Opposition syndicale à l’autonomie des universités

L’université n’est pas une entreprise

26 juin 2007

Le projet de loi sur l’autonomie des universités devrait être examinée en juillet. Une mesure qui est loin de faire l’unanimité auprès des syndicats, notamment au SNPTES et à la fédération UNSA Éducation. S’ils reconnaissent que l’université a besoin d’être réformée, ils refusent une gestion sur le mode de l’entreprise avec pour conséquences : le risque de voir disparaître des filières, une université qui ne sera plus ouverte à tous et le recours à l’embauche de contractuels pour le personnel enseignant et technicien. Située dans une région ultra-périphérique, l’université de La Réunion serait particulièrement fragilisée et les étudiants réunionnais pénalisés.

La ministre déléguée à l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, veut aller vite. Un projet de loi sur “l’organisation de la nouvelle université” doit être proposée au gouvernement début juillet. Le 2 juin, la ministre a invité les syndicats à constituer un groupe de travail “gouvernance des universités”, et en deux semaines, à présenter les résultats au ministère. Jacques Drouet, secrétaire général national du SNPTES (Syndicat National de Personnels Techniques de l’Enseignement Supérieur et de la recherche), a participé à ce groupe de travail, et tenté d’amender le projet de loi sur l’autonomie des universités. Il regrette la précipitation du gouvernement pour un problème qui mérite plus de réflexion. « Le 2 juillet aura lieu les Assises de l’enseignement supérieur. On aurait pu en profiter pour évoquer des solutions à la situation de marasme des universités. On aurait pu attendre trois mois le temps de faire un bilan et travailler ensemble fin 2007 ». Alors pourquoi tant de précipitation ? « C’est une loi de circonstance, une loi Fillon, celle de 2003 qui a été rejetée massivement », poursuit Jacques Drouet. Bref, une loi impopulaire, qui pourrait bien faire réagir les étudiants, mais pas seulement, comme il n’y a pas si longtemps avec le CPE (Contrat Première Embauche). A la réunion du CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche) vendredi dernier, les syndicats ont proposé des amendements, aucun n’a été retenu par la ministre.

Le président de l’Université devient tout-puissant

Le SNPTES-Unsa ne conteste pas la nécessité de réformer l’université. Ce qu’il dénonce, c’est la volonté de gérer l’université comme une entreprise. L’avant-projet de loi menace le statut de fonctionnaire des employés de l’université ainsi que l’accès des étudiants à des filières et à des niveaux d’études reconnus. A la base de ce projet d’autonomie des universités, une nouvelle organisation des Conseil d’Administration des établissements. De 60 membres (40 à La Réunion), le Conseil d’Administration d’une Université va passer à 20 membres. Ce sont les étudiants et le personnel technique qui risquent d’être sous représentés, avec seulement 3 étudiants et 2 personnels techniques au sein du Conseil. Les autres représentants sont partagés entre les enseignants (8) et des personnes extérieures à l’établissement qui seront en partie désignées par le Président de l’Université. Ce dernier ne sera plus obligatoirement un enseignant-chercheur. « On aura la possibilité de rechercher à l’extérieur une personne compétente pour gérer l’université », précise Jacques Drouet.

Le statut de fonctionnaire en sursis

Ce qui inquiète le syndicat, ce sont les pouvoirs que cet avant-projet de loi veut attribuer au Président de l’Université. La gestion du budget global, de la masse salariale, et surtout le droit de veto sur toute affectation, le recrutement de personnels contractuels pour occuper des postes d’enseignants, ou des postes à responsabilités. « Actuellement, les contractuels peuvent occuper pendant trois ans au maximum ce type de poste, là ce sera possible à vie », affirme le secrétaire général national du SNPTES. C’est aussi la porte ouverte au recrutement par copinage, au recrutement de personnels étrangers payés à bas salaires ou à l’inverse de personnels très compétents avec des rémunérations élevées... En tout cas, supérieurs aux salaires des enseignants et employés fonctionnaires. « Il existe un danger réel de destruction, à terme, de la fonction publique d’État dans l’enseignement supérieur, au bénéfice d’un système de recrutement fondé sur des contrats de droit privé, conclu de gré à gré », estime le SNPTES. « On parle même d’intéressement pour les fonctionnaires », ajoute Jacques Drouet.

Aux établissements d’entretenir leur patrimoine

L’avant-projet de loi prévoit aussi de dévaluer aux établissements l’entretien des locaux. « La dévolution du patrimoine, sur la base du volontariat, aux établissements risque de coûter cher. Dans le cas où une université refuserait de prendre à sa charge le patrimoine, rien n’est prévu », explique Jacques Drouet. Comment dès lors une université pourra-t-elle financer ces entretiens, mais aussi ses projets ? Grâce au recours aux dons des entreprises (ce qui ne sera pas sans contrepartie) ou à l’augmentation des droits d’inscription des étudiants. Nul doute pour la fédération Unsa que ce projet d’autonomie des universités se calque sur le modèle anglo-saxon, où l’université est gérée comme une entreprise, et où « les droits d’inscription des étudiants peuvent atteindre 50 000 euros ». Avec l’adoption de cette loi, pourra t-on encore parler d’une université française pour tous ? C’est la crainte du SNPTES-Unsa.

Edith Poulbassia


L’université dépendante des dons des entreprises

Pour financer le fonctionnement de l’université, l’avant-projet de loi envisage de faire appel aux entreprises, dans une large mesure. « Il est prévu de défiscaliser 60% des dons des entreprises aux universités », explique Jacques Drouet, le secrétaire général national du SNPTES. Dans un sens, ce type de financement peut accompagner le développement de filières professionnalisantes, mais dans l’autre, il risque de conduire à la suppression de filières qui ne sont pas directement “porteuses”, comme les sciences humaines et sociales. L’Université sera confrontée à l’appauvrissement des connaissances. Pourtant, « toute les sciences se nourrissent », estime Philippe Bannet, membre du bureau SNPTES à l’université de La Réunion. « Pour comprendre la maladie de la vache folle, on s’est appuyé sur le travail mené par des anthropologues, il y a une cinquantaine d’années, pour les récentes émeutes des banlieues on a fait appel à des sociologues », cite-il en exemples.
L’inégalité entre les universités sera aussi plus accentuée. Encore faudra-t-il être localisé à proximité d’un pôle d’entreprises pour bénéficier des financements.


« L’université de La Réunion va t-elle devenir un grand lycée ? »

L’autonomie risque de coûter cher aux universités. Sans entreprises pour les financer, sans un budget global à la hauteur de leurs besoins, les établissements vont devoir s’adapter. L’Unsa craint un regroupement des universités en dix grands centres, et la disparition des universités éloignées, annexes. « Les petites universités vont peut-être devenir des instituts dédiés à la licence, pour les masters et les doctorats, les étudiants devront s’orienter vers les gros centres », explique Philippe Bannet, membre du SNPTES à l’Université de La Réunion. Pour le syndicat, les étudiants réunionnais n’auront peut-être pas d’autre choix que de poursuivre leurs études en métropole, pour ceux qui en auront les moyens. Le classement des universités en fonction de leur prestige, le nombre limité de places dans les filières, feront grimper les frais d’inscription.


La création d’un Comité Technique Paritaire

Seule mesure approuvée par le SNPTES-Unsa dans le cadre de l’autonomie des universités, la création d’un Comité Technique Paritaire dans les établissements, qui permettra de travailler sur la gestion collective des personnels et services. Une tâche en moins pour le Conseil d’Administration.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus