Premier Forum emploi insertion

La lutte des jeunes pour avoir droit à un travail

25 octobre 2018, par Manuel Marchal

Hier se tenait le premier Forum emploi insertion au gymnase de Bellepierre à Saint-Denis. L’initiative de l’association CESAM a pour but d’aller vers les jeunes que le système rejette dans le chômage et les addictions.

Ulrich et Romain.

Le chômage est le problème numéro un à La Réunion. Toute notre île est concernée. Les quartiers populaires sont particulièrement touchés. Pour une forte proportion de la jeunesse, le droit constitutionnel à un travail n’est pas respecté. Saint-Denis n’échappe pas à ce phénomène, en particulier les quartiers de Bellepierre et de la Source.
C’est pour aller à la rencontre de ces jeunes et « ramener l’emploi au cœur des quartiers » qu’est née une initiative de l’association CESAM (Centre d’étude scolaire et d’activité et de manifestation diverses), explique sa directrice Jessie Zafinedravoul : le Forum emploi insertion. La première édition a eu lieu hier au gymnase de Bellepierre.
CESAM a mobilisé plusieurs partenaires, notamment Pôle emploi, la Maison de l’emploi, le RSMA, le CNARM, l’ARCV. Entre 500 et 1500 jeunes étaient attendus durant cette journée.

Christel Cerveaux.

« Ne jamais perdre espoir »

Christel Cerveaux, éducateur de rue, note que l’initiative est perçue positivement par les jeunes : « ils apprécient que l’institution vient vers eux » alors qu’habituellement, ce sont eux qui doivent se déplacer. Il insiste sur le fait que le chômage fait des ravages non seulement chez les 16-25 ans, mais aussi chez les trentenaires qui ont fondé une famille et qui restent dans la précarité.

L’objectif principal de son action est de « remettre les jeunes dans une orientation positive de recherche d’emploi ». Et « cela passe par le traitement des addictions ».
Il rappelle qu’un jeune au chômage a une journée bien remplie, qui intègre ses addictions. Cela oblige donc à associer obligatoirement la prévention. Il est donc difficile pour un jeune exclu du droit à un travail de prendre du jour au lendemain le chemin de l’emploi. Il est nécessaire « de prendre le temps pour le sortir de ses addictions ».
Pour Christel Cerveaux, il faut enlever de l’esprit l’idée de « donne travail ». Il tente de placer les jeunes dans « une recherche active », avec comme mot d’ordre « il ne faut jamais perdre espoir ». Il souligne aussi l’importance du suivi. Ainsi, chaque participant au forum sera recontacté ultérieurement pour faire le point sur ses recherches d’emploi, afin de déterminer quels sont les facteurs qui bloquent son arrivée dans la vie active.

Une obligation : la prévention des addictions.

Mieux traités en France

Malgré tout, le système en place à La Réunion ne fait pas de cadeaux aux jeunes. Ainsi Romain, âgé de 18 ans, a quitté l’école depuis deux ans. Il a déjà fait plusieurs stages dans le BTP, un secteur qui l’attire. Tous les jours, il se rend à la Mission locale où il a déposé son CV. Il cherche une préformation afin d’intégrer un parcours lui permettant d’obtenir un diplôme. Il a en effet bien conscience que cette validation officielle de ses compétences lui ouvrira bien plus facilement la porte d’un emploi durable. Face au chômage, il ne perd pas espoir et continue son combat quotidien pour être reconnu en tant que travailleur.

Ulrich constate pour sa part que le système en place à La Réunion traite bien mal les jeunes. Il a pour cela un élément de comparaison. Âgé de 23 ans, il a suivi des formations de plaquiste, en sécurité et en pâtisserie. Après avoir intégré l’école de la 2e chance, il est parti 3 ans en France. Comme il n’avait pas de promesse d’embauche, il n’a pas pu bénéficier de l’aide du CNARM. Il a donc payé lui-même son billet d’avion. « Là-bas, j’étais mieux traité », souligne-t-il. Il a noté en France plus d’implication dans les structures d’aide pour les jeunes, notamment parce que les employés de ces institutions disposent de plus de temps pour assurer leur mission.
Cela fait un mois qu’il est revenu à La Réunion pour des raisons familiales. Mais pour lui son choix est clair : il retournera en France. Il estime qu’il y a du travail à La Réunion, mais que l’on ne fait pas confiance aux jeunes. Il indique également que le meilleur moyen d’échapper au chômage, c’est de ne pas se limiter à chercher un travail dans une spécialité.

Sortir des clichés

Le Forum de l’emploi et de l’insertion a donc permis de donner un coup de projecteur sur ces jeunes qui luttent quotidiennement contre le chômage, et sur les travailleurs qui les soutiennent tous les jours dans cette bataille. Cet état d’esprit est une richesse considérable pour La Réunion. Ceci rappelle que le cliché de jeunes qui attendent résignés d’avoir 25 ans pour toucher le RSA est bien loin de correspondre à la réalité.

Il en faut en effet du courage pour se battre contre un système qui dit à ces jeunes qu’il n’a pas besoin d’eux, et qui les amène à remplacer le temps qu’ils pourraient consacrer à un travail par l’addiction à différentes drogues. Cette volonté de lutter doit être entretenue, car c’est elle qui permettra de mettre fin à ce système qui veut priver La Réunion de l’élément le plus dynamique de sa société : sa jeunesse.

M.M.

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