La discrimination à l’embauche une nouvelle fois épinglée en France

16 mars 2007

Après le lancement en France, le 27 février 2007, de l’Année européenne pour l’égalité des chances, un rapport important vient jeter un pavé dans la mare. Une enquête du Bureau International du Travail (BIT) a été réalisée à la fin 2005 et au début 2006, avant d’être analysée et d’être publiée avant-hier. Elle révèle notamment qu’en Métropole, un candidat s’appelant Dupont ou Martin est recruté 4 fois sur 5 s’il a en face de lui un concurrent français d’origine maghrébine ou noire. L’étude montre aussi que 11% seulement des recruteurs ont respecté une égalité de traitement du début jusqu’à la fin du processus de sélection.
L’échantillon était vaste puisqu’il a concerné 2.240 postes, non seulement à Paris, mais aussi à Lille, à Marseille, à Strasbourg, à Lyon et Nantes. Les personnes “test” qui passaient les entretiens avaient été préalablement recrutées par le BIT pour jouer la comédie. Au niveau des candidats “majoritaires”, ils s’appelaient soit Julien Roche ou Emilie Moulin. En ce qui concerne les personnes des minorités, ils répondaient au nom d’Aminata Bongo ou de Kader Larbi. Tous avaient un parcours rigoureusement similaire : une scolarité, une formation, une expérience professionnelle, un lieu de résidence identiques. Le BIT remarque, en le déplorant, que cette discrimination à l’embauche atteint des taux comparables à de nombreux autres pays européens. De son côté, SOS Racisme regrette qu’une telle enquête n’ait pas été l’occasion de poursuivre les patrons fautifs.


Un collectif de chercheurs se déclare en faveur de statistiques ethniques

Suite à la pétition intitulée “Engagement républicain contre les discriminations”, rendue publique le 23 février, un grand nombre de statisticiens et d’intellectuels se sont élevés contre une telle déclaration. Parmi ces derniers figurent quelques personnes très connues comme Laurent Muchielli, Pap Ndiaye, Didier et Eric Fassin, Françoise Gaspard, Nonna Mayer ou encore Françoise Vergès. Ils ont publié une tribune dans “Le Monde” en date du 13 mars, intitulée “Statistiques contre discriminations”. Ils écrivent notamment : « Nous ne voulons assurément pas imposer la banalisation des statistiques ethniques ou raciales, dans le recensement notamment, mais nous croyons que, pour que notre connaissance des discriminations progresse, il ne doit pas y avoir d’a priori qui interdise d’explorer telle ou telle piste parce qu’elle contrarierait la tradition du modèle républicain d’intégration. L’ampleur des discriminations montre bien qu’il n’a pas tenu ses promesses ». Puis, les auteurs de ce “manifeste” critiquent ceux de la pétition du 23 février sur 3 points conséquents. Les statistiques sont insuffisantes, contrairement à ce qui est affirmé par les pétitionnaires.
Deuxièmement, utiliser des méthodes indirectes comme le testing, même s’il est efficace, ne remplace pas une connaissance fine des mécanismes de discrimination que seule une bonne statistique permet.
Enfin, ces statistiques ethniques « n’auraient de sens que dans le cadre de politiques de discrimination positive ». Or, pour les auteurs du 13 mars, le débat se situe à un autre niveau : « Il nous faut donc réaffirmer que les politiques de lutte contre les discriminations ont pour seul objectif de faire respecter l’égalité effective dans la vie sociale. Elles ne débouchent pas forcément sur la discrimination positive (...) ». Enfin, ils concluent par ces mots : « Aujourd’hui, ce ne sont pas les “statistiques ethniques” qui menacent la cohésion sociale, mais bien les discriminations ».

Matthieu Damian


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