Les Papillons d’Emmaüs poursuivent leur envol

« Il faut que ça continue »

24 janvier 2007

Hier, les salariés d’Emmaüs étaient à pied d’oeuvre comme chaque mardi pour préparer l’ouverture de la boutique aujourd’hui. L’Abbé Pierre est au coeur des pensées de chacun mais c’est avant tout, au-delà de l’émotion, son message de solidarité et la force de son combat qui donnent l’énergie pour continuer son action en faveur des plus démunis, ces autres nous que l’on ne veut pas voir.

Comme chaque mercredi et samedi, le parking de la trop petite structure implantée depuis 1996 dans un hangar réaménagé de la ZAC Foucherolles sera envahi par les donations et les acheteurs. Du côté de la friperie et de l’ameublement, pas de temps à perdre : assurément, les gens dans le besoin seront au rendez-vous.

«  On affronte l’événement  »

« On est dans notre quotidien et en même temps on affronte l’événement », confie Bernard Grondin, responsable des Papillons d’Emmaüs. Le petit livre d’or posé à l’entrée contient déjà plusieurs messages de sympathie. « C’est un moyen pour chacun de dire ce qu’il pense, de témoigner de sa douleur, de son bonheur... de partager son ressenti. » Des dizaines de livres d’or sont ouverts au public en métropole et les internautes peuvent aussi s’exprimer sur le site de la Fondation. « C’est important pour nous, confie encore Bernard Grondin. C’est notre père fondateur ! » Certes l’Abbé portait son âge, il était malade, mais malgré cette évidence d’un départ prochain, la douleur reste entière. « Que dire de plus, c’est une grande tristesse. On perd un homme proche de notre action au quotidien, un grand homme pour l’Humanité. Néanmoins, il ne faut pas que son action s’arrête, c’était sa volonté. L’Abbé a préparé son départ et à dit à tous les compagnons : « Il faut que ça continue ». Il a toujours été là pour donner son avis, répondre aux sollicitations, mais il a fait en sorte que le mouvement Emmaüs soit organisé par lui-même. A nous de faire en sorte qu’il soit à la hauteur de ses attentes. » Et dans le contexte socio-économique actuel, il y a de fortes malchances pour que notre société continue à dénombrer quantité de nécessiteux, de ceux qui ne peuvent pourvoir à leurs besoins vitaux, si ce n’est grâce à des réseaux parallèles comme Emmaüs.

«  Victime d’une avancée : la société de consommation  »

Sans aucune opération de communication, les Papillons d’Emmaüs sont aujourd’hui “victimes de leur succès”, au même titre que les Restos du Coeur d’ailleurs dont Coluche pensait qu’ils seraient une alternative provisoire sonnant le réveil des autorités sur la situation de détresse des plus miséreux. « On succombe sous le nombre de donations, explique Bernard Grondin. Mais c’est surtout l’espace qui est problématique. Si l’on avait plus de place, on pourrait stocker davantage de marchandises et créer plus de travail. » Les Papillons qui comptent actuellement 16 salariés auraient besoin au minimum de 4 postes supplémentaires pour assurer l’année 2007. « On est victime d’une avancée : la société de consommation. On intercepte ce que certains considèrent comme le rebut pour le mettre à disposition de ceux qui sont en situation de manque et de souffrance. Nous sommes situés à la marge, là où une population nantie a les moyens de se prendre en charge financièrement, matériellement, affectivement et ou d’autres sont en attente de solution pour pouvoir évoluer. » Mais la ligne n’est pas aussi tranchée, définitivement établie. Pour Bernard Grondin, un petit problème mal géré peut se fondre en problématique profonde qui fait basculer notre vie. « Cette descente aux enfers n’est pas réservée aux pauvres. » C’est pourquoi Emmaüs, sans distinguo de race ou de genre, de classe sociale ou d’appartenance religieuse... s’attache et s’attachera encore à être, comme l’était l’Abbé, réceptif à la souffrance de l’autre, à sa situation de difficulté. Écouter c’est aimer. Donner c’est recevoir.

Stéphanie Longeras


Témoignage

Nadège, secrétaire comptable des Papillons d’Emmaüs

«  L’Abbé, lui, n’avait pas peur...  »

Bénévole des Papillons d’Emmaüs dès leur création en 1996, Nadège obtient en 1999 un poste de secrétaire comptable en CEC durant lequel elle prépare un BTS. “Doyenne” de la structure, c’est une femme convaincue, épanouie dans son travail et son engagement qui parle avec émotion, vérité et admiration de l’Abbé Pierre, un homme qui a marqué sa vie à jamais.
« Lutter contre la misère nous donne déjà les moyens de lutter pour le futur, explique Nadège. Même si elle est très souvent cachée, dans les familles par exemple, il y a beaucoup de misère dans notre société. Alors si l’on peut aider les autres, c’est vraiment un bonheur. » En 1998 et 2001, Nadège a eu « le privilège » de rencontrer l’Abbé Pierre qui lui a dédicacé un livre aujourd’hui précisément conservé. « À chaque fois qu’il est venu, il nous a apporté de l’énergie, amené un peu d’espoir et de foi. C’est quelqu’un qui a mené un vrai combat humain contre l’injustice. Je suis fière aujourd’hui du travail que je fais ; ce ne serait pas pareil si j’étais assise derrière un bureau. Là, je vais toujours vers l’autre (...) L’Abbé Pierre, lui, n’avait pas peur, pas peur de foncer, d’aller jusqu’au bout. C’est ce que je retiens de lui et qui me donne de la force. C’est quelqu’un qui a marqué l’Histoire et ce n’était pas un homme politique mais un petit qui est arrivé à se faire entendre. L’annonce de son décès, même si nous étions tous conscients de son âge, m’a profondément attristée. Mais j’ai aussi ressenti au fond de mon coeur cette volonté de continuer le combat comme s’il était toujours là. Et au contraire, serrons-nous les coudes pour pouvoir lutter contre cette misère, cette injustice au niveau national et international ! Il faut toujours tendre une main au plus faible car si moi j’ai pu m’en sortir, si vous vous avez pu vous en sortir, pourquoi celui qui est par terre n’aurait pas sa chance ? Il faut lui donner la main. Même si l’on ne peut pas tout faire, le peu qu’on fera sera déjà important. On peut refaire le monde. »

S. L.


Hommage à la cathédrale

Emmaüs, la Fondation Abbé Pierre, l’Eglise catholique à La Réunion vous invitent à participer à l’hommage solennel qui sera rendu à l’Abbé Pierre au cours d’une messe, à la cathédrale de Saint-Denis :
le vendredi 26 janvier, à 18h.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus