Emmanuel Paul, conseiller prud’homal “employeur” à Saint-Denis

’La motivation d’un jugement ne supporte pas l’approximation’

21 juillet 2006

Emmanuel Paul est conseiller prud’homal depuis plus de 10 ans. Conseiller employeur dans la section Industrie, il apporte un regard sur le projet de réforme qui risque d’être adopté en septembre prochain.

Comment peut-on situer la mission du conseiller prud’homal ?

Emmanuel Paul : Quand on juge son prochain, on a une très grande responsabilité. Concernant la rédaction du jugement, je pense que si on est rompu à la chose, et quand le dossier est simple, il est possible de le faire en moins de trois heures.
Cela peut être par exemple le cas pour des affaires portant sur des dossiers simples. Ce sont en général des artisans qui ne sont pas très au courant des textes de loi. Alors pour des questions d’attestation d’ASSEDIC, ou de congés payés dus, cela peut aller très vite.
Ce qui peut prendre beaucoup plus de temps, ce sont des dossiers complexes. Ce sont des problèmes lourds, en général des affaires qui traînent depuis déjà longtemps au sein d’une entreprise où l’ambiance n’est pas bonne, où perdure une “guerre des tranchées” entre des points de vue qui se concilient difficilement. Dans ces cas, la rédaction du jugement est bien plus longue, même pour un conseiller aguerri à ce genre de pratique, car nous devons trouver le sens de la mesure, peser les mots et la moindre virgule compte.

La rédaction d’un jugement est-elle le lieu du débat ?

- Ce sont surtout lors des délibérés que les débats sont souvent sérieux, âpres et emprunts d’une certaine gravité. Mais une fois que les conseillers tombent d’accord, alors on rédige.
Cette rédaction intervient alors que l’on connaît bien le dossier. On recherche alors dans les textes de loi et dans la jurisprudence. Mais en général, c’est au cours du délibéré que l’on a déjà fixé les textes sur lesquels les motivations vont s’appuyer.
Il revient au président de rédiger, mais dans la pratique, il arrive que conseillers employeurs et conseillers salariés se partagent le travail.

Les conseillers prud’homaux ne sont pas des juges professionnels, leurs verdicts sont-ils souvent attaqués avec succès ?

- La motivation d’un jugement ne supporte pas l’approximation. Car si on découvre des failles dans les motifs, alors il sera facile d’infirmer le jugement en appel. Et dans ce cas, les justiciables attendront davantage le verdict définitif.
Si pour un conseiller expérimenté, la rédaction peut être rapide, cela est loin d’être le cas pour un nouvel élu. Cela nécessite des années de pratiques, et un conseiller prud’homal doit avoir conscience qu’il travaille sans filet. Au final, on peut rédiger rapidement si le conseiller a derrière lui de nombreuses années d’expérience et si le dossier n’est pas très compliqué.
De façon générale, le taux de pourvoi en appel est plus fort que pour les autres juridictions. Cela s’explique par le fait que les prud’hommes, c’est une justice gratuite pour les différentes parties. Mais en appel, la confirmation des jugements se fait dans la même proportion que pour les autres cours où siègent des magistrats professionnels.

M. M.


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