Hausse du chômage à La Réunion

L’aggravation de la pénurie d’emplois souligne l’urgence d’agir

23 mai 2007

Le mois de mars s’est terminé par une hausse du nombre de Réunionnais privés d’emploi à la recherche d’un CDI à temps complet. Cela souligne l’ampleur de la pénurie d’emplois à La Réunion, amplifie encore davantage le défi auquel La Réunion est confrontée, et exprime l’urgence de mettre en œuvre des mesures pour qu’enfin soit respecté le droit de tous les Réunionnais à un travail digne et décemment rémunéré.

Dans son dernier numéro, le Bulletin Régional Emploi Travail (BRET) de la Direction du Travail signale une hausse du nombre de travailleurs privés d’emploi pour le mois de mars. Entre février et mars, le nombre de chômeurs inscrits en catégorie 1 (1) a augmenté de 2,3%. C’est cette dernière catégorie qui est prise en compte pour les statistiques officielles du chômage. Il est à noter que sur la même période en France, le nombre de travailleurs sans emploi classés dans la catégorie 1 a diminué de 1,4%.
En glissement annuel, la tendance est à la baisse dans la catégorie 1 : -6,3% entre mars 2006 et mars 2007. Baisse également du nombre de travailleurs inscrits dans les catégories 2 et 3, c’est-à-dire celles dans lesquelles sont répertoriés les travailleurs immédiatement disponibles respectivement à la recherche d’un CDI à temps partiel, ou d’un CDD.
Par contre, le nombre de travailleurs inscrits à l’ANPE et relevant des catégories 7 (2) et 8 (3) sont en hausse sur les douze derniers mois.
Globalement, le nombre de personnes inscrites à l’ANPE et prises en compte dans les statistiques publiées est en baisse de 6,6% sur un an. Mais officiellement, le nombre de Réunionnais à la recherche d’un emploi est tout de même de 90.820, alors que six mois plus tôt, la population active occupée au sens des données de l’INSEE est de 229.263. Quant à l’effectif salarié dénombré par l’ASSEDIC au 31 décembre 2005, il était de 124.127.
Ces trois chiffres soulignent un intolérable et massif taux de chômage au sein de la population des travailleurs réunionnais.

Baromètre en hausse

Autre point : le nombre des offres d’emplois enregistrées par l’ANPE pour le premier trimestre 2007 est en forte diminution par rapport au premier trimestre 2006. La baisse est de 16,8%. Et le facteur le plus inquiétant concerne les propositions d’« emplois durables » (4). Ces dernières plongent de 24%. Et elles ne constituent qu’à peine la moitié des offres enregistrées à l’ANPE depuis le début de l’année. La catégorie des offres d’emplois « temporaires » (contrats de un à six mois) est aussi en chute de près de 10%. Seules les offres d’emploi « occasionnel » sont en hausse. Or, cette catégorie regroupe les contrats d’une durée inférieure à un mois.
Jusqu’à mars dernier, le nombre de travailleurs privés d’emploi relevant de la catégorie 1 était en baisse constante. Sachant que c’est à partir du nombre de personnes inscrites dans cette catégorie que les services de l’État calculent le taux de chômage officiel, la baisse du nombre de demandeurs d’emploi dans cette catégorie signifie baisse du chômage selon les critères retenus par l’État. Autrement dit, même si le nombre total de travailleurs à la recherche d’un emploi augmente, le chômage "officiel" est en baisse si le nombre de demandeur d’emploi à la recherche d’un CDI à temps complet diminue. Ce qui explique pourquoi la catégorie 1 est un baromètre surveillé attentivement. Et chaque baisse est accueillie comme une victoire par les différents gouvernements qui se succèdent depuis des décennies à Paris. Et en mars dernier, comme tous les autres mois, plusieurs dispositifs ont permis la sortie de milliers de travailleurs de ces statistiques officielles. Mais cela n’a pas suffi à enrayer la hausse.

Situation spécifique, réponse réunionnaise

En effet, au mois de mars, 6.778 travailleurs ont quitté la catégorie 1. Parmi eux, seuls 18,5% ont repris un emploi, et 6,8% sont partis en formation. L’absence au contrôle pour 50,2% et les radiations administratives (11,5%) sont deux facteurs essentiels qui expliquent les sorties de cette catégorie. Ce qui veut dire que sur 6.778 sorties, près de 4.200 sont dues à des raisons qui n’ont rien à voir avec le retour à l’emploi. Malgré tout cela, le nombre de personnes inscrites dans cette catégorie augmente de 2,3%. L’ANPE a dénombré en mars 7.532 nouvelles inscriptions en catégorie 1. Autrement dit, au mois de mars, plus de 7.500 Réunionnais privés de travail, à la recherche d’un emploi stable, sont venus frapper à la porte de l’ANPE. Parmi eux, 1.782 Réunionnais ont été poussés au chômage par la fin de contrat, 177 par un licenciement économique et 815 Réunionnais débutent dans la vie active par une période de privation de travail.
Comme au mois de février, la publication du Bulletin de la Direction du Travail souligne à nouveau la pénurie d’emplois à La Réunion. Mais force est de constater que malgré tous les dispositifs existants, la pénurie s’est amplifiée puisque cette fois, c’est la catégorie-baromètre, la plus visible médiatiquement, qui augmente de 2,3%. Cette hausse souligne l’importance de mettre en œuvre des mesures permettant une baisse réelle du chômage afin que la reprise d’emploi devienne le principal motif de sortie de l’ANPE. Elle précise également l’urgence : officiellement, plus de 90.000 Réunionnais sont inscrits à l’ANPE dans l’espoir de faire respecter leur droit à un travail digne. Exprimé en pourcentage de la population active, ce taux de chômage est bien plus important à La Réunion qu’en France. Si là-bas, il est officiellement de moins de 10%, il est toujours au moins trois fois plus important à La Réunion.
Au-delà de cette urgence, c’est le facteur démographique qui continuera au cours des vingt prochaines années à peser sur l’emploi. La croissance et la jeunesse de la population active réunionnaise n’a rien à voir avec ce que connaît la Métropole.
Taux de chômage et démographie décrivent une situation spécifique au sein de la République.
Tout ceci explique pourquoi la question de l’emploi à La Réunion doit occuper une place essentielle dans le débat électoral. Avec en ligne de mire la volonté de faire avancer les propositions réunionnaises pour l’emploi de la plate-forme de l’Alliance, acceptées par tous les candidats à la présidentielle.

Manuel Marchal

(1) travailleurs immédiatement disponibles, à la recherche d’un travail à temps complet et à durée indéterminée.

(2) demandeurs d’emplois non immédiatement disponible, ayant travaillé plus de 78 heures au cours du mois, à la recherche d’un emploi à durée indéterminée, à temps partiel.

(3) demandeurs d’emplois non immédiatement disponible, ayant travaillé plus de 78 heures au cours du mois, à la recherche d’un emploi à durée déterminée, temporaire ou saisonnier.

(4) Selon la Direction du Travail, les « emplois durables » regroupent les offres d’emploi sur des contrats dont la durée est supérieure à six mois.


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