Prix des carburants

L’avis de l’Autorité de la Concurrence montre combien la stratégie appliquée par le préfet n’était pas en faveur de l’intérêt général

1er juillet 2009

Après la condamnation de quatre compagnies pétrolières assurant le ravitaillement d’Air France à La Réunion à 41 millions d’euros d’amende, l’Autorité de la Concurrence vient de rendre un avis qui dénonce les dérives d’un système de fixation de prix qui permet avant tout de gonfler les profits des pétroliers. Les Réunionnais ont droit à la vérité : pourquoi le préfet s’est-il attaqué à une institution de la République, dirigée par des élus au suffrage universel ?

L’avis de l’Autorité de la Concurrence publié lundi soir donne raison à tous ceux qui dénoncent le monopole des pétroliers à La Réunion. Elle désavoue aussi l’option choisie par le préfet dans la manière de traiter le problème du prix des carburants, lorsqu’il a cru bon de vouloir faire payer la Région à la place des pétroliers. Conséquence : ce choix a ensuite obligé l’État à payer à la place des pétroliers en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, puisqu’il a été impossible de faire payer les collectivités. Puis l’État a dû ensuite se substituer aux entreprises en détournant l’argent du RSA pour créer un RSTA destiné à financer des augmentations de salaires à la place des patrons.

Depuis novembre dernier, l’option choisie par le préfet de La Réunion a été de fait dénoncée deux fois par l’Autorité de la Concurrence. Le 4 décembre 2008, quatre compagnies pétrolières sont condamnées à une amende de 41 millions d’euros pour s’être entendues afin de gonfler les prix des carburants vendus à Air France à La Réunion. Ce sont les mêmes compagnies qui fournissent les données au préfet pour que ce fonctionnaire fixe ensuite les prix du gaz et des carburants.
Le 15 décembre 2008, soit à peine 10 jours après la décision contre les compagnies pétrolières, le préfet se voyait accorder deux pleines pages d’interview dans le "JIR". Manifestement, ce fonctionnaire a tenté de se dédouaner vis-à-vis de Paris, et vis-à-vis de l’opinion. Il donne alors sa version du conflit sur le prix des carburants. Il est à noter qu’il maintient que les pétroliers ne pouvaient pas faire mieux. Et dans cette interview, il se permet même de prédire une baisse des carburants pour février.
Cette baisse a été toute relative. Car sur ce gain, les Réunionnais devaient rembourser 1 centime par litre de gazole aux pétroliers. Ces derniers ayant fait des efforts considérables les mois précédents, selon le fonctionnaire qui décide du prix. Ce prélèvement au profit des pétroliers atteignait même 6 centimes par litre de "super".
Un mois après cette décision, des Réunionnais ont défilé par dizaines de milliers. Et quand le préfet a été obligé de fixer les nouveaux prix, il n’était plus question d’imposer à l’opinion l’idée qu’il faille verser une quelconque compensation aux pétroliers. La vigueur du mouvement revendicatif a mis le fonctionnaire au pied du mur et, enfin, c’est l’intérêt de la population qui a prévalu sur ceux des pétroliers.

Le droit à la vérité

Pourquoi faut-il attendre que La Réunion connaisse de fortes mobilisations pour qu’enfin les pétroliers arrêtent de vider les poches des Réunionnais ? C’est bien à ce niveau que se situe le problème.
Car au mois de novembre, le préfet a manifestement choisi de faire alliance avec les dirigeants des compagnies pétrolières, contre ses partenaires institutionnels et contre les intérêts de la population. Cette "solution" a tenté d’être exportée en Guyane, où chacun se souvient de l’équipée avortée de Joël Mongin pour tenter d’orienter le mouvement vers les collectivités plutôt que vers les pétroliers. Six mois plus tard, le résultat de cette option expérimentée à La Réunion conduit l’État dans les pires difficultés dans tout l’Outre-mer. Il est maintenant contraint de débourser des centaines de millions d’euros à la place des entreprises pour régler un problème de pouvoir d’achat, tout cela parce qu’au mois de novembre, un fonctionnaire avait choisi une tactique : faire reposer la responsabilité des prix trop élevés des carburants sur une collectivité, alors que le responsable de ce prix est le fournisseur de ce produit.
Six mois après le scandale des barrages routiers et du blocus de la Région dressés par des transporteurs impunis, les Réunionnais ont droit à la vérité. Ils ont droit au remboursement des sommes indues obtenues par les pétroliers. Quant aux collectivités, il serait juste que les 2,5 millions d’euros pris dans leurs caisses leur soient remboursés.

M.M.


Rendez-nous notre argent !

Le 2 février, la Préfecture publiait un communiqué détaillant le mécanisme de fixation des nouveaux prix des carburants. Pour le Gazole, au lieu d’une baisse de 12 centimes, les Réunionnais n’avait droit qu’à un gain de 11 centimes. La raison avancée par le représentant de l’État : sur la période précédente, les pétroliers avaient fait des efforts qu’il convenait de compenser, d’où 1 centime versé dans les caisses des pétroliers. Même raisonnement pour le Super, où les Réunionnais se faisaient avoir de 6 centimes à chaque litre. En effet, “se faire avoir” est bien le mot depuis que le dernier avis de l’Autorité de la Concurrence vient en tout point confirmer les arguments avancés depuis des mois par les associations en lutte pour la baisse des prix et par "Témoignages".
Et bien, maintenant, les Réunionnais ont le droit de dire : « rendez-nous notre argent ! »


Un prix décidé à partir de données fournies par des compagnies condamnées par le Conseil de la Concurrence

Le 4 décembre 2008, une décision du Conseil de la Concurrence condamne quatre compagnies pétrolières à payer une amende de 41 millions d’euros. Elles se sont entendues pour truquer un appel d’offres, afin de gonfler les prix des carburants vendus à Air France à La Réunion.
Ce procédé s’est traduit par une hausse des prix de 30%.
Cette décision était bien la preuve que les compagnies pétrolières sont capables de tricher pour augmenter leurs bénéfices, quitte à saigner encore davantage les Réunionnais.
Cette information n’est pas sans conséquence, puisque les prix des carburants à La Réunion sont fixés par le préfet, à la suite de sa lecture des données fournies par les compagnies pétrolières, les mêmes que celles qui ont été condamnées pour fraude par le Conseil de la Concurrence.
On reste confus devant la stratégie du préfet. Pourquoi n’a-t-il pas fait front avec la population et les élus des institutions de la République contre le pétrolier, et pourquoi a-t-il justifié la position des pétroliers, en disant qu’ils ne pouvaient pas donner plus, et donc reporter le débat sur le Conseil régional ? Pourquoi s’est-il mis du côté des profiteurs ?

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