Bilan contrasté pour l’Enquête emploi annuelle de l’INSEE

Le découragement des chômeurs expulse des milliers de travailleurs des statistiques

6 décembre 2012, par Céline Tabou

L’INSEE a annoncé au second trimestre 2012, un taux de chômage de 28,9%, soit une baisse de 0,9 point par rapport à 2011. Il s’agit d’un « message en demi-teinte », car « le chômage est stoppé, mais le découragement des chômeurs vient ternir les données » parce qu’il n’y a pas de relance de l’activité économique à La Réunion, a expliqué Valérie Roux, directrice générale de la direction régionale La Réunion-Mayotte.

L’Institut national des statistiques et des études économiques a publié mercredi 5 décembre son « Enquête Emploi 2012 », intitulé « Contrats aidés et découragement des chômeurs infléchissent le taux de chômage ». L’étude montre une diminution du taux de chômage, due non pas à la reprise économique et à la création d’emploi, mais aux contrats aidés fournis au premier semestre 2012 et au découragement des chômeurs qui ont cessé de rechercher un emploi activement.

Un marché du travail en berne

D’après les données fournies par Thomas Patenotte, chargé d’étude à l’INSEE, le taux d’activité ne progresse plus et reste stable à 60,7%, soit 10,2 points de moins qu’en France. Cela s’explique par une augmentation rapide de la population en âge de travailler (15-64 ans) et une arrivée moyenne par an, depuis 2007, de 7.300 personnes sur le marché du travail. En parallèle à ces données, la population active (personne au chômage ou en emploi) occupée augmente de 1,7%. L’institut explique qu’aucun rattrapage économique n’a été réalisé depuis le début de la crise en 2009.

Thomas Patenotte a indiqué que « le faible taux d’activité, la diminution du nombre de personnes sur le marché du travail et un taux de chômage élevé expliquent un taux d’emploi aussi faible ». En effet, « 43,3% de la population en âge de travailler est en emploi », ce chiffre reste stable, mais dénote un manque de créations d’emploi à La Réunion qui pourrait s’aggraver avec le contexte de récession dans notre île ainsi que la crise de la dette souveraine dans la zone euro.

La hausse de l’emploi est soutenue par les contrats aidés, dont « le nombre a été aussi fort en 2011, ce qui démontre qu’il ne s’agit d’un effet électoraliste », a expliqué Valérie Roux, ce qui dénote une crise structurelle au sein de l’économie réunionnaise. D’après l’INSEE, 5.600 contrats aidés supplémentaires ont été mis sur le marché du travail au premier semestre 2012 expliquant la baisse du chômage. En effet, les entrées en CUI-CAR (secteur non marchand) ont évolué de 66% entre le 1er semestre 2011 et le 1er semestre 2012. Ce sont les femmes qui ont profité de cette évolution à 70% contre 62% pour les hommes.

Un « halo autour du chômage » en progression

« L’emploi a progressé cette année, soutenue par les contrats aidés, cette baisse n’est pas forcément un signe positif, car il vient s’ajouter au découragement des chômeurs qui basculent dans l’inactivité », a expliqué le chargé d’étude de l’institut. Ces derniers ne cherchent plus d’emploi et sortent du critère « actif » et deviennent chômeur au sens du BIT (1). L’impact de ces contrats aidés s’est surtout fait ressentir chez les jeunes de 15-24 ans, dont le taux de chômage a diminué de 3,7 points, se fixant à 56,2% des actifs qui sont au chômage.

L’INSEE explique que le halo c’est-à-dire les inactifs au sens du BIT représente 47.000 personnes, soit une hausse de 37% en un an. Ce halo prend en compte « certaines personnes souhaitant travailler, mais étant considérées comme inactives, soit parce qu’elles ne sont pas disponibles rapidement pour travailler (deux semaines), soit parce qu’elles ne recherchent pas d’emploi ». Comparé à la France, l’halo est « particulièrement important », car il représente 8,3% de la population en âge de travailler, soit 46.900 personnes. Le chômage et le halo réunissent 145.500 personnes sans emploi, mais souhaitant travailler, contre 134.900 en 2011. L’institut explique que « la prégnance du chômage de longue durée » soit 71% des chômeurs le sont depuis plus d’un an et 57% depuis plus de deux ans.

L’INSEE explique également qu’un quart des chômeurs de 2011 sont tombés dans l’inactivité, soit 4 points de plus qu’en 2011 et qu’un quart de la population en âge de travailler souhaite travailler. Valérie Roux a indiqué que contrairement « à ce qu’on entend », le taux de chômage des jeunes diplômés est moins élevé que celui des non-diplômés. 9,9% des chômeurs sont diplômés du supérieur contre 38,8% sans diplôme (32% avec CAP ou BEP et 26,1% avec le BAC). « Le diplôme protège encore et toujours du chômage », a indiqué Thomas Patenotte. De fait, « une personne détenant un CAP à 2,3 fois plus de chance de trouver un emploi qu’une personne sans diplôme », ont précisé les économistes.

Céline Tabou

(1) Chômeur au sens du BIT : « Un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions :

1- être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu’une heure, durant une semaine de référence ;

2- être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;

3- avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois ».

Des données statistiques et économiques différentes du Pôle Emploi.

Contrairement aux attentes après la publication du Pôle Emploi et l’annonce d’une hausse de 3.000 demandeurs d’emploi en octobre 2012, soit 160.220 Réunionnais inscrits au Pôle Emploi, L’INSEE annonce une baisse du taux de chômage. Cette différence statistique entre l’INSEE et le Pôle Emploi s’explique par les critères de recherche statistique. En effet, le Pôle Emploi table sur un volume et des critères moins stricts tandis que l’INSEE se base sur les critères du Bureau international du travail qui sont plus pointus.
Luttes pour l’emploi

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Messages

  • Bonjour,

    Je suis journaliste à l’agence CAPA, et je prépare un reportage pour l’émission Envoyé Spécial (France2), sur les chiffres du chômage.

    Je cherche à entrer en contact avec des personnes qui n’apparaissent pas dans les statistiques officielles du chômage (les chômeurs "invisibles", ou découragés).

    Si cela vous intéresse de témoigner, vous pouvez me contacter à l’adresse suivante : [email protected]

    D’avance merci beaucoup !


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