Urgence sociale

La CGTR veut une cellule de crise pour les milliers de licenciés

16 avril 2010, par Edith Poulbassia

Le secrétaire général de la CGTR, Ivan Hoareau, s’est exprimé hier sur la situation sociale qui, à son sens, va continuer à s’aggraver, avec au total près de 10.000 licenciements uniquement pour les secteurs du BTP et de l’automobile d’ici la fin de l’année. Le syndicat déplore l’absence de débat sur les responsabilités des acteurs économiques en temps de crise et demande à l’État la mise en place d’une cellule de crise pour éviter, ou du moins passer le cap de la vague de licenciements. Car, dit-il, « ce n’est pas seulement un problème social, il y aura un impact sur la société ». Plusieurs points ont été abordés.

L’après-COSPAR. Pour la CGTR, aucune réponse n’a été apportée aux problèmes posés par le COSPAR. Les prix, les salaires, les minima sociaux, les retraites, la jeunesse, le chômage... « toutes ces questions sont là de manière plus aggravée, constate Ivan Hoareau. On assiste à une véritable détérioration de la situation sociale et économique, même s’il y a ceux qui profitent de la crise ».
Recul de la création d’entreprises, commandes publiques en baisse de 36%, chiffre d’affaires du BTP de 2,1 milliard d’euros en 2008 à 1,3 milliard en 2009, déjà 7.000 emplois de perdus dans le BTP, tous les indicateurs sont au rouge.

Menace sur l’emploi. La CGTR estime que le nombre de licenciés pourrait s’élever à 10.000 d’ici la fin de l’année pour les secteurs BTP et de l’automobile. Sans compter les emplois indirects et les autres secteurs. La situation du Groupe Caillé a bien évidemment été évoquée. En tous les cas, « le risque, c’est que l’employeur fasse payer la note aux salariés », a déclaré Ivan Hoareau. Seul point d’optimisme, l’arrivée à terme de quelques projets immobiliers qui peuvent maintenir l’emploi dans le gros œuvre.

L’inertie politique post-électorale. Il ne s’agit pas de remettre en question la légitimité de la nouvelle majorité régionale. « La CGTR ne va pas faire de troisième tour social », indique d’emblée Ivan Hoareau. Mais « toute décision de faire un projet doit tenir compte de la situation de l’emploi ». Il faut en moyenne 9 ans pour qu’une décision politique se concrétise. Le projet Tram-train devait démarrer cette année et créer 1.500 à 2.000 emplois directs. La route du Littoral à 6 voies va peut-être créer des milliers d’emplois, mais peut-on encore attendre 3 ans ? Entre le bus et le tram-train, n’y a-t-il pas une articulation à trouver, en termes d’inter-modalité ? « Quelle que soit la couleur politique, on assiste à chaque fois à un cycle d’éternel recommencement », constate Ivan Hoareau.

Des travailleurs pauvres. Parmi les 52% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, il y en a au moins 55.000 sur les 220.000 salariés de l’île. Essentiellement des jeunes et des femmes. Un chiffre qui date de 2006. Ces travailleurs pauvres ont un revenu inférieur à 9.000 euros par an, soit moins de 750 euros mensuels. Là encore, la tendance est à l’aggravation. La CGTR évoque, pour le secteur de la grande distribution, la recrudescence des temps partiels, des CDD, l’exigence de polyvalence, l’augmentation des risques psycho-sociaux.

« Un patronat profondément égoïste ». « La Réunion est-elle devenue une simple plateforme de circulation des capitaux dans la zone ? », interroge Ivan Hoareau. C’est en fait la question de la responsabilité du patronat dans la crise que pose le syndicat. En 1993, rappelle Ivan Hoareau, une crise semblable avait frappé le BTP sans que la question de la responsabilité ne soit posée. 15 années de prospérité avaient suivi, « les profits se sont envolés vers les maisons-mères et les licenciements se sont aggravés ». La CGTR estime que le patronat ne peut s’exonérer de toute responsabilité vis-à-vis du territoire pendant la crise, comme il l’a fait pour la prime de 50 euros du COSPAR. Que ce soit par le refus pur et simple, ou comme prétexte pour éviter les négociations salariales.

Pôle Emploi, « outil de la casse sociale ». Pour la CGTR, le Pôle Emploi est incapable de faire face à la crise. Ce service public mène aujourd’hui une « politique d’activation des dépenses passives », selon Ivan Hoareau. En clair, pour le syndicat, le Pôle Emploi exerce une pression maximale sur les salariés afin qu’ils acceptent n’importe quel emploi, sans perspective de carrière. Au point de créer un « sous prolétariat », corvéable à merci.

Une cellule de crise, filet de sécurité pour les licenciés. La CGTR le martèle depuis plus d’un an auprès de la Préfecture. Il faut une cellule de crise, une sorte de « plan Novelli », pour les salariés, comme l’État a su le faire pour les entreprises. Cette cellule de crise aurait la forme d’un guichet unique à l’échelle départementale réunissant les partenaires sociaux, les banques, les politiques, pour éviter les licenciements et amortir les effets de la crise. « Le salarié est aussi un bailleur, un consommateur, un contribuable... Les syndicats doivent aujourd’hui investir d’autres problématiques quand les salariés les sollicitent », affirme Ivan Hoareau. Cet outil d’accompagnement aurait l’avantage de mutualiser les moyens financiers et techniques. Le congé de solidarité, les Plans de sauvegarde pour l’emploi, le reclassement, la formation sont quelques pistes évoquées par la CGTR.

À long terme.
Pour le syndicat, on ne peut pas continuer sans une véritable réflexion sur le fonctionnement de l’économie. Il propose ainsi de conditionner les aides des entreprises à l’emploi, ou encore de moraliser la chaîne de sous-traitance, de veiller à une bonne utilisation du chômage partiel.

EP

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