CREPS

La Solidarité : un “devoir” ou une culture ?

7 février 2007

Le CREPS de La Réunion est le seul, en France, à faire une formation à l’humanitaire. À l’occasion de la venue d’Etienne Madranges, Directeur de la Jeunesse au Ministère, un forum s’est tenu à Saint-Denis pour faire « l’état des lieux de l’engagement réunionnais » et réfléchir aux moyens de l’accompagner, voire de le stimuler.

Chaque année, après une sélection opérée généralement entre le 20 septembre et le 1er octobre, 18 places de stagiaires sont ouvertes à des publics très diversifiés, sélectionnés sur leur projet, pour suivre, au CREPS, une formation de 6 mois à l’action humanitaire. Les publics ont généralement une formation initiale Bac +4 en relation avec l’intervention humanitaire, mais dans les domaines les plus variés (BTP, informatique, anthropologie, gestion, droit, action culturelle...). La formation prend fin avec 2 mois et demi de stage en immersion dans un pays de l’Océan Indien.

Les candidats sont d’âge et d’origine divers, et se différentient également par leurs motivations. Les uns veulent travailler dans l’urgentisme, d’autres avec des ONG, ou d’autres encore dans la coopération, sur des programmes nationaux ou internationaux. « Ils ont pour trait commun de vouloir s’impliquer et ont besoin d’outils pour décliner leurs compétences en les adaptant à un terrain et à une population donnés », expose Anne Chenuet-Barroin, la Directrice du Centre Régional d’Éducation Populaire et Sportive (CREPS), qui accueille cette année la quatrième promotion, en partenariat avec Bioforce, l’Institut de formation de Médecins du Monde.

La Directrice du Centre régional était à l’initiative du Forum qui s’est tenu à l’occasion de la venue d’Etienne Madranges, Directeur de la Jeunesse au Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative. « On avait invité beaucoup de monde et on n’a eu qu’une semaine pour le faire, mais ils ne sont pas tous venus », constatait, un peu déçue, l’organisatrice du Forum.
Trois des stagiaires de la promotion ont pu parler de leur projet et, s’il est vrai que l’on comptait sur les doigts d’une main les membres d’associations “humanitaires” - elles seraient environ 120 dans l’île -, la qualité des débats ne s’en est pas ressentie. Tout au plus auront-ils duré moins longtemps...

Les organisateurs ont lancé les discussions en situant La Réunion dans son environnement. Si on la décrit avec Anne Chenuet-Barroin comme « une île d’abondance dans un océan de misère », le « devoir de solidarité » n’est jamais très loin. Néanmoins, Bernard Wicher, formateur au CREPS, s’est interrogé sur ce devoir de solidarité. « La solidarité n’est-elle pas un fait, corrélé à l’interdépendance où nous sommes tous les uns vis-à-vis des autres, avant d’être un devoir, ou un dû ? », a-t-il dit en substance.

A la Plate-forme d’Intervention Régionale pour l’Océan Indien (PIROI), gérée par la Croix-Rouge, Grégoire Brou a vu se développer une coopération active avec la Croix-Rouge malgache, le Croissant Rouge comorien, mais aussi des volontaires aux Maldives, au Seychelles, à Maurice et au Mozambique. « Nous avons recensé environ 6.000 volontaires, âgés de 15 à 19 ans. Sans eux, aucun programme de la Croix-Rouge ne se ferait dans l’Océan Indien », indique Grégoire Brou, ajoutant que la programmation actuelle « court jusqu’en 2010 » et qu’elle bénéficie de l’appui logistique (aérien ou maritime) des FAZSOI. Une coopération plus balbutiante existe aussi avec les Pompiers, qui peut se traduire par des formations complémentaires, selon l’intervenant de la PIROI.
Raymond Lauret, Conseiller régional, a évoqué, à partir d’exemples de la pêche, les « mille problèmes » auxquels se heurte la coopération régionale, à commencer par des questions d’approches philosophiques ou conceptuelles. Cela n’empêche pas la Région d’appuyer l’action de Volontaires du Progrès à Madagascar, ou de déployer une coopération sportive dans le domaine du football avec la Chine.

Mais pour les associations œuvrant par exemple dans le domaine sanitaire, médical ou social - étaient représentées notamment “Terre Rouge”, “Terre des Hommes” et “Frères des Hommes” -, le niveau d’intervention est tout autre et la principale difficulté est de « trouver des correspondants (dans le pays - NDLR) sur lesquels s’appuyer en toute confiance », a dit l’un des représentants associatifs. Les associations sont souvent confrontées à des vols de matériels et les actions, condamnées à un éternel recommencement même lorsqu’elles sont construites dans des « projets intégrés », progressent avec difficulté.

Mario Serviable, intervenant au CREPS et dans la Ville de Saint-Denis, notait que « le regard de nos voisins sur La Réunion a changé », notamment avec la construction de la Commission de l’Océan Indien (COI).
Parmi les stagiaires, une jeune femme a relevé qu’elle avait trouvé à la Croix-Rouge de nombreux jeunes Réunionnais qui « sont là spontanément » pendant les périodes de vacances scolaires. Si la générosité n’est pas en défaut, c’est peut-être un manque d’information qui fait constater que « beaucoup de jeunes, à La Réunion, ignorent le dispositif institutionnel de la Jeunesse et Sport », a regretté Daniel Boyer, le Directeur départemental.
Il y a sûrement quelque chose à faire pour faire grandir la culture de la solidarité.

Le Directeur de la Jeunesse, Etienne Madranges, a présenté les « dispositifs incitatifs » de son ministère, qu’il s’agisse de programmes européens “Jeunesse en action” (jusqu’à 30 ans) ou du dispositif “Envie d’agir” déployé ici en direction de Madagascar, en lien avec des privés dont « l’action levier » est qualifiée d’« importante ». Le Ministère de la Jeunesse et Sport déconcentre chaque année 80% de son budget et distribue près de 90 millions d’euros aux associations. Le programme “Envie d’agir”, qui a primé l’an dernier 300 jeunes créateurs d’entreprises, représente près de 7 millions d’euros dans le budget des dispositifs du ministère.
Les dispositifs existent. Il reste à développer cette culture de la solidarité avec les associations qui, ici, œuvrent au développement durable.
On peut aussi se demander, bien que la question n’ait pas été soulevée par les participants au Forum, pourquoi la solidarité ne serait pas mise à l’épreuve ici même, sur des actions qui - telle la lutte contre l’illettrisme - appellent ce type d’intervention, qui échappe à peu près totalement, par nature et en raison du caractère massif de l’illettrisme, aux organismes de formation.

Enfin, le Directeur de la Jeunesse a rencontré, juste avant le forum, les membres du Conseil départemental des Jeunes qui, cette année, ambitionnent d’organiser dans l’île un Colloque des Jeunes européens, peut-être vers le milieu de l’année. Une initiative à suivre...

P. David


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus