Les profs d’EPS ne lâchent pas prise

La « chasse aux forfaits » est ouverte

14 février 2007

Les chefs d’établissement des lycées de La Réunion ont connu des vacances de Noël studieuses. À la demande du Recteur, ils ont planché sur l’organisation pédagogique de la rentrée en fonction de la réforme du décret de 1950 qui va permettre la suppression de nombreux postes d’enseignants. En vigilance cyclonique constante, les professeurs d’EPS ont eu la réactivité pour freiner cet empressement à liquider, à la demande du ministère, 63 équivalents temps plein dans le sport scolaire.

Notre République édicte les lois, et en même temps, en fait fi. La promulgation officielle de la réforme du décret de 1950 qui remet en cause le statut et les missions des enseignants, n’est finalement qu’une formalité. Dans les faits, le texte a été appliqué, avant même que le circuit qui le conduit du Conseil d’État à sa parution au JO ne soit achevé. Pour preuve, depuis la rentrée 2006, la mise en place des conseils pédagogiques qui instaurent l’autonomisation des établissements et la régionalisation des diplômes et pour cette rentrée de janvier la suppression de plusieurs forfaits d’enseignement sportif dans les associations scolaires.

«  Une chasse aux forfaits  »

Une dizaine de jours après la rentrée du 29 janvier, des professeurs de sports de La Réunion alertent le SNEP-FSU. « Ils étaient effarés, abasourdis, commente Olivier Serrié, secrétaire académique du syndicat. On nous informait massivement de suppressions de 2 ou 3 forfaits d’enseignement en association sportive dans les lycées. Un véritable jeu de quilles, une chasse aux forfaits. » Le secrétaire académique saisit donc immédiatement le Rectorat. L’occasion est trop belle pour les chefs d’établissements confrontés à des dotations d’horaire global insuffisantes et qui voient dans en l’UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire) l’opportunité de recentrer au plus juste leur structure pédagogique pour la rentrée.
« Les associations sportives sont les variables d’ajustement », commente Olivier Serrié. La mission confiée par le Ministère de l’Éducation au Recteur est claire : il doit récupérer 63 équivalents temps pleins et pour cela une lecture superficielle du texte aide quand on sait que la suppression de 6 forfaits (soit 18 heures d’animation en association sportive scolaire) permet de récupérer un poste. « Les professeurs d’EPS sont considérés comme des déchargés de service sans présence d’élèves : c’est hallucinant », commente encore Olivier Serrié. En effet, selon le nouveau décret, les heures supprimées (de labo, de décharge) ne devraient pas être consacrées aux élèves, ce qui est en l’occurrence difficile quand on sait que 16.000 enfants réunionnais sont licenciés du sport scolaire. « Ce sont des heures d’animation, d’enseignement certes particulier, mais pas des décharges, insiste encore Olivier Serrié. On navigue sur les concepts, sur les mots. »

«  Le sport scolaire est en plein dynamisme  »

Le SNEP-FSU a donc sollicité l’inspection pédagogique, les chefs d’établissements et le Directeur Régional de l’UNSS pour une réunion extraordinaire, la semaine dernière. « L’idée qui s’en est dégagée est qu’il faut régler tout ça, y voir clair, que le décret est là mais qu’il faut contrôler les méthodes. » Lundi face aux personnels de service, le recteur s’est posé en défenseur du sport scolaire, souhaitant l’application de ce décret de la façon la plus humaine possible. Il a suggéré que les suppressions de forfaits se feraient « là ou l’on pense que cela ne marche pas, reprend Olivier Serrié. Mais pour nous il n’est pas question de pointer tel ou tel établissement alors que, du constat même du Rectorat, le sport scolaire est en plein dynamisme. Même si dans certains cas - dans les Hauts en raison des difficultés de déplacement, dans les lycées professionnels où les élèves ont cours le mercredi après-midi, ou en raison du manque de structure de certains établissements - ici ou là, il y a moins de dynamisme. Il faut maintenir les moyens en place, mais en aucun cas on ne pourra régler certaines difficultés par un décret qui donne, de facto, aux chefs d’établissement la liberté de supprimer deux ou trois forfaits comme ça. »

5 Académies métropolitaines dans le rouge

La ligne de front du SNEP-FSU est claire : on ne touche pas au sport scolaire et de façon pragmatique, si le décret est appliqué, au moins qu’il le soit strictement et pas au-delà. Le syndicat refuse donc la mise en place de quota d’élèves pas professeurs sachant que certaines activités ne supportent d’ailleurs pas le grand nombre. Selon Olivier Serrié, cette notion d’appréciation locale mentionnée dans le décret conduit forcément aux dérives et sans la vigilance syndicale... Dans un établissement de Saint-André, pour plus de 300 licenciés dans un établissement qui compte 8 professeurs, ce sont déjà 4 forfaits qui ont été supprimés. En métropole, les Académies de Versailles, Créteil, Aix-en-Provence, Strasbourg et Lille ont déjà reçu la consigne de récupérer respectivement entre 300 et 350 forfaits.
Le Recteur a assuré qu’une autre lettre de cadrage serait adressée aux chefs d’établissements. De son côté, le SNEP-FSU ne baisse pas la garde. Il avait déjà assuré lors de sa mobilisation le 18 décembre dernier qu’il s’engageait dans un combat dans la durée. Si le Recteur actuel se veut consensuel pour tenter peut-être tout remous social en période électorale, personne ne peut présager des dispositions du suivant. Vigilance donc.

Stéphanie Longeras


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