6.000 manifestants dans les rues de Saint-Pierre

La rue descend le CPE

5 avril 2006

Pour la 5ème fois depuis février, les lycéens, étudiants, même des collégiens, et les représentants des syndicats et des partis politiques de gauche exigent le retrait du Contrat première embauche. Hier matin, ’ils étaient 6.000 dans les rues de Saint-Pierre’, observe Gilles Leperlier, le président de l’UNEF Réunion, pour suivre ce mot d’ordre national.

Comme convenu, des lycéens, des collégiens, des étudiants ont conduit la riposte contre le CPE, hier matin dans les rues de Saint-Pierre. Le rendez-vous était fixé à 9 heures à la gare routière de la ville pour ensuite se diriger vers la mairie où Michel Fontaine, le maire de Saint-Pierre, a reçu une délégation.
Avant cette rencontre, les premiers arrivés à la gare routière patientaient en musique. Leurs collègues de Saint-Louis et du Tampon empruntaient les 4 voies pour rallier le point de protestation. D’autres, ceux de La Possession, du Port, des Avirons, de l’Étang-Salé y parvenaient par le biais de bus jaunes.

Y a t il encore un pilote aux commandes de l’appareil gouvernemental ?

Puis, tous réunis et tous ensemble, les lycéens - plus nombreux -, les représentants de la CGTR, l’UNSA, la CFTC, la CFDT, FO, la FSU, de Sud Éducation, la FCPE et des élus de gauche lançaient le cortège de contestation. Du début à la fin, ils scandaient : "non au CPE, Chômage-pouvoir-exploitation" ou encore "Villepin et Chirac derrière les barreaux". Les campagnes d’information orchestrées notamment par l’UNEF auprès des élèves du Sud portent enfin leurs fruits.
Ces élèves échangent aussi sur ce sujet d’actualité avec leurs parents et amis. Ils écoutent les commentaires des uns et des autres à la télévision ou dans les journaux. Ils notent la forte mobilisation des élèves des établissements scolaires de France qui ne cesse d’augmenter au fil des jours. Ils sont loin d’être hors du débat. Bien au contraire, ils soulignent les contradictions même du président de la République dans son allocution télévisée, qui promulgue la loi, mais ne l’applique pas. "C’est à se demander s’il y a encore un pilote aux commandes de l’appareil gouvernemental", s’interroge un manifestant.

Les élèves tiennent bon face aux menaces

C’est donc dans une ambiance dynamique et agrémentée de mots pimentés que le défilé filait vers la mairie. En fin de matinée, Michel Fontaine accueillait une délégation composée des divers représentants des lycéens, parents d’élèves et syndicats. Gilles Leperlier, le président de l’UNEF Réunion, l’interpellait au sujet "des pressions exercées par les proviseurs sur des élèves. Ils comptaient ainsi les dissuader de manifester". Gilles Leperlier demandait au premier magistrat de la ville de relayer auprès du gouvernement "le “non” massif de la jeunesse réunionnaise à cette mesure de préservation et d’accentuation de la précarité des jeunes principalement".

Jean-Fabrice Nativel


Zot la di

o Gilles Leperlier, le président de l’UNEF :

"Tant que le gouvernement ne retirera pas ce projet, la mobilisation continuera"

Gilles Leperlier se réjouit du nombre de manifestants présents hier matin pour réclamer le retrait du CPE. "6.000", selon lui. En effet, les réunions d’informations sur le contenu de ce contrat et les rencontres multiples avec les élèves ont porté leurs fruits. Pour cette figure de l’UNEF, "tant que le gouvernement ne retirera pas ce projet, la mobilisation continuera". "Les jeunes ne se laisseront pas faire. Ce projet ne correspond pas à la réalité : une société en pleine crise", constate-t-il.

o Gélita Hoarau, sénatrice de La Réunion :

"Réfléchir à un projet global pour le développement de La Réunion"

Une nouvelle fois, Gélita Hoarau, sénatrice du Parti communiste réunionnais (PCR), soutenait cette jeunesse réunionnaise dans son élan de protestation. Cette forte mobilisation symbolise "leur prise en main de leur avenir. Ce n’est pas du mimétisme". Ces élèves sont "responsables, réfléchis, matures, se préoccupent et s’informent du contenu de ce contrat". Au fil des jours, "ils ont pris cette affaire en main", selon elle car leur avenir est en jeu. L’élue du PCR se veut être "le relais de cette jeunesse auprès du gouvernement et à la tribune du Parlement". Tôt ou tard, cette mesure promulguée mais non applicable dans l’immédiat se retrouvera à l’affiche de l’Assemblée nationale. En attendant, elle s’interroge sur le sens donné au mot “démocratie” par ce gouvernement, "on vote la loi puis on négocie".
Comme Gilles Leperlier, elle préconise une rencontre des composantes du monde économique, social, culturel et politique. Il est urgent, selon elle, "de réfléchir à un projet global - incluant le chômage des jeunes - pour le développement de La Réunion". D’après elle, "les lois votées pour freiner l’augmentation du chômage ne sont pas toutes transposables à La Réunion". En effet, "il est important de prendre en compte nos spécificités", fait-elle remarquer. La Réunion au sein de l’océan Indien dispose de nombreux atouts. Elle a une jeunesse dynamique, formée, compétente dans les domaines les plus variés. "La tragédie du chikungunya doit entre autres nous servir d’exemple à condition d’en tirer les leçons. Si nous développons la culture du Bti, nous exportons ce procédé de lutte larvaire aux pays environnants par exemple. Cette piste de réflexion notamment, nous ne devons pas la négliger. Elle est créatrice d’emplois comme le développement de la veille sanitaire". Autre piste à creuser, "celle de la pêche", termine-t-elle.

