Le nouveau Premier ministre veut faire de la lutte contre le chômage sa priorité

La Réunion a son mot à dire

3 juin 2005

Plutôt que de tomber dans les jeux politiciens liés à la nomination d’un nouveau gouvernement, La Réunion gagnerait à élaborer ses propres propositions de lutte contre le chômage dans l’île et obliger le Premier ministre à respecter son engagement de faire de cette bataille une priorité.

Depuis que le chef de l’État a décidé de changer de gouvernement, La Réunion n’échappe pas à un travers : on privilégie une lecture politicienne de la nouvelle situation. On se demande si le couple de Villepin/Sarkozy va tenir. On fait état de toutes les spéculations sur la composition du nouveau gouvernement. On se berce de souvenir avec l’épisode de Margie Sudre, secrétaire d’État, en oubliant de dire que le bilan de son passage comme secrétaire d’État est très maigre. Or, en décidant de faire de l’emploi et de la lutte contre le chômage sa priorité, le Premier ministre nous oblige à regarder en face la situation locale et à proposer nos propres solutions.
Depuis une vingtaine d’années, le taux de chômage en France flirte avec les 10%. Tous les gouvernements qui se sont succédé de ces deux dernières décennies ont cherché à le réduire. Tous ont échoué. Pourquoi, après les résultats du 29 mai, le chef de l’État a-t-il décidé d’en faire la question prioritaire à régler d’urgence avant la fin de son mandat ?
Sans doute, a-t-il le sentiment que la question sociale a lourdement pesé dans les résultats de dimanche soir. Depuis 1986, soit depuis 20 ans, pratiquement une génération de Français a vécu avec les 10% de chômage, la précarisation de plus en plus grande du travail, l’absence de formation qualifiante, etc. Depuis, les Français ont fait et défait les majorités politiques au gré de circonstances du moment : en 1995, ils élisaient Jacques Chirac, champion de la fracture sociale plutôt que Balladur, pourtant porté par les sondages ; en 1997, ils renvoyaient à la maison la majorité RPR/UDF ; le 21 avril 2002, ils éliminaient Jospin de la bataille du second tour de la présidentielle ; en 2004, ils sanctionnaient aux régionales puis aux européennes Raffarin et dimanche dernier, ils renvoyaient dos-à-dos l’UMP et le PS.

De Villepin va-t-il se mettre à l’écoute des Réunionnais ?

Si 10% de chômage dans l’Hexagone font aussi peur au point de devenir l’axe autour duquel s’organise la composition du nouveau gouvernement et de son action, que dire des 30% et plus de chômeurs à La Réunion ? Pourquoi un tel pourcentage n’a guère interpellé les gouvernements qui se sont succédé ces 20 dernières années ?
Pour tenter de réduire le chômage métropolitain, le gouvernement Raffarin a tour à tour, essayé deux méthodes. Il a commencé par appliquer un traitement libéral, en expliquant que la réduction du chômage passait par la création d’emplois dans le secteur marchand. Il a déployé toute une série de dispositifs - comme le RMA - qui n’a pas marché. Avec Jean-Louis Borloo, il est revenu à des formules de traitement social du chômage, l’État s’engageant à financer des Contrats à durée déterminée comme les Contrats d’avenir ou les Contrats d’accompagnement.
Quelles méthodes mettra en œuvre Dominique de Villepin ? Ce dernier a affirmé vouloir "mener personnellement" la bataille pour l’emploi, avec "pragmatisme, détermination et ambition pour la France". Tout en promettant de respecter le "modèle français qui veut concilier la solidarité et la liberté d’initiative, d’entreprendre", le nouveau Premier ministre n’écarte pas l’idée de recourir à "d’autres expériences" en se tournant vers l’étranger.
Au nom de l’expérience de ces 20 dernières années, va-t-il se rappeler que l’application mécanique dans les DOM de solutions envisagées pour la Métropole débouche souvent sur des dérives et la faillite ? Va-t-il se mettre à l’écoute des Réunionnais ? Et ces derniers vont-ils se montrer suffisamment responsables pour construire ensemble un projet de développement dont la lutte contre le chômage pour la création d’emplois pérennes serait l’axe stratégique ? Les 60% d’électeurs qui ont voté “non” dimanche ont clairement fixé une exigence : que l’on cesse les batailles sectaires et partisanes de conquête de pouvoir pour se pencher sur les problèmes quotidiens de nos compatriotes.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus