Entretien avec Ivan Horeau, Secrétaire général de la CGTR

’La première insécurité, c’est celle du salarié qui risque de perdre son travail’

27 septembre 2006

Après le retrait du CPE, l’autre contrat ultra-précaire imposé par une ordonnance du gouvernement est sérieusement ébranlé par la bataille juridique lancée par les syndicats. Quels enseignements tirer de cette lutte et plus largement, quel impact sur les batailles à venir à La Réunion ? Éclairage de Ivan Horeau, Secrétaire général de la CGTR.

Le 28 avril dernier, le Conseil des Prud’hommes de Longjumeaux a requalifié en Contrat à durée indéterminé un Contrat nouvelle embauche (CNE). Si la procédure initiée par la salariée licenciée sans motif aboutit à la nullité juridique du CNE, quels enseignements peut-on en tirer ?

Ivan Hoareau : Si on avait engagé un véritable dialogue social, on n’en serait pas là. Avec le Contrat nouvelles embauches, le gouvernement voulait donner au patronat la flexibilité et la sécurité juridique pour qu’ils puissent licencier comme bon leur semble. Mais aujourd’hui, les patrons qui ont recours au CPE sont dans l’insécurité juridique.
En France, les recours devant les tribunaux affluent. Contrairement à ce que l’on pense, même si le CNE permet un licenciement sans motif, il ne met pas le patron à l’abri de recours, portant notamment sur le non-respect de principes fondamentaux de droit. Par exemple, une femme enceinte en CNE est licenciée, elle peut aller devant les tribunaux plaider qu’elle a été licenciée parce qu’elle est enceinte. Un salarié en contrat CNE adhère à un syndicat puis est licencié sans motif. Il peut poursuivre son patron, car la liberté syndicale est un droit fondamental.
Après l’échec du CPE, l’intervention du Tribunal des Prud’hommes de Longjumeaux donne des éléments pour continuer la bataille. Si ensuite, la Cour d’appel de Paris confirme le jugement du Tribunal des Prud’hommes, alors tous les patrons qui ont embauché un travailleur en CNE vont connaître l’insécurité juridique. Car ils ne pourront plus licencier sans motif de crainte d’être poursuivi et de perdre face au salarié.
Ceux qui, dans le patronat, appelaient à la mise en place de contrats permettant de mettre au chômage un salarié du jour au lendemain sans avoir à s’expliquer sur leurs motivations, risquent de regretter cette affaire. Eu égard à la tournure des événements, ceux qui pensaient faire une “bonne affaire” en engageant un travailleur en CNE plutôt qu’en CDD ou en CDI verront de fait le contrat CNE être requalifié en CDI, avec tout ce que cela implique.

Le message a-t-il été bien compris, ou de nouveaux projets visant à remettre en cause le Code du travail vont-ils relancer la bataille ?

- Au-delà des lois et des conventions internationales, il est inadmissible qu’on puisse licencier quelqu’un sans motif. C’est un recul social énorme. Un patron ne peut pas affirmer que 2 ans sont nécessaires pour juger de la capacité d’un salarié à remplir ses fonctions, un délai de quelques mois au maximum le suffit amplement.
En tout état de cause, le rejet du CPE et les difficultés du CNE montrent l’échec total de cette politique. Je rappelle que le dirigeant de l’équipementier automobile Valéo, un proche ami de Jacques Chirac, avait rendu un rapport qui conclut sur le fait que le CDI est la meilleure solution. Ce document est resté sous le coude et on a voulu imposer le CPE et le CNE, ce qui est un échec total.
Malgré cela, le MEDEF relance l’idée de refonder le contrat de travail. C’est une idée qui casse le CDD, le CDI et le SMIC, et cela montre bien combien nous devons rester vigilants et mobilisés pour préserver nos droits et en conquérir de nouveaux, pour que le travailleur puisse avoir droit à la sécurité professionnelle tout au long de la vie.

Pour la sécurité professionnelle tout au long de la vie

Le retrait du CPE et les progrès dans le combat contre le CNE illustrent-ils un renforcement de la mobilisation dans les luttes revendicatives ?

