La prime de l’État limitée aux bas salaires

La mesure divise et n’aide pas à la cohésion sociale

26 mars 2009, par Manuel Marchal

La décision et les modalités d’application de la décision de l’Etat d’augmenter une partie des salariés réunionnais crée la discrimination, car la vie est chère pour tout le monde, et notamment les allocataires de minima sociaux. Illustration avec les réponses du représentant de l’État à l’Association des maires de La Réunion.

Hier à la préfecture, l’Association des maires de La Réunion avait rendez-vous avec le préfet pour avoir des précisions sur les conséquences de l’extension au secteur public de la proposition de l’État faite au privé de verser une prime de 100 euros mensuelle aux salariés touchant moins d’1,4 SMIC.
Devant le succès de la mobilisation autour des revendications du COSPAR, des négociations se sont ouvertes. Le Collectif d’organisations syndicales, politiques et associatives revendique notamment 200 euros d’augmentation des minima sociaux, des petites retraites, des bourses des étudiants et des bas salaires.
L’État s’est impliqué dans les négociations entre les partenaires sociaux, et a proposé de financer une augmentation temporaire de salaire, à hauteur de 100 euros par mois. Que l’État souhaite donner un coup de pouce aux petits salaires est une intention louable. Mais la décision et les modalités d’application choisies par l’État font que les collectivités sont montrées du doigt : à elles seules de se débrouiller pour faire face à l’impact d’une nouvelle discrimination. Car ce dispositif est censé redonner du pouvoir d’achat aux Réunionnais, mais son champ d’application estime que seule une partie de la société réunionnaise a droit à un gain de pouvoir d’achat.

Une prime qui génère des exclus

Rappelons que cette prime est financée par un dispositif spécifique à l’Outre-mer : le RSTA. L’État propose de retarder de trois ans l’application du RSA dans les DOM, et donc à La Réunion, et de réaffecter ces crédits au versement d’une prime destinée aux salariés payé moins d’1,4 SMIC uniquement. Ceux qui sont privés de travail, suivent des études ou sont retraités sont donc exclus de ce dispositif, de la même façon que ceux qui gagnent 1,41, 1,45 ou 1,5 SMIC…
Dans un premier temps, seuls étaient concernés par ce dispositif les travailleurs du privé. Le MEDEF a pour sa part dit qu’il était capable de financer pendant trois ans une augmentation des salaires de 50 euros, alors que les autres organisations patronales ont fait part de leur impossibilité de s’aligner sur cette position. À ce moment, l’État a pointé le doigt vers les collectivités en laissant entendre qu’elles pourraient elles aussi verser solidairement 50 euros par mois pour chaque salarié, ce qui est pour le moins un fait sans précédent dans toute la République.
Le préfet a ensuite annoncé que cette prime allait être étendue aux agents de la fonction publique ayant un salaire inférieur à 1,4 SMIC. Et donc les collectivités ont été visées par un appel à contribuer à la hauteur de ce que propose le MEDEF, mais ces 50 euros représentent 80 euros toutes cotisations sociales comprises pour les collectivités.

L’État laisse les communes se débrouiller

Hier, le préfet a annoncé que peuvent être éligibles à la prime RSTA les travailleurs en CDI, en CDD et aussi les salariés en contrats aidés, a précisé Roland Robert à la sortie de la délégation des maires de la préfecture. Interrogé sur la pérennisation de la prime au-delà des trois ans d’engagement de l’État, le préfet a expliqué que le RSA allait prendre le relais. Une annonce floue, selon le président de l’Association des maires de La Réunion. Quant aux salaires immédiatement supérieurs à 1,4 SMIC, rien n’est prévu par l’Etat. Autrement dit, les regards se tournent vers les collectivités locales. Car que va penser un travailleur qui dépasse de peu 1,4 SMIC, et qui n’a donc pas accès à la prime de l’État, et qui voit un collègue qui gagnait moins que lui toucher un meilleur salaire que lui grâce à la prime de l’État.
La proposition de l’État introduit une discrimination : certains y ont droit, et d’autres pas. Et l’État laisse les communes se débrouiller seules face à ce problème alors qu’il en est le responsable.
Le constat de la réunion d’hier, c’est donc que la mesure de l’État divise et n’aide pas à la cohésion sociale. Car cette décision et ses modalités d’application créent une nouvelle discrimination dans une société touchée de plein fouet par les inégalités.

Manuel Marchal


Et les minima sociaux ?

Toutes les catégories sociales de La Réunion sont touchées par la vie chère, et toutes constatent donc une baisse de leur pouvoir d’achat. C’est particulièrement vrai pour les Réunionnais qui n’ont pour vivre qu’un minima social. Mais pour les plus pauvres, rien n’est prévu. Au mieux seront versées les primes prévues par les accords signés en Martinique et qui accélèrent l’application de mesures dans les tuyaux en France. Mais ces primes sont loin de représenter l’équivalent d’un complément de revenu mensuel de 100 euros pendant trois ans.
Autrement dit, l’intervention de l’État a finalement pour résultat un accroissement des inégalités entre ceux qui ont un travail et ceux qui n’y ont pas droit. Alors que la crise ne cesse de s’aggraver au niveau mondial, et qu’inévitablement des répercussions se feront sentir à La Réunion, il est important de créer les conditions pour renforcer la cohésion sociale. Ce que propose l’État, c’est exactement le contraire.


Un flou très inquiétant

Qu’adviendra-t-il de la pérennisation de la prime de l’État au bout de trois ans ? Aux maires, le représentant de l’État a dit que le RSA allait prendre le relais. Les Réunionnais ont une longue expérience des engagements non tenus par l’État. Car hier également, le Conseil général a pris la décision de vendre une partie de son patrimoine. Il espère en tirer 135 millions d’euros. C’est un peu moins de la moitié de la dette de l’État envers le Conseil général. Nul doute que si l’État avait payé ce qu’il devait, le Conseil général n’aurait pas été obligé de prendre une telle décision.
Alors dans trois ans, qu’adviendra-t-il ?

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