Inversion de la hiérarchie des normes

La loi Travail prépare la fin des conventions collectives et des conquêtes sociales

11 juillet 2016, par Manuel Marchal

Depuis 4 mois, le projet de loi Travail est à l’origine d’un grand mouvement social. Un des reproches fait à ce texte par les syndicats concerne l’inversion de la hiérarchie des normes. Cela consiste à faire de l’accord d’entreprise la base du droit dans des domaines aussi importants que le temps de travail, les congés, ou le salaire. Les conventions collectives ne s’appliquent que s’il n’y a pas d’accord d’entreprise, et les conquêtes sociales du Code du Travail n’arrivent qu’en dernier, si et seulement si il n’existe ni accord d’entreprise, ni convention collective. Ce sont donc les acquis sociaux de dizaines d’années de luttes qui sont remis en cause. Reprise des dizaines de fois dans le texte que le gouvernement a fait adopter par les députés, une phrase représente ce recul : « une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche »

Après son adoption sans vote le 6 juillet, le projet de loi Travail revient de nouveau au Sénat. Parmi les points contestés figure l’inversion de la hiérarchie des normes. Une partie des 191 pages du projet de loi est consacrée à ce chapitre. C’est l’accord d’entreprise qui est prioritaire même s’il donne moins de droits au travailleur que la convention collective ou le Code du Travail. Si ce dernier n’existe pas, c’est alors la convention collective qui s’applique. Enfin, s’il n’y a pas d’accord d’entreprise ou de branche, alors les dispositions du Code du Travail sont en vigueur.

Cette inversion de la hiérarchie des normes se concrétise dans une expression : « un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche ». Elle est écrite plusieurs dizaines de fois dans le projet de loi que le gouvernement a fait adopter par les députés en recourant à l’article 49-3 de la Constitution. Voici quelques extraits de l’article 2 du projet de loi « relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels » :

12 heures de travail par jour

« Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut mettre en place les astreintes ».

« La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf [si] : une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures ».

« Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de quarante-quatre heures calculée sur une période de douze semaines consécutives, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée, calculée sur une période de douze semaines, à plus de quarante-six heures ».

« Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche définit les jours fériés chômés.

à défaut d’accord, l’employeur fixe les jours fériés chômés. » (NDLR – dans la loi, le 1er mai est le seul jour férié chômé.

Heures supplémentaires majorées de 10 % au lieu de 25 %

« Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche : (…) prévoit le ou les taux de majoration des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale ou de la durée considérée comme équivalente. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %. (…) à défaut d’accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l’article L. 3121-26 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %. » 

Comme l’indique le précédent paragraphe, la loi inscrite dans le Code du Travail intervient « à défaut ». Ce Code du Travail, fruit de dizaines d’années de luttes, est ramené au rang de « dispositions supplétives ».

Cela souligne bien que le second passage du texte à l’Assemblée nationale n’a pas remis en cause ce bouleversement.

M.M.

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