La grande pauvreté se concentre dans l’Ouest et le Sud

Jusqu’à 67% des habitants d’un quartier sans travail

15 octobre 2013

L’étude réalisée par l’INSEE en partenariat avec le Conseil général révèle que des quartiers sont totalement sinistrés par le chômage, avec les deux tiers de la population sans emploi.

Voici la carte des pauvres à La Réunion. Plus la couleur est foncée, plus la pauvreté est grande. À noter qu’à Saint-Joseph, tous les quartiers ont un taux de demandeur d’emploi moyen supérieur à 50%.

Le mois dernier, la publication d’une étude de l’INSEE et du Conseil général sur la pauvreté avait été un coup de tonnerre : 343.000 Réunionnais sous le seuil de pauvreté dont plus de 100.000 enfants, et toutes les conséquences que cela entraine. Cette grande précarité est la conséquence du chômage de masse. La pénurie d’emploi sévit à La Réunion depuis des décennies, lorsqu’a commencé la réforme structurelle de la filière canne. Elle atteint aujourd’hui des sommets, avec plus de 165.000 demandeurs d’emploi.

Hier, les deux partenaires ont dévoilé une autre étude. Elle vise à déterminer comment se répartit la pauvreté. Elle a donc découpé l’île non pas en 24 communes, mais en 114 quartiers de population égale sur la base du recensement de 2009.

Force est de constater qu’à La Réunion, les pauvres sont dans toutes les communes. Ne subsistent que quelques poches de richesse relative sur le littoral de Saint-Paul à Saint-Gilles et à La Saline, dans le centre historique de Saint-Denis, à La Bretagne, à Sainte-Marie et à Sainte-Thérèse et Pichette, quartiers de La Possession. Richesse relative, car à l’intérieur de ces quartiers peuplés par une plus forte proportion de cadres, les indicateurs sociaux sont tout juste comparable à la moyenne de la France : 7% d’allocataires du RSA, 7% bénéficiaires de l’APA, mais déjà 22,7% de demandeurs d’emploi, contre 35,8% de moyenne réunionnaise, et 41,3% de population sans emploi.

Partout ailleurs, la situation est beaucoup plus grave, sans commune mesure avec ce qui peut exister dans un pays comme la France.

À La Réunion, il existe des quartiers où le taux de demandeurs d’emploi dépasse 51% (Saint-Joseph, Saint-Philippe, Cilaos et les Hauts de Saint-Leu notamment), le pourcentage de population sans emploi dépasse les 67% (Saline les Hauts, Grande Fontaine, ZAC du Port, Saint-Louis Sud, Basse-Terre ou Bois d’Olives à Saint-Pierre par exemple).

Dans ces quartiers, 40% des familles n’ont qu’un seul parent, plus de la moitié des enfants ont leurs parents qui sont au chômage. «  Ce sont pourtant des territoires proches de bassins d’emploi (Le Port, Saint-Benoît, Saint-Pierre), mais ceux qui travaillent dans les communes offrant beaucoup d’emplois n’y habitent pas toujours. Ils vivent dans des quartiers plus résidentiels à proximité (La Possession pour Le Port, La Plaine-des-Palmistes pour Saint-Benoît, etc.) », note l’INSEE, ce qui signifie que quartiers pauvres et quartiers relativement plus riches se côtoient.

Dans les grandes communes, Saint-Paul apparaît indiscutablement comme la ville la plus touchée par ces inégalités. Entre un littoral balnéaire où se concentrent les richesses et des quartiers parmi les plus pauvres de l’île comme à Barrage ou à Grande-Fontaine, presque tous les secteurs sont de couleur rose, ce qui signifie que 59% de la population est sans travail, avec un taux de demandeur d’emploi de 36,8%.

L’étude de l’INSEE et du Conseil général apporte un nouvel éclairage sur la réalité quotidienne vécue par la population. Cette réalité est l’élément capital du débat politique.

M.M.

Le message d’alerte du Conseil général

 

Ce lundi 14 octobre, Nassimah Dindar, la Présidente du Conseil général, accompagnée de Valérie Roux, Directrice régionale de l’INSEE, a présenté l’étude commandée par la Collectivité sur la précarité à La Réunion.

 

« Il était essentiel pour les élus du Conseil Général d’avoir des chiffres officiels de la situation locale. Les services de la Collectivité travaillent au quotidien pour les Réunionnais et auprès des Réunionnais. Nous connaissons ces chiffres. Toutefois, cette étude, avec les éléments de différents partenaires comme l’INSEE, Pôle Emploi…, vient affirmer, légitimer ce que nous martelons depuis plusieurs années : attention alerte. On ne peut pas continuer à dire que la précarité ne relève que du Conseil général. D’autres facteurs entrent en ligne de compte » a souligné Nassimah Dindar.

 
La Présidente du Conseil général réitère son cri d’alarme quant à l’inquiétude que représente la charge financière des engagements de la Collectivité pour les plus fragiles des Réunionnais.



