2ème Forum social alternatif

La leçon d’une Africaine

10 avril 2006

Peut-on être élu soi-même et pointer les défaillances, sinon la faillite, des élus ? Exercice périlleux auquel s’est livré le maire de Saint-Paul, samedi dernier, au 2ème Forum social alternatif consacré à “l’indocilité”.
Mais c’est bien la logique des mouvements alternatifs qui, précisément, prônent une autre forme de démocratie que la démocratie représentative. Dans ce dernier cas de figure, les élus/es, une fois choisis/es par leurs électeurs et électrices, décident à leur place, sur la base du mandat qui leur a été confié. Faut-il inventer une autre forme de démocratie, par exemple “la démocratie participative” ? La question a été posée.
Le mouvement alternatif brisant les frontières régionales et nationales, précieux furent le témoignage et l’analyse d’une Malienne, Aïssatou Samaké. Précieux, car ce fut une invitation constante à changer notre regard, à nous débarrasser de nos “schémas établis”, souvent marqués du sceau de l’Occident.
Docteure en sciences biologiques et membre du Forum social de Bamako, elle a particulièrement insisté sur “l’eurocentrisme”, ou européocentrisme, grille de lecture européenne héritée d’une longue histoire de domination et d’exploitation qui nous empêche de voir l’Afrique dans sa réalité concrète et complexe. Après les justifications racistes de la traite et de l’esclavage, c’est aujourd’hui la lecture misérabiliste transmise par des “statistiques apocalyptiques”, c’est le transfert mécanique de modes de gouvernement et du jeu occidental des partis, souvent sous la pression du chantage à l’aide économique, c’est l’aveuglement des experts en développement et même, parfois, la surdité des ONG aux véritables demandes de la population. Tout cela contribue à perpétuer les mécanismes de la colonisation, sous des formes peut-être moins visibles.
D’où la nécessité d’une "conscience politique et sociale critique" qui permette de "comprendre le local et de saisir le lien avec le global". Cette conscience s’appuie sur la "résistance" ou le refus d’une "politique de libéralisation sauvage qui entraîne la destruction de l’humain et de la nature". Après ce “non”, il faut construire, en favorisant la créativité de chacun et de chacune, pour ne pas accuser l’autre (y compris le dominant) de tous ses malheurs et pour montrer qu’un humain a toujours des ressources, quelle que soit sa situation. Résistance, créativité, et aussi solidarité pour unir ses forces et avancer.
On le voit, le champ de la critique dessiné par Assatou Samaké est vaste. Il concerne les citoyens, à l’intérieur de leur pays et au-delà des frontières nationales et régionales, les élites et les élus/es. Il englobe l’histoire, qui doit souvent être réécrite, l’information, qui doit être pensée et diffusée autrement, la réelle prise en compte des besoins de la population. Telle fut la leçon, une belle leçon. Reste à passer aux actes. Qui commence et par quoi ?

Une citoyenne


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