Le CLE organise des réunions d’information contre la politique de casse sociale

16 février 2008, par Edith Poulbassia

Le combat du CLE (Collectif de Lutte contre l’Exclusion) est ambitieux : réveiller les allocataires de minima sociaux, faire en sorte qu’ils s’affranchissent de cette position de faiblesse dans laquelle on les cantonne, et les pousser à défendre enfin, tous ensemble, leurs droits de citoyens. Car « jamais autant de menace n’a pesé sur le social », affirme Jean-Pierre Técher. Y aura-t-il un sursaut ? Le CLE a tenu une première réunion d’information hier à la salle Candin, qui n’a pas eu le succès escompté. Mais des réunions de quartiers sont prévues la semaine prochaine. Ne dit-on pas que plusieurs ’peu’ font beaucoup ?

Le CLE organisait hier la première réunion d’information pour les bénéficiaires de minima sociaux. Le mois dernier, un collectif de vigilance et de résistance (CLE, Agir Pou Nout Tout, Agir contre le chômage, Allons kozé sérieux et ATD-quart monde) avait dénoncé la politique de stigmatisation des plus faibles menée par le gouvernement et avait annoncé son intention d’organiser des débats pour mettre en garde la population, et surtout l’inciter à réagir. Cette première réunion n’a pas fait salle comble, un peu plus de 25 personnes ont fait le déplacement hier matin à la salle Candin, malgré des tracts distribués par l’association. Mais le CLE ne compte pas s’arrêter là. Dès la semaine prochaine, le collectif ira au plus près des citoyens, par le biais de réunions de quartiers.
Difficile de mobiliser les bénéficiaires de minima sociaux. Honte ? Crainte ? Désinformation ? Toujours est-il que de graves menaces pèsent aujourd’hui sur les allocataires du RMI et autres prestations, mais personne ne proteste. « Couper le RMI », c’est l’épouvantail que l’on agite depuis 20 ans, rappelle Jean-Pierre Técher, et maintenant que cette situation se profile, personne n’y croit.

« La grande majorité des érémistes va passer à la trappe »

« Aujourd’hui, au lieu de combattre le chômage, on combat les chômeurs, au lieu de combattre l’exclusion, on combat les exclus, au lieu de combattre la pauvreté, on combat les pauvres, on les pourchasse, on les enfonce, on les pousse au désespoir. Nos dirigeants oublient que le chômage, l’exclusion, la misère ne se gèrent pas, ils se combattent. On est aujourd’hui 5 fois plus riches qu’il y a 50 ans et pourtant, tous les acquis sociaux, toute la protection sociale sont en train de disparaître les uns après les autres, et ce, dans une indifférence quasi-générale », estime le président du CLE. La réunion d’information d’hier avait précisément pour objectif d’informer des dangers. De prévenir au lieu de guérir.
Documents à l’appui, Jean-Pierre Técher a expliqué le décret de contrôle du train de vie des allocataires du RMI. « Le droit au RMI sera remis en cause lorsque l’évaluation annuelle est supérieure ou égale à la moitié du RMI », explique-t-il à l’assemblée. Cas concret, une personne avec un enfant qui bénéficie d’une pension alimentaire. « Avec 200 euros de pension alimentaire par mois, soit 2.400 euros par an, la personne n’a plus droit au RMI, ni à la CMU, explique-t-il. Comment va-t-elle faire pour vivre ? ». Le président du CLE multiplie ainsi les exemples, et conclut : « La grande majorité des allocataires du RMI va passer à la trappe ».

Un gouvernement frileux en période d’élection

Et la fraude ? Certes, elle existe, mais elle n’est pas réservée aux seuls bénéficiaires de minima sociaux. La lutte contre la fraude sert de prétexte à la disparition programmée du modèle social français. Le CLE estime que le gouvernement n’a pas le courage, pour l’instant, de supprimer le RMI, période électorale oblige. Mais le CLE rappelle le contexte de rigueur budgétaire du Département en charge des érémistes. « L’objectif est de passer sous la barre de 50.000 érémistes », souligne Jean-Pierre Técher. Comme à l’ANPE pour les demandeurs d’emploi, les radiations pourraient donc aider.
Les contrôles qui se renforcent (récemment à Saint-Paul) portent déjà atteinte à la dignité et l’intimité des gens. « Zot i ariv à limproviste kom un voleur i sa va volé, compare Jean-Pierre Técher. Les personnes allocataires du RMI se retrouvent seules face à l’Administration qui va chercher à détecter la petite chose pour permettre la radiation ». Le CLE demande au moins que l’allocataire soit prévenu du passage du contrôleur, et qu’il puisse se faire assister par une personne de son choix.

« Sans nous, La Réunion n’avance pas »

Le CLE a ainsi appelé les bénéficiaires de minima sociaux, mais aussi tout citoyen attaché au modèle social, à rejoindre le Comité de vigilance et de résistance. « Nous ne sommes pas là pour entrer en conflit avec le gouvernement, mais il faut bien comprendre que sans nous, La Réunion n’avance pas. Nous avons un pouvoir, déclare Georges Arhiman. Aujourd’hui, il ne sert plus à rien de manifester, de crier. Les chômeurs ont un rôle économique ». L’ANPE, l’ADI, la Mission locale, les services publics... tous fonctionnent grâce aux bénéficiaires de minima sociaux et des demandeurs d’emploi. Il évoque ainsi l’action qu’il a menée dans les années 1980, l’opération “Caddies vides” : une cinquantaine de personnes avaient fait une grève de la consommation pendant 2 heures dans une grande surface, en se promenant dans les rayons sans rien acheter. « On avait appelé la police, la gendarmerie, le maire, le préfet, mais aucun article de loi n’interdit à une personne fauchée d’entrer dans un magasin », explique-t-il. Faut-il s’attendre à ce genre de blocage ? En tout cas, le CLE réfléchit à une forme de résistance efficace.

Edith Poulbassia


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