Quel avenir social et professionnel pour la jeunesse ?

Il n’y a pas de fatalité

13 avril 2006

L’association Agir contre le chômage, présidée par Jean-Paul Técher, organisait durant toute la journée d’hier un débat sur la place de la jeunesse dans notre société, ses perspectives d’avenir. Entre petits boulots mal payés, difficulté de logement, études sans emploi au bout : quelles solutions ? Quelles propositions pour sortir de l’impasse ?

Même si le taux de participation n’a pas répondu aux attentes (retrait du CPE, route du littoral), le débat qui réunissait une trentaine de personnes - étudiants, chômeurs, 2 élues et 1 chef d’entreprise - a été très intéressant. Il s’en est dégagé une réelle volonté de s’exprimer librement sur cette question majeure de notre société. Synthèse des échanges.

Chômage : maladie contagieuse

En l’espace d’une génération, la société française est passé du plein emploi au chômage de masse.
Un chômage qui n’est en rien, comme on le laisse entendre, une maladie contagieuse qui n’atteint que les personnes vulnérables, une maladie sans remède, ni vaccin. Pourquoi s’évertuer à manipuler les chiffres pour faire croire à une baisse du nombre de demandeurs d’emploi, plutôt que d’agir activement dans ce sens ? On annonçait l’Europe comme une promesse de prospérité et d’emplois, mais dans les faits, elle n’offre que pauvreté et paupérisation. La mobilité est une solution pour la jeunesse réunionnaise mais pas la solution. Ce n’est pas la production de richesses qui est en panne mais sa répartition. Utopie ou volonté de s’en sortir ? Cependant, hier, on pensait qu’une réforme bien conduite, basée sur l’écoute, peut transformer et les mentalités et le système.

Le CPE de la peur

D’accord pour dire que le marché de l’emploi a muté, que l’on ne peut plus exercer le même emploi à vie. Mais pour assurer la reconversion des travailleurs, leur permettre de s’adapter constamment aux attentes du marché, il faudrait au moins sécuriser les parcours professionnels, proposer des formations rémunérées pour pallier cette déconnection brutale du système. Les jeunes diplômés se sentent armés intellectuellement, mais leurs bagages, leur parcours fait de rigueur, de recherches et souvent même de petits boulots pour poursuivre leurs études ne répondent pas aux attentes des chefs d’entreprise qui veulent des personnes flexibles jusqu’à contorsion, manipulables à souhait. Peut-être est-ce les entreprises qui, dépassées par la mondialisation, n’arrivent à se projeter sur le marché, à anticiper leurs besoins et leurs attentes en termes de travailleurs. À moins que la main-d’œuvre étrangère soit plus intéressante... En tous cas, les mobilisations étudiantes autour du CPE expriment clairement le malaise, l’inquiétude, l’angoisse de cette jeunesse qui n’a jamais eu une vision plus brouillée de son avenir qu’aujourd’hui. Quel intérêt de poursuivre ses études pour un SMIC à la clé ?

Changer de méthodes

Le parcours pour accéder à un logement est tout aussi périlleux. Entre les traitements de faveurs et les maires qui préfèrent payer des pénalités plutôt que de bâtir des logements sociaux dans leur commune... le droit au logement est une promesse sans fond. Pourtant, c’est une prérogative déterminante pour l’insertion professionnelle et sociale. Il faudrait pouvoir réquisitionner les logements vacants, avoir recours à la justice lorsque ce droit n’est pas honoré. Mais l’on en vient à l’augmentation de la location, comme celle du coût de la vie, alors que parallèlement, les ressources sont sans cesse amputées. On veut baisser le coût du travail pour embaucher plus, mais les aides aux entreprises, plutôt que de créer de l’emploi, génèrent encore plus de précarité. Il faut demander des comptes. Partant, du bon sens populaire, si l’on augmente les revenus, on augmente le pouvoir d’achat et l’on crée ainsi des richesses pour l’emploi. Pourquoi alors cet entêtement à vouloir appliquer des mesures qui n’ont pas l’effet attendu, à employer des méthodes inefficaces ?

Crise morale et intellectuelle

Hier, on refusait d’accepter cette fatalité affichée d’accepter que l’on a tout essayé pour endiguer le chômage, d’accepter de concevoir que notre société serait trop cloisonnée pour ne pas oser le changement. Ce n’est pas seulement une crise économique qui touche la France, mais bien une crise morale et intellectuelle. Il est à regretter l’absence des élus pourtant conviés à participer aux échanges. Ceux-là même qui seront certainement très intéressés de toutes ces idées au moment des élections imminentes, au moment ou les assemblées de participants seront suffisamment conséquentes pour influer sur le résultat des urnes.

Estéfani


Yannick Payet, trésorier de l’UNEF

Réfléchir à l’avenir des jeunes avec les jeunes

Yannick Payet a apprécié l’initiative de l’association Agir contre le chômage, qui permet un débat ouvert, une parole libre. Car l’expérience CPE doit, selon lui, conduire les étudiants à rester vigilants. "Nous souhaitons pouvoir nous impliquer dans les échanges, nous inviter aux débats pour avancer". L’UNEF a des propositions à formuler. "Depuis longtemps, nous demandons la mise en place d’un véritable statut social pour les étudiants, d’un système de rémunération qui nous permettrait de financer nos études". Yannick Payet déplore en effet que la situation des étudiants totalement coupés de leur famille ne soit pas prise en compte. "Lorsque l’on a plus de contact avec nos parents, on nous demande de leur faire rédiger un courrier pour le confirmer. C’est ridicule, il suffit de constater sur le terrain".
Dans les faits, beaucoup d’étudiants que l’on croit coupés de la réalité professionnelle, sont en fait obligés d’exercer de petits boulots, mal payés, avec des horaires incompatibles avec un suivi correct de leur cursus. Ils sont la proie du marché. Cela vaut également pour les stages qui, "tant qu’ils ne seront pas rémunérés, seront privilégiés par les employeurs, alors que les stagiaires engagent des dépenses sans contrepartie".
Et à la fin de leurs études, leurs maigres finances ne leur permettent pas de prendre le temps d’engager une recherche professionnelle ou de parfaire leurs compétences par une formation. "Il faut prendre n’importe quel emploi, et lorsqu’un Bac +5 exerce le travail de quelqu’un qui n’a pas de diplôme, cela pose problèmes pour les 2 parties", explique Yannick Payet. "Un étudiant ne peut pas remplir toutes les caractéristiques souhaitées par l’entreprise. Il amène ses compétences, puis c’est aussi à elle de le former. Les jeunes n’ont qu’une seule envie : travailler".

Estéfani


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