Mutualité étudiante : Solidarité territoriale

L’autre économie d’une jeunesse solidaire

14 février 2008

Qu’est-ce qui fait la force du secteur de la Mutualité et de l’Économie solidaire et sociale, dans le contexte actuel d’un libéralisme de plus en plus incontrôlé, y compris par ceux qui s’en réclament ? C’était le thème de la conférence organisée par l’Université à l’occasion de la venue dans l’île de deux responsables nationaux de la principale Mutuelle étudiante (LMDE).

Les représentants des différents secteurs d’activités de l’Economie Sociale réunionnaise, et les deux cadres de la MDE - Damien Berthilier, Président, et Fabrice Chambon, Secrétaire général - ont été accueillis par Laurent Sermet, Vice-président en charge des Relations internationales et représentant le Président de l’Université, Serge Svizzero.
Le secteur de l’économie sociale est un secteur en devenir qui offre un visage aux facettes nombreuses : coopératives, mutuelles, banques populaires, associations, fondations, entreprises à statut juridique classique peuvent s’y rattacher. « L’économie sociale est une éthique plus qu’un statut aujourd’hui », a constaté Théodore Hoarau, l’un des fondateurs de la Mutualité réunionnaise. Au-delà de statuts juridiques variés, c’est le fait de fonder son activité sur des solidarités contractuelles et partenariales, qui fonde ce secteur bien vivant et multiforme, quoique encore difficile à appréhender par les chiffres, comme l’a souligné Frédéric Annette, chargé de mission pour le CRES Réunion.

Deux “familles” de mutuelles

La Mutualité réunionnaise, créée environ 75 ans après la Mutualité de France, est d’un appui précieux à la mutualité étudiante, représentée à 80% dans la MDE. Le secteur de la Banque populaire aussi, représenté mardi par deux cadres, Valérie de Peindray et Denis Martino, propose des formes de partenariat avec le monde étudiant (accès à l’emprunt, aide au premier emploi...), et plus largement avec des “clientèles fragilisées” (chômeurs, familles en recherche d’un logement social...). Ce secteur bancaire est également tourné vers les entreprises ou les associations, sous contrats partenariaux, du type de ceux passés avec l’ADI (Agence Départementale d’Insertion) et avec Réunion-Entreprendre, pour faciliter l’accès au micro-crédit à des chômeurs, érémistes, travailleurs indépendants ou même des salariés en situation précaire.
Quant à la Mutualité - qui, il y a 30 ans encore, se composait ici d’une vingtaine de Mutuelles pour fonctionnaires et assimilés -, elle est forte aujourd’hui d’une soixantaine de groupements. Mais Théodore Hoarau s’est efforcé de faire comprendre qu’ils n’avaient pas tous la même philosophie, la même démarche : il fait la distinction entre les mutuelles assurances régies par le régime des assurances (1930) et les mutuelles régies par un système de Santé et Prévoyance (1945). Et aussitôt après, il est amené à reconnaître que dans la situation présente, elles sont toutes deux sous la pression des adaptations aux directives européennes, symbolisées par un Commissaire européen (Marché intérieur) qui déclarait, il y a quelques mois, qu’il ne reconnaissait « que les sociétés par actions ». Autant dire que la finalité sociale des Mutuelles ne fait pas partie des visées des dirigeants européens actuels.
Pour ne rien simplifier, le même code des Assurances s’applique aux deux “familles” de mutuelles, qui ont aussi la même autorité de contrôle.
Et comme l’habit ne fait pas le moine, « certains se drapent des habits de la Mutualité pour faire des affaires personnelles », a ajouté Théodore Hoarau. Dans un contexte où il peut être quelquefois difficile de départager les deux familles, « si on s’en tient à la devanture », c’est clairement le choix « éthique » qui sert de boussole. Avec le risque supplémentaire, dans une équation déjà complexe, d’une « banalisation » qui ne rendrait plus perceptible la différence des Mutuelles « dans le brouhaha capitaliste actuel ». Comment maintenir une Mutuelle Décès solidaire quand ses cotisations sont “taxées” à 9% - comme les autres assurances - par une décision des dirigeants européens ? « Nous n’avons pas choisi le marché ; on nous a mis “dessus” et on ne nous a pas fait de cadeaux. Mais il faudra s’habituer à voir les Mutuelles agir de plus en plus ».

« Une autre façon de faire de l’économie »

De fait, le secteur de la Mutualité se renforce, à La Réunion - où il est plus jeune - comme ailleurs, témoignant d’une solidité économique qui contraste avec le maelström vorace du capitalisme financier, ainsi que l’a observé le Président de la MDE, Damien Berthilier, dans une intervention reliant “Economie sociale, citoyenneté et jeunesse”. La MDE, créée en 2000, s’inscrit dans l’histoire de la Mutualité étudiante qui célèbrera ses 60 ans cette année. Encore une spécificité française que la responsabilité laissée aux étudiants de gérer eux-mêmes leur système de santé.
« Si l’on veut qu’il y ait du militantisme mutualiste, il faut le former, et la Mutuelle étudiante peut servir à cela », a-t-il ajouté. Clairement, dans la situation présente, la Mutualité - étudiante ou non - s’inscrit, selon Damien Berthilier, dans une forme de résistance aux courants les plus fous du capitalisme financier et aux dérives toujours possibles vers lesquelles pourraient entraîner des dirigeants un peu trop fascinés par le modèle américain. « L’économie réelle » s’enracine dans un besoin de stabilité, de proximité et dans des projets à longs termes : tout le contraire de la “culture” qui a fait le malheur de la Société générale et qui pourrait, demain, produire un nouveau krach boursier, à l’échelle planétaire cette fois.
« La Mutuelle des jeunes a vocation à apporter un autre modèle ; un modèle de solidarité entre les territoires ; une autre façon de faire de l’économie », a conclu le président de la Mutuelle des Etudiants.

P. David

Pour aller plus loin sur l’économie sociale et solidaire : CRES (Chambre Régionale de l’Économie Sociale) : 0262.21.50.60 ou www.cres-reunion.com ; LMDE (siège à Ivry) : sur www.lmde.com , toutes les informations sur le Prix de l’étudiant entrepreneur en Economie sociale ; contact à La Réunion : [email protected].


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