Daniel Pellegrin, médiateur pénal bénévole

« La qualité de l’accueil d’une femme battue est très importante »

18 octobre 2006

« L’écoute n’est pas un rôle passif, c’est un rôle de miroir. Il faut cerner l’état psychologique de la personne, avant de l’orienter vers la police, la gendarmerie, ou un conseiller psychologique, doué d’une qualité d’écoute plus spécialisée ». Dans son bureau des Camélias, Daniel Pellegrin voit passer tant de peurs. Peur de porter plainte, peur d’avoir un jour à quitter le domicile conjugal. « La violence physique n’est pas le fait d’un seul milieu social » explique-t-il, et « plus la dépendance matérielle est importante, plus le départ devient difficile ».
Il a longtemps été policier, simple inspecteur, puis commandant, souvent confronté à des femmes qui venaient porter plainte... avant de la retirer. « Si vous ne prenez pas très tôt conscience de la dimension psychologique de ces affaires, vous pensez que ce que vous avez fait est un travail inutile » (l’enregistrement d’une plainte, puis son retrait - Ndlr). « Les agents de police devraient être formés pour ne pas avoir ce sentiment-là » ajoute-t-il, avant de noter « une prise de conscience certaine dans les services de police et de gendarmerie ». Pourtant ce besoin de formation n’est pas encore perçu comme indispensable par une majorité de législateurs (voir “An plis ke sa”).

Plainte ou main-courante ?

Une femme qui vient faire constater des violences conjugales peut trouver deux sortes de débouchés : soit sa plainte est prise sous la forme juridique normale, soit elle est inscrite sur un registre qui transforme la plainte en main-courante. « La plainte est alors mort-née. Il n’y a plus d’enquête », explique le médiateur.
L’ancien policier ne cache pas sa préférence pour la plainte. Il s’en explique : « Lorsqu’il y a plainte, l’auteur des violences est convoqué à la police ou à la gendarmerie et même lorsque nous n’avons pas beaucoup d’éléments pour le confondre, il est toujours possible d’arriver à faire admettre qu’il y a eu des violences ». Daniel Pellegrin ajoute que, hors preuves, le taux d’hommes qui reconnaissent les faits est très faible. « Mais pour la victime, c’est très important ». Non moins importante est la qualité de l’accueil et la capacité des agents de police ou gendarmerie à « prendre en compte la dimension psychologique de la victime ». Celles-ci doivent savoir qu’elles n’ont pas besoin d’un certificat médical pour déposer plainte : le certificat peut venir plus tard.
« Quand il y a plainte, selon la gravité, il peut y avoir comparution immédiate de l’homme violent (dans les 24 ou 48 heures), si la dangerosité est jugée importante ». Lorsqu’il n’y a pas de comparution immédiate, c’est une convocation classique « sous quinzaine en moyenne » dit le médiateur, qui trouve que quinze jours, « c’est trop long » ! En réalité, les délais vont de plusieurs jours à plusieurs semaines, comme en témoigne le cas de Céline (voir ci-après) ; cela dépend de l’organisation des services de police ou des brigades, dit le médiateur.

Médiation et groupes de parole d’hommes violents

Après la confrontation dans les services de police ou de gendarmerie, le Parquet est avisé. Le procureur peut décider soit d’un « classement sans suite », soit renvoyer devant un tribunal, correctionnel en général ; soit encore renvoyer vers la médiation pénale en Maison de Justice. La médiation judiciaire se limite à deux rendez-vous et est parachevée par un protocole d’accord signé par les deux parties.

Au travers des médiations qu’il fait bénévolement pour l’AMAFAR, Daniel Pellegrin a pu établir des contacts avec certains hommes violents. L’institution judiciaire impose en effet quelquefois la voie de la médiation, sous peine d’une audience correctionnelle. « Depuis avril 2006, 20% d’hommes violents ont eu recours à l’association dans le cadre de cet accompagnement » a-t-il constaté. La différence avec la médiation institutionnelle est que, dans le cadre de l’association, le médiateur bénévole peut voir les intéressés plus de deux fois et assurer un suivi ou orienter vers un psychologue du réseau associatif.
« Notre but serait de pouvoir créer des groupes de parole d’hommes violents, animés par des professionnels, comme il en existe déjà pour les victimes ».

P. D.


An plis ke sa

Pas de volonté politique... En mars 2006, lors du vote de la loi qui a durci les peines infligées aux hommes violents, une pétition a circulé auprès des parlementaires pour demander l’introduction, par la loi, d’un module spécifique pour la formation des fonctionnaires (police et gendarmerie). Une demande non suivie d’effet, qui fait dire à Daniel Pellegrin, médiateur bénévole à l’AMAFAR que « si la prise de conscience est réelle, il n’existe pas de volonté politique d’en faire « une cause nationale ».

