Centrale du Gol : déficit réunionnais de compétences ?

L’occasion de “goûter” à l’esprit de la Constitution européenne

18 avril 2005

L’émotion autour de la venue de 150 travailleurs thaïlandais sur le chantier d’extension de la Centrale thermique du Gol n’est pas prête de retomber. Car elle constitue l’exemple même de ce qui pourrait arriver demain, à une échelle beaucoup plus grande, si jamais le projet de Constitution européenne était appliqué.

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Le projet de faire venir pour un chantier précis et pour une durée limitée 150 travailleurs payés largement en dessous du salaire minimum en vigueur à La Réunion, n’est-ce pas une application avant la lettre de l’esprit de la “directive Bolkestein”, c’est-à-dire le nivellement par le bas des droits et des salaires ? L’affaire de l’extension de la Centrale du Gol est une occasion de voir concrètement l’avenir que nous préparent les inspirateurs de la mondialisation ultra-libérale.
Certes, nous vivons à La Réunion une situation de sous-emploi permanent qui peut expliquer l’étonnement de l’opinion quant au recours à une main-d’œuvre étrangère pour un travail qui pourrait être fait par des Réunionnais formés à cette tâche.
Mais, fondamentalement, c’est l’esprit de l’ultra-libéralisme contenu en particulier dans la fameuse “directive Bolkestein” et aussi dans le projet de Traité constitutionnel européen, qui peut (veut ?) favoriser l’explosion de sentiments “anti-étranger”. Car sous couvert d’ouverture des marchés et des services, que fait-on si ce n’est mettre en concurrence des travailleurs entre eux, au profit d’une minorité de privilégiés qui bénéficient des fruits de ce travail ?

Mise en concurrence

Car en effet, il est difficile de reprocher à un travailleur thaïlandais d’accepter de venir exercer quelques mois dans notre île pour un salaire qui, à La Réunion, représente moins de la moitié du minimum légal, mais qui, en Thaïlande, est sans doute une petite fortune.
Mais que des “règles” permettent une telle mise en concurrence, voilà l’inquiétude. Car, demain, pour quel salaire les Réunionnais pourront-ils travailler si on donne aujourd’hui la possibilité de cette mise en concurrence ?
C’est bien là un des enjeux principaux des négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce et d’une de ses conséquences : le projet de Traité constitutionnel.
Comme le soulignait Pascal Basse du Mouvement républicain et citoyen samedi lors de la conférence-débat sur La Réunion et l’Union européenne, les dirigeants de l’Europe des 25 cherchent à réunir les conditions d’une harmonisation rapide des économies de l’Europe de l’Ouest et des 10 nouveaux (bientôt 12) États-membres.
Or, ces derniers ont un retard considérable en termes de niveau de développement. Pour les dirigeants européens, la convergence doit se faire rapidement, et pour accélérer les choses, ils veulent imposer l’ouverture des services avec l’utilisation de la réglementation du pays d’origine. Une ouverture qui, dans ces conditions, ne peut se faire qu’au profit des nouveaux arrivants qui ont des droits sociaux beaucoup plus bas qu’un pays comme la France.

Cadeau au “moins-disant social”

La convergence se ferait donc au détriment des travailleurs des pays qui ont une protection sociale comparativement plus élevée. C’est la porte ouverte à une mise en concurrence qui ne peut que déboucher sur un nivellement par le bas, c’est un encouragement au moins-disant social.
Et ce qui se passe au Gol est l’illustration de cette volonté de niveler par le bas, au détriment des travailleurs réunionnais, sauf que cette fois-ci, les frontières de l’Union européenne sont dépassées.
Quand on pense que l’on cherche à inscrire dans une Constitution le dogme de "la concurrence libre et non faussée", on voit que nous sommes loin du progrès social renforcé. Car loin d’atténuer les impacts néfastes de la mondialisation libérale, le projet de Traité constitutionnel, s’il était ratifié, serait la porte ouverte à la déréglementation du droit du travail.
Accepter de livrer La Réunion, pays ravagé par le chômage, à ce libéralisme, c’est réunir les conditions d’un tsunami social.

Manuel Marchal


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