Solidarité internationale en berne, selon l’OCDE

L’aide aux pays les plus pauvres sacrifiée par la politique d’austérité

9 avril 2013

L’aide au développement a reculé de 4% en valeur réelle en 2012, après avoir baissé de 2% en 2011. Dans plusieurs pays, la poursuite de la crise financière et des turbulences dans la zone euro a conduit les pouvoirs publics à donner un tour de vis budgétaire, décision qui a eu un impact direct sur l’aide versée aux pays pauvres. On observe en outre un redéploiement notable de l’aide des pays les plus pauvres vers les pays à revenu intermédiaire.

Néanmoins, selon les prévisions des dépenses à venir des donneurs du CAD, un redressement modeste des niveaux d’aide est attendu en 2013.

 Le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, s’est déclaré préoccupé par cette tendance et il s’est exprimé en ces termes : « Il est inquiétant de constater que les contraintes budgétaires des pays membres ont entraîné un deuxième mouvement consécutif de repli du montant total de l’aide, mais je me réjouis qu’en dépit de la crise, neuf pays aient tout de même réussi à accroître leurs apports d’aide. A mesure que se rapproche l’échéance de 2015 fixée pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, je forme le vœu que la tendance au redéploiement de l’aide, qui se fait au détriment des pays les plus pauvres, va s’inverser. Cette inversion de tendance est en effet primordiale pour que l’aide puisse dûment contribuer à la concrétisation des OMD ».

Loin des 0,7% promis

En 2012, les apports nets d’aide publique au développement (APD) versés par les membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE se sont chiffrés à 125,6 milliards de dollars US, ce qui représente 0,29% de leur revenu national brut (RNB) cumulé. L’APD a reculé de 4,0% en valeur réelle par rapport à 2011. 

Depuis 2010, année où elle avait atteint son niveau record, l’APD a baissé de -6,0% en valeur réelle. Si l’on fait abstraction de 2007, qui correspond à la fin des opérations exceptionnelles d’allègement de la dette, le repli observé en 2012 est le plus marqué depuis 1997. C’est aussi la première fois depuis 1996-1997 que l’aide se contracte pendant deux années successives. 


La crise financière et les turbulences dans la zone euro ont amené les gouvernements de nombreux pays à appliquer des mesures d’austérité et à amputer les budgets alloués à l’aide. Cependant, en dépit des tensions budgétaires actuelles, certains pays ont maintenu, voire accru leurs budgets consacrés à l’APD afin d’atteindre les objectifs qu’ils s’étaient fixés.



Le nouveau Président du CAD, Erik Solheim, a déclaré que le CAD continuerait à encourager ses membres à honorer leurs engagements. « Je salue l’effort des neuf membres du CAD qui ont accru leurs apports d’aide en 2012, et j’invite instamment les autres à faire de même dès que leur situation budgétaire le leur permettra », a indiqué M. Solheim, et d’ajouter : « Il n’est pas impossible de maintenir le niveau d’aide même dans le contexte budgétaire actuel. Dans son budget pour 2013-2014, le Royaume-Uni prévoit d’allouer à l’aide une enveloppe dont le montant sera porté à l’équivalent de 0,7% du revenu national, ce qui nous laisse espérer que nous parviendrons à inverser la tendance à la baisse ».



Le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède respectent 0,7%

Les donneurs les plus généreux, en volume, ont été les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et le Japon. De leur côté, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède ont à nouveau dépassé l’objectif de 0,7% du RNB fixé par les Nations unies. Neuf pays ont enregistré une hausse de leurs apports nets d’APD en termes réels, ceux dans lesquels ce mouvement a été le plus marqué étant l’Australie, l’Autriche, la Corée, l’Islande (qui a rejoint le CAD en 2013) et le Luxembourg.

Quinze pays ont observé une tendance inverse, les variations à la baisse les plus prononcées s’étant produites en Espagne, en Italie, en Grèce et au Portugal, qui ont été les pays les plus durement touchés par la crise de la zone euro.