La Présidente du Conseil général réitère son cri d’alarme quant à l’inquiétude que représente la charge financière des engagements de la Collectivité pour les plus fragiles des Réunionnais. Dans le contexte budgétaire actuel, l’absence de transferts et de compensations de la part de l’Etat devient insupportable et pose à très court terme de sérieuses inquiétudes quant à la paix sociale : précarité, vulnérabilité, les ingrédients d’un malaise social et d’une violence contenue qui peut s’exprimer à tout instant.

C’est pourquoi cette étude est essentielle pour la Collectivité. Elle va permettre d’encore mieux cibler ses interventions et de mettre en œuvre plus finement ses politiques publiques par exemple en implantant une nouvelle Académie des Dalons, en intervenant dans l’amélioration de l’habitat, en accompagnant les agriculteurs des Hauts, etc.

Le communiqué de l’INSEE

« La Réunion fait face à une très forte précarité monétaire, qui varie principalement en fonction des difficultés d’accès à l’emploi. Les fragilités sociales ne sont pas homogènes sur l’ensemble du territoire. Cette diversité est représentée à travers la cartographie de 114 grands quartiers classés des plus précaires aux plus aisés.

Les 114 grands quartiers de l’île sont très différents : certains quartiers sont très défavorisés et concentrent les difficultés, d’autres plus aisés nécessitent moins d’aide. Il y a par exemple de 5% à 28% d’allocataires du RSA, ou de 17% à 63% de demandeurs d’emploi selon les quartiers.

La géographie de la précarité est liée à l’emploi

La précarité monétaire est le principal facteur qui distingue les quartiers. Sa géographie est très liée à celle de l’emploi. La précarité monétaire est mesurée par la part des bénéficiaires du RSA et de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), ainsi que par la part des ménages dont les revenus dépendent totalement des prestations sociales. Les quartiers les plus aisés sont ceux où les habitants sont le plus souvent en emploi. Les quartiers se distinguent aussi par leur vulnérabilité, observée au travers de la composition familiale, du niveau de diplôme ou des caractéristiques de l’habitat.

L’analyse des indicateurs sociaux permet de classer les 114 grands quartiers de La Réunion en six groupes, du plus précaire au plus aisé. Les trois groupes de quartiers les plus défavorisés (groupes 1 à 3) abritent 441.000 personnes, soit plus de la moitié des Réunionnais.

Groupe 1 : Quartiers plus jeunes qui cumulent les difficultés : 71.000 habitants (9% de la population)

Leurs habitants vivent dans les quartiers où se concentrent les indicateurs de précarité les plus élevés. Seulement 33% de la population en âge de travailler est en emploi, 23% de la population est allocataire du RSA et 48% est couverte par la CMU-C. Les familles nombreuses ou monoparentales y sont très présentes et les jeunes sont plus qu’ailleurs en situation de vulnérabilité : 55% des 16-24 ans non scolarisés n’ont pas de diplôme.

Groupe 2 : Quartiers de propriétaires pauvres et ruraux : 63.000 habitants (8%)

Ce sont des quartiers ruraux et isolés, principalement au Sud. Avec 18% d’allocataires du RSA et 42% de personnes couvertes par la CMU-C, le recours aux prestations sociales reste important. La part de demandeurs d’emploi y est très forte (51%). Ces quartiers se caractérisent également par de nombreux propriétaires de leur logement (68%).

Groupe 3 : Quartiers pauvres et moins enclavés : 307.000 habitants (38%)

Plus du tiers des Réunionnais vivent dans ces quartiers en centres-villes ou à proximité. L’accès à l’emploi se rapproche de la moyenne départementale, mais reste inférieur : 41% des 15-64 ans ont un emploi. L’habitat collectif est répandu et la suroccupation des logements assez fréquente (21%).

Groupe 4 : Quartiers mixtes dans la moyenne départementale : 165.000 habitants (20%)

En périphérie des centres urbains ou petites communes proches des bassins d’emploi, les habitants de ces quartiers ont un profil très proche de la moyenne réunionnaise en matière de précarité : 44% des 15-64 sont en emploi et 15% sont allocataires du RSA.

Groupe 5 : Nouveaux quartiers résidentiels : 148.000 habitants (18%)

Ces nouveaux quartiers résidentiels se développent en périphérie des principaux bassins d’emplois. Leurs habitants sont plus souvent en emploi (51% des 15-64 ans). Les jeunes y sont plus diplômés et mieux insérés.

Groupe 6 : Quartiers plus aisés : 62.000 habitants (8%)

Ces quartiers sont les plus aisés : ils profitent à la fois de la proximité des bassins d’emplois et d’un cadre de vie attractif. Le taux d’emploi y est le plus élevé des six groupes (59%). Cependant, une part importante de la population demeure vulnérable : le taux d’allocataires du RSA y reste deux fois supérieur à la moyenne nationale.
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