« La logique comptable nuit au service public »

5 septembre 2007

Gérard Aschieri, Secrétaire général de la FSU, annonce plusieurs initiatives nationales pour les mois à venir.

Comment réagissez-vous à l’annonce des 11.200 suppressions de postes pour la rentrée 2008, dont Xavier Darcos nous explique qu’elles ne changeront rien au fonctionnement de l’école ?

- L’addition est salée, contrairement à ce que le ministre soutient. Au-delà de ces 11.200 suppressions, la plus importante réduction jamais connue, il ne faut pas oublier tous ceux déjà supprimés les années précédentes, et les prévisions tout aussi pessimistes. Nous sommes dans une dynamique de suppression, alors que nous avons toujours plus d’élèves dans le monde éducatif. Cette politique va se traduire par une accentuation des phénomènes déjà connus : classes chargées, remplacements moins bien assurés... Nous ne disposons, côté effectif, d’aucune marge de manœuvre qui permettrait d’amortir le choc. Ces suppressions massives vont influer inévitablement sur l’offre d’enseignement, même si le gouvernement reste prudent sur cette question. Or, si l’on touche à l’offre d’enseignement, les élèves devront trouver, en dehors de l’école, ce que le système ne leur offre pas, notamment en payant des cours particuliers. Les inégalités vont donc s’accentuer.

Justement, le récent rapport du Haut Conseil de l’Éducation épingle l’école primaire qui mettrait au ban les élèves en difficulté. Une course au rendement n’est-elle pas en train de s’instaurer ?

- Je partage cette idée d’une école qui laisserait s’accroître les inégalités, voire contribuerait à leur accroissement, en se contentant d’offrir un minimum vital comme socle commun. Le phénomène n’est pas nouveau. Cette logique comptable oublie le principe de service public. Les mesures sont socialement très coûteuses, effectivement, mais elles ont aussi un impact économique non négligeable à terme. N’oublions pas que le développement de notre pays est tributaire de notre système éducatif.

Les suppressions de postes ne marquent-elles pas aussi l’impuissance des syndicats ?

- C’est d’abord la manifestation de l’impuissance des pouvoirs publics à trouver des solutions pour le développement économique et la lutte contre le chômage. Les derniers gouvernements ont toujours mis en avant la réduction de fonctionnaires comme l’une des solutions à la crise, en oubliant que l’éducation était aussi un investissement. En la matière, on ne peut pas faire sans professionnels sur le terrain. Les décideurs l’oublient un peu trop souvent.

Les enseignants demandent aussi une amélioration de leurs conditions de travail. Que préconisez-vous dans ce domaine ?

- Plusieurs réponses sont envisageables. Développer le travail d’équipes en accordant évidemment le temps nécessaire. Améliorer la formation continue pour permettre par exemple au personnel confronté aux élèves en très grande difficulté d’avoir un suivi individuel. C’est bien sûr contradictoire avec les suppressions de postes, car cela suppose des moyens supplémentaires. En France, nous avons besoin d’ambition pour l’école. Or, on ne peut pas en avoir en partant du postulat qu’il faut à tout prix faire des économies.

Xavier Darcos veut mettre en place des études dirigées, et des activités sportives et culturelles avec le concours d’intervenants extérieurs. Ne faut-il pas y voir un échec du système éducatif ?

- C’est plutôt une tendance à ne pas traiter les problèmes où ils se posent pour essayer d’y remédier en dehors de la classe. Je ne dis pas que c’est inutile, mais je pense que c’est un rafistolage. En occultant le fait que le travail envisagé lors de ces études dirigées devrait entrer dans le cadre classique de la classe, il faudrait au moins qu’il soit en relation avec les cours. Ce qui implique que ce soit aux enseignants d’y participer. Pour ce faire, une réduction de leur temps de travail en classe est nécessaire. Cela a un coût, que le gouvernement ne veut pas payer.


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