Question d’éducation. Les associations d’accueil des femmes battues demandent d’accentuer dès l’école l’éducation au respect, à la reconnaissance de l’égalité dans nos différences. Éduquer les jeunes filles à ne pas accepter les violences est une autre urgence. La sensibilisation des garçons et des filles et décisive car beaucoup de femmes disent que leur mari n’a pas conscience de commettre une infraction.


Témoignages

• Céline R., 35 ans

« J’ai peur pour ma fille maintenant »

Céline a porté plainte dans la première semaine de septembre 2006. Le compagnon de sa fille de 16 ans, un garçon de 20 ans, a défoncé une porte de leur appartement à coup de sabre et l’a menacée de mort. Les gendarmes de Bras-Panon auraient constaté les dégâts, le bris de l’ordinateur qu’elle a reçu sur la jambe. Ils auraient aussi trouvé le sabre. Mais près de six semaines plus tard, la jeune femme n’a pas de nouvelle de la procédure en cours. Elle est défendue par l’avocate de l’association Momon Papa Lé la. Depuis cette scène de violence déclenchée « sur une simple remarque » selon Céline, celle-ci dit avoir peur pour sa fille. Peur des menaces et des coups que le jeune homme pourrait ensuite reporter sur elle et sur son enfant.
On peut comprendre que devant la complexité de la situation familiale décrite par Céline, l’enquête soit délicate à mener. L’agresseur, un tout jeune homme, serait lui-même issu d’une famille de huit ou neuf enfants - dont six sont encore mineurs - où tout se joue dans des rapports de force au centre desquels émerge la figure de la mère du garçon. « Une femme malade, qui met tout sur le dos de la sorcellerie » dit Céline. La mère du garçon violent se dirait « envoûtée par son premier mari ».

• Margaret R. 34 ans

« Au bout d’un certain temps, on ne sait plus quoi faire »

Margaret reconnaît que la séparation d’avec son compagnon a été très longue. Elle a d’abord tenté de l’aider à cesser de boire : trois tentatives sur cinq ans, dit-elle. Ses premières plaintes n’ont pas débouché, selon elle, sur des peines susceptibles d’arrêter la violence de son compagnon. Ils ont eu deux enfants et, un jour où elle s’était réfugiée chez sa mère avec ses enfants pour fuir la violence, son compagnon la poursuit jusqu’à la Plaine des Cafres avec un fusil et manque de tuer cinq personnes. Plainte, procès en correctionnelle et... deux mois de sursis pour l’homme violent. Elle l’aimait, ils tentent à nouveau une vie commune et partent en France. Au début, il travaille, il boit moins. Puis il quitte son travail, recommence à boire et, dans une dispute, envoie Margaret à l’hôpital avec le sternum enfoncé. Nouvelle plainte, en secteur police cette fois : 6 mois de sursis pour le compagnon frappeur.
Ils reviennent à La Réunion, elle pense qu’elle sera mieux entourée ici, mais l’enfer recommence. Et cette fois, toujours après des coups, elle hésite à porter plainte, en dépit de la présence d’un témoin. « Il n’avait eu que du sursis. J’ai pris 48h de réflexion avant de retourner porter plainte. On ne sait plus quoi faire au bout d’un certain temps ». Les gendarmes ont tenté d’arrêter l’homme violent sans y parvenir. Il s’est rendu de lui-même deux jours plus tard. Au procès, l’homme violent a été condamné à deux mois de prison ferme et à l’obligation de se soigner.
« L’obligation de soin n’est pas respectée. Mon compagnon a vu deux fois seulement un psychiatre. Il n’y a pas de suivi... »
Aujourd’hui, elle tente de recommencer une nouvelle vie. « Maintenant, mon but c’est d’aider les autres » dit-elle. Mais elle est toujours sur ses gardes. Bien qu’effectivement séparés, son ancien compagnon l’a menacée de mort.


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Messages

  • bonjour,pourait ont me dire km peux t ont etre sur qu une personne se fait battre.je ressent en moi km un appel au secour de ma fille mais km etre sur ,j’ai constater des coup sur ses bras elle me dit qu elle se les fait elle meme j’ai constater dans son sky blok qu elle a ajouter un paragraphe sur les femmes battue ,se qui m inquiete ,je sent de la detresse km savoir si on ne se trompe pas et si je passe a coté d un appel au secour si quelqu un peux m aider a savoir km je pourais voir si ce que je pense soie vrai merci de m aider


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