Les pays du G7 ont contribué à hauteur de 70% au chiffre total de l’APD nette du CAD en 2012 et les pays de l’UE membres du CAD ont quant à eux été à l’origine de 51% des versements nets d’APD du CAD.
 En volume, les États-Unis se classent toujours premiers, avec des versements nets d’APD de 30,5 milliards de dollars US en 2012, en régression de -2,8% en valeur réelle par rapport à 2011.
0,19% au lieu de 0,70% pour les États-Unis

Le rapport APD/RNB des États-Unis est ainsi passé de 0,20% en 2011 à 0,19% en 2012. Ce fléchissement est principalement dû à une réduction du montant net des opérations bilatérales d’allègement de la dette, passé de 1,1 milliard de dollars US en 2011 à 56,3 millions de dollars US en 2012. Les contributions versées par les États-Unis à des organisations internationales ont en revanche atteint un niveau historiquement élevé de 4,9 milliards de dollars US (soit une hausse de +30,0% en termes réels par rapport à 2011).

En 2012, l’aide bilatérale consentie à l’Afrique subsaharienne par les États-Unis est tombée à 8,8 milliards de dollars US (soit une contraction de -4,5% en termes réels par rapport à 2011) ; hors allègement de la dette, elle a en revanche progressé de +7,2%.
Baisse de la contribution des Européens

L’APD émanant des quinze pays de l’UE qui sont membres du CAD s’est établie à 63,7 milliards de dollars US en 2012, chiffre en baisse de -7,4% par rapport à 2011. En pourcentage de leur RNB cumulé, leur APD a été ramenée de 0,44% en 2011 à 0,42% en 2012.

- Autriche (+6,1%) : imputable à des opérations d’allègement de la dette au profit de l’Afrique subsaharienne ;

- Belgique (-13,0%) : sous l’effet d’une réduction du budget global alloué à l’aide ;

- Danemark (-1,8%) : à cause d’une réduction des dons bilatéraux ;

- Finlande (-0,4%) ; 

- France (-1,6%) ;

- Allemagne (-0,7%) : du fait d’une réduction des contributions versées aux institutions multilatérales ;

- Grèce (-17,0%) : à cause des mesures d’austérité ;

- Irlande (-5,8%) : en raison des restrictions fiscales ayant conduit à amputer le budget alloué à l’aide ;

- Italie (-34,7%) : à cause d’une diminution de l’aide accordée aux réfugiés arrivant d’Afrique du Nord et d’une réduction des dons consentis au titre de l’allègement de la dette par rapport à 2011 ; le gouvernement italien a toutefois pris l’engagement ferme d’accroître les crédits d’APD de façon à atteindre un rapport APD/RNB de 0,15-0,16% en 2013 ;

- Luxembourg (+9,8%) : sous l’effet d’une hausse des dons bilatéraux ;

- Pays-Bas (-6,6%) : en raison d’une réduction du budget global consacré à l’aide ;

- Portugal (-13,1%) : à cause de réductions sans précédent des apports d’aide consécutives à la crise financière ;

- Espagne (-49,7%) : à cause de la crise financière ;

- Suède (-3,4%) : en raison d’une diminution de souscriptions au capital aux organisations internationales, bien que les montants versés à ces organisations aient augmenté ; 

- Royaume-Uni (-2,2%) : dû au fait que des engagements budgétaires fermes ont été pris pour garantir des dépenses d’APD équivalant, en volume, à 0,56% du RNB en 2012 et 0,7% du RNB à compter de 2013.

En 2012, le montant total de l’APD nette cumulée versée par les 27 États membres de l’UE s’est chiffré à 64,9 milliards US, soit 0,39% de leur RNB cumulé. Les apports nets versés par des institutions de l’UE à des pays en développement et des organisations multilatérales sont ressortis à 17,6 milliards USD, soit une progression de +8,0% par rapport à 2011, due pour l’essentiel à une augmentation des prêts. 
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