- Les luttes paient. Qui aurait dit que le CPE allait tomber ? La mobilisation a permis de faire reculer ceux qui voulaient imposer ce contrat précaire aux jeunes. Et pour le CNE, la lutte se poursuit avec d’autres arguments, mais la même volonté pour obtenir le même résultat que pour le CPE.
Plus largement, nous sommes engagés dans la bataille contre la précarité, pour la sécurité professionnelle tout au long de la vie.
N’oublions pas que la première insécurité, c’est celle du salarié qui risque de perdre son travail. Et pour défendre cette cause, nous n’avons pas d’autre solution que celle de nous battre en ne perdant pas de vue que toutes les batailles perdues sont celles que l’on n’a pas menées.
Prenons l’exemple de la récente mobilisation à Bois Rouge. Cela faisait 20 ans qu’il n’y avait pas eu de grève dans l’usine. Qui aurait pu penser que la lutte allait être menée et déboucher sur de telles avancées pour l’embauche des travailleurs saisonniers, pour les salaires avec la prime de 250 euros, et le treizième mois pour les saisonniers ?
Si les salariés s’approprient les revendications, alors, la bataille menée aboutit sur des avancées pour les travailleurs.
À La Réunion et ailleurs, nous observons une montée des luttes qui empêchent les plus nantis de faire ce qu’ils veulent. Lorsque l’on suit par exemple le déroulement des négociations de l’OMC, lancée en 1999, 7 ans plus tard, les projets de libéralisation totale n’ont pas encore abouti, cela grâce à la mobilisation.

Contre la précarité, beaucoup reste à faire

De quelle manière le poids du chômage influe-t-il sur les luttes à La Réunion ?

- À La Réunion, les luttes sont plus difficiles à mener, notamment du fait de la forte pression du chômage avec un taux de plus de 30%. Pour nous, la solution passe par l’unité d’action avec les autres syndicats en Intersyndicale. Nous avons également un tissus socio-économique particulier, avec plus de 80% des entreprises qui ont moins de 10 salariés. Un travailleur sur 2 a un emploi dans ce type de structure qui n’offre pas les mêmes possibilités de représentation syndicale que les plus grandes entreprises.
Nous éprouvons des difficultés à travailler sur les actions revendicatives avec les chômeurs. Sur le problème de la précarité, nous travaillons beaucoup également et nous avançons.
Dans la lutte contre la précarité, beaucoup reste à faire pour les organisations syndicales. Au crédit des syndicats, on peut noter par exemple les avancées obtenues à Bois Rouge pour les travailleurs saisonniers, celles au bénéfice des contractuels de La Poste...
Même si la lutte est difficile, il n’y a pas d’autres solutions pour avancer, préserver les acquis et en arracher de nouveaux.

Le gouvernement propose de faire signer aux journaliers communaux non-titulaires un CDI pour “régulariser” la situation. Est-ce une solution ?

- Proposer un CDI pour régler la question des journaliers communaux, ce n’est pas acceptable. Le CDI gèle une situation, il ne permet pas de plan de carrière ou d’avancement.
L’Intersyndicale a travaillé avec l’Association des Maires pour aboutir à une procédure d’intégration, étape avant la titularisation. 21 communes ont signé pour l’intégration.

Entretien M. M.


Le MEDEF souhaite "un vaste débat sur le contrat de travail"

"Ouvrir un vaste débat sur le contrat de travail", c’est ce que propose Laurence Parisot, Présidente du MEDEF, aux syndicats. Elle propose aux syndicats un échange de points de vue qui porterait sur le contrat de travail, mais aussi sur "la remise à plat de l’assurance chômage" et "la sécurisation des parcours professionnels". Si la CFDT et la CFTC ont réagi favorablement, la CFE-CGC "attend du MEDEF qu’il définisse une méthodologie et un calendrier" et la CGT demande des "clarifications" avant de répondre à l’invitation du MEDEF.
Selon la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME), "une réunion patronale s’impose". La Confédération "souhaite, avant tout, rappeler la nécessité pour les PME d’une stabilité des dispositifs législatifs et conventionnels déjà très complexes. Elle estime, en outre, qu’il convient de prendre garde à ne pas alimenter l’agitation préélectorale".
La CGPME a rappelé que de "nombreuses négociations interprofessionnelles (pénibilité, AT/MP, diversité, retraites complémentaires, assurance-chômage) sont en cours ou vont s’ouvrir". Elle s’interroge de fait "sur l’opportunité de multiplier les discussions, au surplus sans préparation".


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