o Claude Hoarau du Parti communiste réunionnais :

Une présence appréciée des jeunes manifestants mais pas par le maire de Saint-Louis

Claude Hoarau, hier matin, a accompagné les lycéens de Saint-Louis à pied vers la Gare routière de Saint-Pierre. L’ancien maire de Saint-Louis, député, professeur à la retraite et parent, a déploré sur les ondes de la Colombe, l’attitude de Cyril Hamilcaro, le maire de la commune, à son égard. Cyril Hamilcaro n’a pas apprécié la présence de Claude Hoarau auprès des jeunes manifestants. Claude Hoarau relève aussi "les injures à son encontre et aux parents d’élèves de la part du premier magistrat de cette ville".

o Guylène Doressamy, représentante de la FCPE :

"Un emploi sûr et non précaire"

Guylène Doressamy de la FCPE, au contact du monde de l’éducation au quotidien, soutient le mouvement anti-CPE depuis le début. Aujourd’hui, "les parents - nombreux en situation de précarité - souhaitent pour leurs enfants un emploi sûr et non un, précaire. Ils se serrent la ceinture pour leur offrir des conditions décentes pour la réussite dans leurs études : location de chambre, le paiement du transport", s’explique-t-elle. "Il est indigne de leur offrir après de longues années de sacrifices un CPE".

o Max Banon de la CGTR Sud :

"Les jeunes ne sont pas dupes"

Max Banon "se félicite de l’adhésion des jeunes réunionnais à ce mouvement de protestation. Il est temps que le gouvernement tire les leçons des manifestations contre le CPE. Elles ne cessent de s’amplifier. Les jeunes ne sont pas dupes. Ils savent qu’il y a de l’argent pour le financement d’emplois stables". Au sein du cortège, on note principalement la faible mobilisation des salariés. Ce représentant de syndicat l’explique de la façon suivante : "Une journée de grève correspond à une journée de salaire en moins".

o Pierre Boisvilliers de la CGTR Sud :

Non à "la suppression du Conseil des Prud’hommes"

Pierre Boisvilliers, secrétaire général de la CGTR région Sud, note "enfin le réveil des jeunes réunionnais. Enfin, ils s’impliquent pour leur avenir". Il remarque surtout que "le CPE n’est pas uniquement l’affaire des syndicats mais bien l’affaire de tous". En effet, le dernier né des contrats de précarité, "renforcera la précarité au sein des secteurs du commerce et du bâtiment", insiste-t-il. Par cette mesure, "on démantèle le Code du travail. On met de côté les modalités à observer pour le licenciement d’un salarié". À terme plus ou moins long, "on vise la suppression du Conseil des Prud’hommes", d’après lui.

J.-F. N.


"Nouveau raz-de-marée contre le CPE"

Dans un communiqué diffusé hier dont on lira ci-après de larges extraits, le SGPEN-CGTR tire les enseignements de la mobilisation.

"La puissance de cette 5ème journée de mobilisation nationale confirme si besoin est que le soufflet de la contestation ne retombe pas et qu’il faudra bien que la représentation nationale, dans le cadre de sa prochaine saisine, abroge une fois pour toute le CPE. (...)
À La Réunion, la mobilisation va crescendo, le nombre de manifestants présents dans les différents cortèges (Saint-Pierre, Saint-Denis, mais également dans plusieurs villes) a doublé par rapport à la dernière action nationale du 28 mars 2006.
10.000 manifestants dans notre département, c’est incontestablement un succès et ce en dépit des obstacles rencontrés (difficultés de déplacement sur les lieux de manifestation, pressions à l’encontre des lycéens...).
À cet égard, le SGPEN-CGTR condamne fermement l’attitude zélée de certains chefs d’établissement qui, par mimétisme, avec le ministre de Robien, ont eu recours à des méthodes d’un autre âge (...) pour faire pression sur les lycéens .
Le SGPEN-CGTR demande au recteur d’académie de prendre toutes initiatives nécessaires pour que les sanctions en cours contre les lycéens soient levées au plus vite. (...)
L’heure plus que jamais est à l’abrogation du CPE.
Enfin, le SGPEN-CGTR salue chaleureusement les personnels ATOSS, titulaires comme précaires, qui ont participé et participent par la grève et la manifestation aux actions contre le CPE (...)"


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