrencer le coût du travail en Chine ou dans les pays d’Europe de l’Est. C’est de la pure démagogie et de la propagande patronale ». Et d’ajouter que le principe même du projet va à l’encontre des dispositions européennes, car il « favorise le dumping social et fiscal » plutôt que l’harmonisation des politiques économiques défendue par l’Europe. La TVA sociale ne sera pas non plus, comme avancé, favorable à l’emploi, mais par contre, risque d’avoir un impact certain sur le pouvoir d’achat des consommateurs, affectant en premier lieu les plus démunis qui « consacrent une plus grande partie de leur budget à des biens de consommation courante », biens soumis à une pression concurrentielle plus forte. Comme nombre d’observateurs éclairés, le Snui voit plutôt dans cette mesure « une aubaine pour les patrons qui vont augmenter leur marge », plutôt que de reporter l’avantage compétitif induit par la surtaxe des produits importés. Prétendre enfin qu’une partie du produit de la TVA sociale servira au financement de la Sécurité sociale n’est pas crédible, car pour le Snui, « si on baisse les cotisations, ce n’est évidemment pas pour les augmenter dans les années à venir ». « Ça marchera sur une année, mais après, l’équation est impossible, soutient Pascal Valiamin. A moins que l’idée du gouvernement soit de soutenir le développement des assurances complémentaires privées ? ». Une hypothèse plus probable qui va un peu plus creuser les inégalités dans l’accès aux soins. « Pour le Snui, la TVA sociale est une mauvaise idée, une catastrophe sur le plan social qui n’aura pas les impacts économiques imaginés, soutient encore son secrétaire local. Le paquet fiscal est un gros cadeau pour les entreprises, et la TVA sociale est le moyen de récupérer cet argent en moins dans les caisses de l’Etat ». Le syndicat des Impôts dénonce certes, mais aussi propose : un financement solidaire de la Sécurité sociale passant par une autre répartition des revenus, l’augmentation des cotisations employeurs, la taxation des revenus financiers non investis et une harmonisation fiscale en Europe, notamment de la fiscalité sur le capital. Il s’agit là de poser un évitable choix de société !

Trop de niches fiscales tue l’impôt

Vient ensuite la question de l’impôt minimum, mesure dernièrement avancée par le gouvernement (dont il faut encore attendre les modalités techniques d’application) visant à éviter que l’impôt, après avoir été plafonné avec le bouclier fiscal, ne puisse être trop réduit du fait des niches fiscales. Des niches qui sont aujourd’hui en France au nombre de 185 et qui coûtent à l’Etat 32 milliards d’euros pour 2007, alors que le produit de l’impôt sur le revenu attendu pour cette année est de 57 milliards d’euros ! Comme notifié dans le 21ème rapport du Conseil des Impôts, le Snui estime lui aussi que ces niches sont trop nombreuses, pour une efficacité limitée, qu’elles remettent en cause le caractère redistributif de l’impôt, car elles ne bénéficient qu’aux plus hauts revenus. Plutôt que d’instaurer une nouvelle mesure fiscale qui ne servira qu’à complexifier et rendre un peu plus illisibles les dispositifs de l’impôt sur le revenu, il conviendrait davantage pour le Snui de déblayer toutes ces exonérations, pour revenir à un système de taxation plus juste, capable de réduire les inégalités et non de les creuser. Car si ce nouvel impôt minimum se présente, comme pressenti, sous la forme d’un pourcentage imposable évalué selon les foyers fiscaux, les classes moyennes risquent d’être pénalisées par ce qui s’apparenterait à un “impôt plancher”. Jean-Claude Bénard souligne qu’un foyer fiscal déclarant 100.000 euros et qui en reverse 12.000 ne payerait plus rien après avalanche d’exonérations, alors qu’un autre déclarant 35.000 euros et qui ne bénéficiera pas des niches fiscales payera toujours 293 euros ! Après une régression profonde de l’imposition progressive des revenus, le Snui estime que « ce petit pas en avant, après plusieurs bonds en arrière, ne masquera pas les enjeux fiscaux du moment : le besoin d’harmonisation fiscale européenne, le nécessaire renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, la réforme de la fiscalité directe et celle des impôts locaux ».

Stéphanie Longeras

Le Snui-Réunion est en ligne : www.snui.fr/reunion/


An plis ke sa

« Ici, on fabrique un pays de locataires »

Le gouvernement veut que les Français deviennent propriétaires, mais comme le souligne Jean-Claude Bénard, « ici, on fabrique un pays de locataires ». Il constate que 80% des sociétés immobilières installées à La Réunion ont leur siège en Métropole et que n’importe quel gros capital de l’hexagone qui veut limiter son niveau d’imposition n’a plus qu’à investir à La Réunion, où la défiscalisation satisfait bien des revenus élevés.

Qui payent les impôts à La Réunion ?

Selon les chiffres 2006, le produit de l’impôt sur le revenu s’élève à 211 millions d’euros pour 400.000 déclarants, la TVA à 250 millions d’euros pour 33.000 redevables, l’ISF à 11 millions d’euros et les impôts locaux à 525 millions d’euros. Alors, qui payent les impôts à La Réunion ? La population et les consommateurs.

Fusion Trésor public-Impôt ou le maillage des recettes et des dépenses

Nicolas Sarkozy, soutenu en ce sens par le Médéf, souhaite la fusion des deux administrations, aux règles et méthodes de travail pourtant bien distinctes. « C’est un leurre, car qui dit fusion dit suppression d’emplois, donc moins de services publics pour les usagers », soutient Pascal Valiamin. Des suppressions déjà amorcées depuis 4 ans et qui devraient s’élever à -2.000 emplois pour 2007 au sein du Ministère des Finances. Le Snui dénonce à nouveau la détérioration des conditions de travail des agents, et en raison du manque d’effectif, une plus grande porte ouverte aux fraudes fiscales estimées à 50 milliards d’euros. « Les salariés sont cernés, mais les entreprises peuvent rester incontrôlées pendant 30 ans », relève Jean-Claude Bénard.

SL


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